CA Versailles, ch. com. réunies, 2 avril 2002, n° 00/03930
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Clos du Prieuré (Sté)
Défendeur :
Me Souchon (ès qual.), Clos du Prieuré (Sté), Félix Potin (Sté), Saier Investissements (Sté), Ranelagh Finances (Sté), La Parisienne (Sté), Domaine Saier (Sté), Domaine des Lambrays (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Canivet
Conseillers :
Mme Andréassier, M. Raffejeaud, M. Birolleau, Mme Faivre
Avoués :
SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Debray-Chemin
Avocats :
Me Zenati, Me Yest
Par jugement en date du 1er mars 1995, le Tribunal de Commerce de Corbeil-Essonnes a ouvert à l’encontre de la société FELIX POTIN une procédure de redressement judiciaire, convertie le 22 décembre 1995 en liquidation judiciaire, Maître SOUCHON étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes des 21 et 22 février 1996, Maître SOUCHON ès qualité a saisi le Tribunal de Commerce de CORBEIL-ESSONNES aux fins de voir prononcer l’extension de la liquidation judiciaire de la société FÉLIX POTIN aux sociétés du Groupe SAIER (DOMAINE SAIER, CLOS DU PRIEURÉ, DOMAINE DES LAMBRAYS, SAIER INVESTISSEMENT, RANELAGH FINANCE, LA PARISIENNE), sociétés dirigées par les Consorts SAIER, lesquels contrôlaient également FÉLIX POTIN.
Le 25 mars 1996, le tribunal a confié à Monsieur MANSOURI une mesure d’expertise aux fins notamment de déterminer l’existence éventuelle d’une confisions des patrimoines de la société FELlX POTIN et des autres sociétés du Groupe SAIER, ou d’une fictivité de certaines des sociétés de ce groupe. L’expert a déposé son rapport le 1er juillet 1996.
Par jugement en date du 9 septembre 1996, le Tribunal de Commerce de CORBEIL-ESSONNES a étendu la liquidation judiciaire de la société FÉLIX POTlN aux sociétés du Groupe SAIER, dont la société CLOȘ DU PRIEURE, société civile agricole créée en 1973 par Messieurs Louis et Fabien SAIER pour exploiter une propriété viticole à ROZEY (SAÔNE ET LOIRE), et filiale de la société SAIER INVESTISSEMENT, a dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er décembre 1995, et a désigné Maître SOUCHON en qualité de liquidateur judiciaire.
La Cour d’appel de PARIS a, par arrêt du 20 juin 1997, confirmé le jugement rendu le 9 septembre 1996 sauf en ce qui concerne la date de cessation des paiements, et a fixé cette date au 29 août 1995.
La Cour de Cassation, par arrêt du 15 février 2000, a rejeté le pourvoi des sociétés DOMAINE SAIER, DOMAINE DES LAMBRAYS, SAIER INVESTISSEMENT, RANELAGH FINANCE et LA PARISIENNE, et a cassé la décision rendue par la Cour d’appel de PARIS concernant l’extension de la procédure collective à la société CLOS DU PRIEURE, au motif qu’en constatant que la société SAIER INVESTISSEMENT avait reversé à la société CLOS DU PRIEURS des sommes supérieures à celles annoncées par la société FÉLIX POTIN, soit 815.000 francs au lieu de 335.000 francs, la Cour d’appel avait retenu un motif impropre à établir en quoi le patrimoine de la société FÉLIX POTIN était confondu avec celui de la société CLOS DU PRIEURÉ et n’avait pas donné de base légale à sa décision.
La société CLOS DU PRIEURE demande à la Cour d’annuler la mesure d’expertise et le rapport de Monsieur MANSOURI, de dire n'y avoir lieu à extension à son encontre de la procédure collective, de débouter Maître SOUCHON ès qualité de ses demandes, de le condamner au paiement de la somme de 100.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC, et de dire que les dépens seront inclus dans les frais privilégiés de la procédure collective de la société FÉLIX POTIN.
