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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 13 décembre 2012, n° 11/16034

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Euro Free Shopping (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mme Durand, Mme Verdeaux

Avocats :

Me Nguyen Van Loc, Me Sourny, SCP Maynard Simoni, Me Bourdon

T. com. Cannes, du 8 sept. 2011, nº 2011…

8 septembre 2011

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 8 septembre 2011 par le tribunal de commerce de Cannes ;

Vu les conclusions déposées le 7 août 2012 par Emmanuel X... , appelant ;

Vu les conclusions déposées le 14 mai 2012 par la société EURO FREE SHOPPING, intimée ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;

Attendu qu'en raison des pertes enregistrées lors de l'exercice de l'année 2009, la SARL EURO FREE SHOPPING (EFS) dont le capital n'était que de 1000 €, a convoqué le 10 mars 2011 ses 4 associés, dont Emmanuel X... , pour le 25 mars 2011 en vue d'une augmentation de capital de 46'000 € à souscrire au prorata des parts détenues par chacun d'eux ; qu'en l'absence d'Emmanuel X... , associé fondateur détenteur de 23 % du capital social, l'assemblée générale réunie le jour prévu a décidé l'augmentation de capital projetée qui a eu pour conséquence de réduire à 0,49 % la participation de l'intéressé qui n'a pas souscrit à l'augmentation; que ce dernier a sollicité l'annulation de cette délibération et la convocation d'une nouvelle assemblée générale en faisant valoir qu'il était absent pour raisons professionnelles et avait demandé qu'on attende son retour pour prendre toute décision juridique ou financière engageant l'avenir de la société ; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Cannes a rejeté la demande en relevant que le demandeur avait prolongé son séjour à l'étranger de manière importante, qu'il n'était pas établi que ses coassociés connaissaient ses dates d'absence, et que par suite il n'était pas démontré que l'assemblée générale litigieuse avait été convoquée sciemment afin de lui porter préjudice ou de l'évincer ;

SUR CE,

Attendu qu'il est établi par la copie des billets d'avion versés aux débats qu'Emmanuel X... se trouvait en Polynésie du 25 février 2011 au 20 avril 2011 ; que la société EFS, qui a correspondu avec lui par courriels, et explique qu'une visioconférence aurait pu être organisée, ne l'ignorait pas ; qu'elle produit une attestation d'un autre associé contenant l'affirmation qu'Emmanuel X... avait annoncé son retour pour le 20 mars 2011, un second témoin fixant pour sa part la date de retour prévue au 26 mars 2011; qu'en l'absence de tout élément supplémentaire confortant ces affirmations, il faut retenir que la société EFS devait à tout le moins avoir des doutes sérieux quant à la présence d'Emmanuel X... en France le 25 mars 2011 ;

Attendu que dans ce contexte la société EFS a convoqué Emmanuel X... pour le 25 mars 2011 à son domicile parisien en vue d'une souscription de capital ouverte du 27 mars 2011 au 4 avril 2011 ; que seuls ont souscrit les trois autres associés, la souscription ayant été constatée par un procès-verbal du le 4 avril 2011 et entérinée par une assemblée générale du 27 avril 2011 en vue de laquelle Emmanuel X... a été convoqué le 8 avril 2011 ;

Attendu que les courriels échangés avec Emmanuel X... alors que celui-ci se trouvait en Polynésie, portent notamment sur la situation financière de la société EFS et sur le principe d'une augmentation de capital initialement envisagée pour 30'000 € ; qu'à aucun moment, alors que selon ses propres dires Emmanuel X... ne devait rentrer que le 20 mars 2011 et qu'elle ne démontre pas qu'elle avait la moindre certitude quant à l'exactitude de cette date, la société EFS ne l'a informé par la même voie de la convocation de l'assemblée générale ; qu'il faut en déduire que, comme soutenu par Emmanuel X... , l'assemblée a été réunie intentionnellement afin de le spolier; que, la période de souscription ayant été achevée à son retour et la souscription de l'augmentation de capital déjà constatée, cette fraude manifeste justifie l'annulation de l'assemblée générale litigieuse et la condamnation de la société EFS au paiement d'une somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qui en a découlé ; qu'il n'y a pas lieu, dès à présent, de désigner un mandataire chargé de réunir une nouvelle assemblée générale dès lors que la société EFS a pris l'engagement d'y pourvoir en cas d'annulation ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.

Au fond, infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,

Annule l'assemblée générale extraordinaire du 25 mars 2011 en ce qu'elle porte sur le principe et les modalités d'une augmentation de capital ainsi que, dans cette limite, de tous les actes qui en sont la suite ou la conséquence.

Enjoint à la société EFS de réunir régulièrement dans les six semaines de la signification du présent arrêt une nouvelle assemblée générale avec le même ordre du jour.

Dit qu'à défaut Emmanuel X... pourra faire désigner en référé un mandataire ad hoc chargé de réunir et présider cette assemblée.

Condamne la société EFS à payer à Emmanuel X... une somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La condamne à payer à Emmanuel X... une somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles.

Accorde aux représentants d'Emmanuel X... susceptibles d'y prétendre le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.