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Décisions

Cass. soc., 29 mars 1973, n° 72-40.270

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Laroque

Rapporteur :

M. Fonade

Avocat général :

M. Lesselin

Avocat :

M. Vidart

Aix-en-Provence, 9e ch., du 24 nov. 1971

24 novembre 1971

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 34 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 (MODIFIE PAR LE DECRET-LOI DU 8 AOUT 1935) DE L'ARTICLE 40 DE LA MEME LOI (MODIFIEE PAR CELLE DU 4 MARS 1943) DE L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL PAR MECONNAISSANCE DE L'ARTICLE 25 DES STATUTS DE LA SOCIETE FRIMAVAR, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;

ATTENDU QUE VEUVE FRAISSE, SECRETAIRE-COMPTABLE AU SERVICE DE LA SOCIETE FRIGORIFIQUES ET MACHINES DU VAR, DITE FRIMAVAR, DEPUIS 1958, A ETE LICENCIEE SANS PREAVIS NI INDEMNITES, POUR FAUTE GRAVE, LE 8 MAI 1970 ;

QU'IL LUI ETAIT REPROCHE D'AVOIR EN MAI 1964, A L'OCCASION DE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE EN SOCIETE ANONYME ET DE SA NOMINATION EN QUALITE D'ADMINISTRATEUR, DISSIMULE ET DEPUIS LORS CONTINUE A CACHER AUX NOUVEAUX DIRIGEANTS DE LA SOCIETE AINSI QU'A SON COMMISSAIRE AUX COMPTES LA CLAUSE DE SON CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE INDETERMINEE, REVISE LE 1ER SEPTEMBRE 1960, EN VERTU DE LAQUELLE SON EMPLOYEUR S'ETAIT ENGAGE A SOUSCRIRE A SON PROFIT UNE ASSURANCE EN CAS DE VIE ET A PRENDRE EN CHARGE LA MOITIE DU MONTANT DE LA PRIME ANNUELLE, CE QU'IL AVAIT FAIT DEPUIS LE 18 DECEMBRE 1962 ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE FRIMAVAR FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR ALLOUE A VEUVE FRAISSE COMME SUITE A SON CONGEDIEMENT, UNE INDEMNITE DE PREAVIS DE DEUX ANS, OUTRE LE MONTANT DE PRIMES D'ASSURANCE-VIE CORRESPONDANT A CETTE PERIODE, EN APPLICATION DE CLAUSES SPECIALES D'UN CONTRAT DE TRAVAIL QU'ELLE AVAIT CONSENTI A L'INTERESSEE, QUAND ELLE ETAIT SIMPLE SALARIEE ET AVANT SA NOMINATION D'ADMINISTRATEUR, LORS DE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE EN SOCIETE ANONYME, AU MOTIF QUE LE CONTRAT DE TRAVAIL EN CAUSE ETAIT RESTE VALABLE MALGRE L'INOBSERVATION DES PRESCRIPTIONS DE L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 MODIFIE, LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE N'AYANT PAS ENTRAINE CREATION D'UNE PERSONNE MORALE NOUVELLE, ALORS QUE, SELON LES PRESCRIPTIONS D'ORDRE PUBLIC DE L'ARTICLE 40, APPLICABLE EN LA CAUSE, TOUTE CONVENTION ENTRE UNE SOCIETE ANONYME ET L'UN DE SES ADMINISTRATEURS DOIT ETRE SOUMISE AU CONSEIL D'ADMINISTRATION ET ETRE COMMUNIQUEE AUX COMMISSAIRES AUX COMPTES POUR FAIRE L'OBJET D'UN RAPPORT SPECIAL DEVANT L'ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES ;

QUE CETTE DISPOSITION S'APPLIQUE OBLIGATOIREMENT AU CONTRAT DE TRAVAIL LIANT UN ADMINISTRATEUR A LA SOCIETE, SANS QU'IL Y AIT LIEU DE DISTINGUER SUIVANT QUE LE CONTRAT EST ANTERIEUR, CONCOMITANT OU POSTERIEUR A LA NOMINATION DE L'INTERESSE A SES FONCTIONS D'ADMINISTRATEUR ;

D'OU IL SUIT QU'EN L'ESPECE LES JUGES D'APPEL, QUI ONT PASSE OUTRE SANS EXPLICATION A LA CIRCONSTANCE DETERMINANTE DE LA PROMOTION DE L'EMPLOYEE AU RANG D'ADMINISTRATEUR LORS DE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE FRIMAVAR EN SOCIETE ANONYME, N'ONT PAS VALABLEMENT JUSTIFIE LEUR ARRET INFIRMATIF DECIDANT, AU MEPRIS DES DISPOSITIONS D'ORDRE PUBLIC RELATIVES A LA MATIERE, QUE L'INOBSERVATION DES FORMALITES PRESCRITES PAR L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 N'AVAIT PAS ENTRAINE LA NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL ANTERIEUR A LA PROMOTION SUSMENTIONNEE ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE RELEVE QUE LE CONTRAT DE TRAVAIL DE VEUVE FRAISSE, CONCLU A L'EPOQUE OU FRIMAVAR ETAIT UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, N'A PU ETRE AFFECTE DANS SA VALIDITE, LORS DE LA TRANSFORMATION DE CELLE-CI EN SOCIETE ANONYME PAR LE SIMPLE FAIT DE LA NOMINATION DE L'INTERESSEE EN QUALITE D'ADMINISTRATEUR ;