Elle fait tout d’abord valoir :
- que l’expertise encourt l’annulation pour défaut de prestation de serment de l’expert désigné, celui-ci n’étant pas inscrit sur la liste des experts judiciaires, et que l'irrégularité invoquée est bien prévue par un texte - l’article 6 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires ;
- qu’il s’agit là d’une nullité de fond qui peut être soulevée en tout état de cause, et qui n’est dès lors pas soumise à l’existence d’un grief pour celui qui l’invoque ;
- qu'à supposer que la nullité invoquée soit considérée comme une nullité de forme, l’exception de nullité n’en serait pas moins recevable dès lors qu'elle a été soulevée par les Consorts PASSERAT avant tout défense au fond.
Sur le fond, elle expose que c’est à tort que le tribunal a retenu la confusion des patrimoines des sociétés FÉLIX POTIN et CLOS DU PRIEURÉ sur le fondement d’une part d’une interdépendance et d’une solidarité inhabituelles pour un groupe de sociétés, d'autre part de l’existence, entre elles, de flux financier anormaux.
Elle observe que l’indivisibilité instituée entre les sociétés de groupe par le protocole de restructuration conclu le 1er février 1994 avec la BNP vise essentiellement à obtenir la résolution de la convention en cas d’inexécution, par l’une des sociétés, de ses obligations, et ne peut donc traduire ni une relation de dépendance de Félix Potin à l'égard des autres sociétés du groupe, ni une confusion de leurs patrimoines.
Elle indique en outre, sur les flux financiers ayant existé entre les deux sociétés :
- que ces mouvements de fonds ont reposé sur une convention de trésorerie régulière entre les sociétés ayant pour objet d’utiliser au mieux la faculté d’emprunt collective ;
- que ces avances étaient assorties de contreparties puisqu’elles ont donné lieu à rémunération par l’inscription d’intérêts en compte courant ;
- que c’est bien la somme de 815.000 francs que la société FÉLIX POTIN a avancée à la société SAIER INVESTISSEMENT pour le compte de la société CLOS DU PRIEURE, que ces mouvements sont réguliers et sont en tout état de cause trop limités pour correspondre à des flux répétés et anormaux, seuls susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines.
Maitre SOUCHON ès qualité conclut à d’irrecevabilité, et subsidiairement au rejet, de la demande de nullité de l’expertise, et, sur le fond, à la confirmation du jugement entrepris.
Il expose que la demande de nullité de l'expertise est :
- à titre principal, irrecevable :
- pour être présentée pour la première fois devant la Cour, et constituant en conséquence une demande nouvelle ;
- faute, pour l’appelante, de prouver le grief que lui cause l’irrégularité invoquée ;
- subsidiairement, non fondée,1'appelante ne démontrant pas que l’expert aurait manqué à son obligation d'indépendance et d’impartialité, et invoquant paradoxalement le rapport d’expertise dont elle demande par ailleurs l’annulation ;
- très subsidiairement, de peu d'intérêt, dès lors que, si la Cour prononçait la nullité du rapport d’expertise, les annexes à ce rapport versées aux débats viendraient cependant conforter la thèse de la confusion des patrimoines des sociétés en cause.
Sur le fond, Maître SOUCHON ès qualité indique :
- que la société CLOS DU PRIEURÉ reconnaît avoir bénéficié, en 1994, d’avancer de trésorerie de la part notamment de la société FELIX POTIN ;
- que le caractère anormal de ces mouvements se déduit :
- en premier lieu de la nullité de la convention de trésorerie conclue entre les sociétés FELIX POTIN et CLOS DU PRIEURÉ, cet acte n’ayant pas été approuvé par le conseil d’administration de la société FÉLIX POTIN ;
- en second lieu de l’importance des concours consentis au regard :
- de la situation de crise dans laquelle se trouvait alors FELIX POTIN, dont le déficit excédait 55 millions de flancs ;
- de la situation négative de la trésorerie de la société CLOS DU PRIEURÉ, de l’importance de son découvert bancaire, et de son incapacité à rembourser les avances consenties ;
- en troisième lieu, de l’absence de contrepartie financière à ces avances, aucun intérêt n’ayant été payé par la société CLOS DU PRIEURÉ ;
- enfin, du désordre des écritures comptables correspondant à ces flux, matérialisé par le fait que les avances consenties à la société CLOS DU PRIEURÉ par la société FÉLIX POTlN, par l’intermédiaire de la société SAIER INVESTISSEMENT, d’un montant de 815.000 francs, ne sont portées qu’à hauteur de 335.000 francs dans la comptabilité de FÉLIX POTIN au titre du compte courant SAIER INVESTISSEMENT.
