Cass. com., 3 décembre 2002, n° 99-14.951
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour permettre aux époux X... d'acquérir le capital social de la société anonyme Douce, propriétaire d'un fonds de commerce de café-restaurant à Paris, le Crédit industriel et commercial de Paris (le CIC) leur a consenti, le 28 février 1991, un prêt de 4 000 000 francs dont le remboursement était garanti par la caution solidaire de la société, laquelle avait été transformée le même jour en société en nom collectif, ainsi que par un nantissement du fonds de commerce, puis, ultérieurement, un prêt complémentaire de 420 000 francs ; que les emprunteurs ayant failli à leurs obligations de remboursement, le CIC a dénoncé ses concours et réclamé paiement des sommes lui restant dues ; que les époux X... ont invoqué la responsabilité de l'établissement de crédit à leur égard, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de conseil en acquiesçant, sans réserve, au montage juridique ayant consisté à transformer, dans son intérêt exclusif, la société anonyme en société en nom collectif et de leur avoir octroyé des crédits excessifs eu égard à leurs facultés de remboursement ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour retenir la responsabilité du CIC, l'arrêt relève que celui-ci, professionnel du crédit, devait, à réception des projets d'actes qui lui avaient été adressés pour observations par leur rédacteur, attirer l'attention des époux X... sur le "caractère très spécial et peu conforme à l'intérêt social de l'opération" du montage juridique ayant consisté à transformer la société anonyme Douce en société en nom collectif pour permettre à celle-ci de cautionner les engagements souscrits par les emprunteurs en échappant à la prohibition édictée par l'article 106 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu qu'en se prononçant de la sorte, alors qu'en tout état de cause, le comportement reproché à l'établissement de crédit n'avait été source d'aucun préjudice pour les époux X..., bénéficiaires des engagements souscrits à leur profit par la société et rendus possibles par la modification critiquée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que le CIC a commis une faute en octroyant aux époux X..., au seul vu d'un compte prévisionnel particulièrement succinct et dépourvu de tout fondement économique sérieux, des prêts dont la charge de remboursement était manifestement sans rapport avec leurs capacités raisonnablement prévisibles ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les prêts avaient été demandés par les époux X... et que ceux-ci n'ont jamais prétendu que le CIC aurait eu des informations sur leurs capacités de remboursement ou sur les risques de l'opération financée qu'eux-mêmes auraient ignorés, ce dont il résultait que l'établissement de crédit n'avait pas engagé sa responsabilité en leur accordant les prêts qu'ils avaient eux-mêmes sollicités, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.