QUE LES FORMALITES DE L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 NE CONCERNANT QUE L'AUTORISATION PREALABLE DE CONVENTIONS NOUVELLES ENTRE LA SOCIETE ANONYME ET L'UN DE SES ADMINISTRATEURS, IL N'Y AURAIT EU LIEU DE LES ACCOMPLIR QUE SI LE CONTRAT DE VEUVE FRAISSE AVAIT ETE RENOUVELE OU MODIFIE APRES SA NOMINATION, CE QUI N'ETAIT PAS LE CAS ;

QU'AINSI, LOIN DE VIOLER L'ARTICLE SUSVISE ET L'ARTICLE25 DU PACTE SOCIAL QUI EN REPRODUIT LES DISPOSITIONS, LA COUR D'APPEL L'A EXACTEMENT APPLIQUE EN DISANT QUE LE CONTRAT LITIGIEUX ECHAPPAIT A SES PREVISIONS ET PAR CONSEQUENT, ETAIT VALABLE ET EN RECONNAISSANT A VEUVE FRAISSE LE DROIT AUX AVANTAGES QU'IL STIPULAIT EN SA FAVEUR ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

ET SUR LE SECOND MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 23 DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ET DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, VIOLATION DES ARTICLES 35 ET 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1967 MODIFIEE, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, CASSATION PAR VOIE DE CONSEQUENCE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 3 DU DECRET DU 27 NOVEMBRE - 1ER DECEMBRE 1790 ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE FRIMAVAR FAIT ENCORE GRIEF A L'ARRET ATTAQUE DE L'AVOIR CONDAMNEE AU PAIEMENT DE 10000 FRANCS DE DOMMAGES-INTERETS POUR CONGEDIEMENT ABUSIF, AU MOTIF QU'ELLE AURAIT AGI AVEC UNE LEGERETE BLAMABLE EN CONGEDIANT BRUSQUEMENT SON EMPLOYEE SOUS LE PRETEXTE FALLACIEUX QUE CELLE-CI AURAIT DISSIMULE, SOUS LE COUVERT D'IRREGULARITES COMPTABLES, L'EXISTENCE D'AVANTAGES STIPULES A SON PROFIT DANS UN CONTRAT DE TRAVAIL DONT, PAR AILLEURS, L'ARRET A DECLARE LA VALIDITE EN UN AUTRE CHEF, ATTAQUE PAR LE PRESENT POURVOI, ALORS QUE CE CONTRAT DE TRAVAIL ETAIT EN REALITE FRAPPE DE NULLITE EN RAISON DE L'INOBSERVATION DES FORMALITES PRESCRITES PAR L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867, LORS DE L'ACCESSION DE L'EMPLOYEE AU POSTE D'ADMINISTRATEUR DE LA SOCIETE FRIMAVAR ;

QUE CELLE-CI AVAIT DONC, A JUSTE TITRE, REPROCHE A SON EMPLOYEE COMPTABLE DE S'ETRE CLANDESTINEMENT ASSURE LE PROFIT DES AVANTAGES CONTRACTUELS AUXQUELS ELLE AVAIT CESSE D'AVOIR DROIT ;

ET QUE LA CASSATION DU CHEF DE L'ARRET ATTAQUE DECLARANT LE CONTRAT DE TRAVAIL LITIGIEUX APPLICABLE EN LA CAUSE ENTRAINERA NECESSAIREMENT, PAR VOIE DE CONSEQUENCE, LA CASSATION DUCHEF DU MEME ARRET RELATIF A L'ALLOCATION DE DOMMAGES ET INTERETS AU PROFIT DE L'EMPLOYEE CONGEDIEE POUR DE JUSTES MOTIFS ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET, APRES AVOIR REJETE LA DEMANDE D'ANNULATION DU CONTRAT DE TRAVAIL DE VEUVE FRAISSE, A ESTIME QUE, SI LA PART DE SES PRIMES D'ASSURANCE SUPPORTEE PAR LA SOCIETE N'AVAIT PAS ETE EXACTEMENT CLASSEE DANS LES LIVRES DE CELLE-CI, ON NE POUVAIT, EN RAISON DE LA PRATIQUE SUIVIE DANS L'ENTREPRISE POUR LA COMPTABILISATION DES CHARGES D'ASSURANCES ET DU CONTROLE DONT SA COMPTABILITE ETAIT L'OBJET, EN FAIRE GRIEF A L'INTERESSEE : QUE PAR SUITE, NON SEULEMENT VEUVE FRAISSE N'AVAIT PAS COMMIS DE FAUTE ASSEZ GRAVE POUR ETRE PRIVEE DE L'INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS ET DU PRORATA DE PRIMES D'ASSURANCE PREVUS PAR SON CONTRAT, MAIS ENCORE QUE LA SOCIETE FRIMAVAR, EN PRENANT BRUSQUEMENT, LE 8 MAI 1970, LA DECISION DE CONGEDIER UNE EMPLOYEE ANCIENNE, AU MOTIF FALLACIEUX QU'ELLE AVAIT DISSIMULE L'EXISTENCE DU CONTRAT DONT ELLE BENEFICIAIT ET EN LAISSANT ENTENDRE QU'ELLE AVAIT, DANS CE BUT, COMPTABILISE IRREGULIEREMENT LE MONTANT DES PRIMES, AVAIT AGI AVEC UNE LEGERETE BLAMABLE ET CAUSE A VEUVE FRAISSE UN PREJUDICE DONT ELLE LUI DEVAIT REPARATION ;

QUE LA COUR D'APPEL A AINSI LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ALLOUANT DES DOMMAGES-INTERETS A CETTE DERNIERE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 24 NOVEMBRE 1971 PAR LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE.