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Décisions

Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-19.767

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot

Aix-en-Provence, du 11 avr. 2013

11 avril 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 avril 2013), qu'à la suite d'un différend entre les sociétés Suez, aux droits de laquelle vient la société GDF Suez, et Soper toutes deux actionnaires, à concurrence de 56, 8 % pour la première et 43, 2 % pour la seconde, de la société La Compagnie du vent (la société LCV), un projet d'accord de partenariat avec les sociétés Areva et Vinci n'a pu être adopté par celles-ci lors de l'assemblée générale de la société LCV du 1er juillet 2011 ; que, par ordonnance du 13 juillet 2011, le président du tribunal de commerce a, après avoir admis l'abus de minorité commis par la société Soper, désigné la société X..., société d'administrateurs judiciaires, en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter celle-ci et de voter en son nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social de la société LCV « sans porter atteinte à ses intérêts légitimes » d'actionnaire minoritaire ; qu'après l'exécution de la mission, le président du tribunal de grande instance, par ordonnance du 13 février 2012, a fait droit à la requête de la société Soper tendant à la désignation d'un huissier de justice aux fins d'obtenir la communication de tous les documents échangés entre les sociétés X... et LCV ; que cette ordonnance a été rétractée le 10 avril 2012 ;

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du 10 avril 2012 et de confirmer celle du 13 février 2012 alors, selon le moyen :

1°/ qu'une mesure d'instruction in futurum n'est pas légalement admissible si elle porte atteinte au secret professionnel réglementant la profession d'administrateur judiciaire, auquel ce dernier est astreint de manière indivisible, dans le cadre de tous les mandats et missions qui lui sont judiciairement confiés, y compris en tant que mandataire ad hoc ; qu'en affirmant cependant, pour accueillir la demande de mesure d'instruction in futurum de la société Soper, que la société X... ne pouvait opposer le secret professionnel à la société Soper tiré de son statut de « mandataire judiciaire », en réalité administrateur judiciaire, pour dénier toute obligation de lui rendre des comptes dès lors que la mission confiée ne relevait pas de l'administration d'une société ou d'une procédure collective, limitant ainsi le secret professionnel à certaines missions de l'administrateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, R. 814-3 et L. 811-11 du code de commerce ;

2°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'une demande de mesure d'instruction ne peut être accueillie lorsque la prétention ultérieure au fond est manifestement vouée à l'échec ; qu'en affirmant que la société Soper disposait d'un motif légitime pour obtenir la mesure d'instruction sollicitée car elle avait été tenue dans l'ignorance des conditions et circonstances ayant amené la société X... à exprimer un vote positif à une délibération à laquelle la société Soper était opposée, sans rechercher si une faute génératrice de responsabilité du mandataire ad hoc était exclue dès lors que la société X... s'était contentée, après avoir été suffisamment informée de la situation, d'accomplir son mandat judiciaire en votant favorablement au projet de résolution auquel s'opposait la société Soper, dont le comportement avait été jugé constitutif d'un abus de minorité tant par la juridiction de première instance que par la cour d'appel de Montpellier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la mise en cause envisagée de la responsabilité de la société X... était également manifestement vouée à l'échec en raison de l'absence de préjudice subi par la société Soper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, lorsqu'un administrateur judiciaire est désigné en qualité de mandataire ad hoc pour représenter un associé minoritaire et voter en son nom, il ne peut opposer à ce dernier le secret professionnel tiré de son statut d'administrateur judiciaire pour refuser de lui rendre compte de l'exécution de ce mandat ; qu'ayant relevé que la société X... avait été judiciairement chargée de représenter la société Soper et de voter en son nom « sans porter atteinte à ses intérêts légitimes » dans le cadre d'un abus de minorité, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait lui dissimuler les circonstances et conditions dans lesquelles elle s'était acquittée de sa mission et refuser de lui communiquer tous les documents l'intéressant ;

Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a, par une décision motivée, retenu que la société Soper justifiait de l'existence d'un motif légitime à obtenir la mesure demandée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.