Sur la demande d’annulation de l'expertise :
Considérant, sur le défaut allégué de prestation de serment de l'expert, qu'il ne résulte ni du rapport déposé ni d'aucun élément versé aux débats, que cette formalité aurait été omise ; qu’en tout état de cause, et à supposer même que l’omission de cette formalité substantielle Soit susceptible d’entraîner la nullité du rapport d’expertise, celui-ci vaut comme renseignements, dès lors que ses conclusions sont corroborées par des éléments du dossier ; que la société CLOS DU PRIEURE sera déboutée de sa demande de nullité du rapport d’expertise;
Sur le fond :
Considérant qu’en application de l’article L 621-5 du code de commerce (ancien article 7 de la loi du 25 janvier 1985), le tribunal de commerce peut étendre la procédure collective à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines ;
Considérant que Maître SOUCHON ès qualité invoque la confusion des patrimoines des sociétés FELIX POTIN et CLOS DU PRIEURE par l’existence entre elles de flux financiers anormaux ;
Considérant que le “Groupe SAIER” était articulé autour de la SCS SAIER INVESTISSEMENTS, société holding qui, au 31 décembre 1995, contrôlait 96 % du capital de la société FÉLIX POTIN, et 100 % de la société DOMAINE SAIER, cette dernière détenant elle-même 100 % des parts de la société civile agricole CLOS DU PRIEURÉ et 4 % du capital de la société FELIX POTIN; que l’ensemble des sociétés du Groupe SAIER était dirigée par Messieurs Louis et Fabien SAIER; que la société FÉLIX POTIN, ayant son siège avenue Georges Sand à LONGJUMEAU (ESSONNES), avait pour objet la distribution commerciale; que la société civile agricole CLOS DU PRIEURÉ, installée au Lieu-dit CLOS DU PRIEURE - ROZEY- 71390 BUXY, a pour activité l’exploitation de vignobles;
Considérant que, si les deux sociétés connaissent me identité de dirigeants, elles n’ont toutefois ni le même objet, ni le même siège ; qu’il ne peut être contesté que ces deux personnes morales, dont les premiers juges ont avec raison indiqué qu’elle sn’avaient entre elles pratiquement aucun lien économique, constituent des entités économiques distinctes ;
Considérant qu’est en débat un mouvement de fonds d’un montant de 815.000 francs dont a bénéficié, de la société FÉLIX POTIN, la société CLOS DU PRIEURE par l’intermédiaire de la société SAIER INVESTISSEMENT, société holding du groupe ;
Considérant que, par convention de trésorerie en date du 28 avril 1994 avec effet rétroactif au 1er décembre 1993, la société FÉLIX POTIN et les autres sociétés du Groupe SAIER, dont la société CLOS DU PRIEURÉ, ont convenu de trouver une optimisation des charges et produits financiers en mettant en commun les moyens dont elles disposent afin de les répartir en fonction des besoins de chacune des entités, la gestion de trésorerie en commun pouvant intervenir sous forme de prêts réciproques ou de mises à disposition réciproques des excédents de trésorerie entre chacune des sociétés;
Considérant que l’article L 225-38 alinéa 3 du code de commerce (ancien article 101 alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966) dispose que sont soumises à autorisation préalable du conseil d’administration les conventions intervenant entre une société et une entreprise si le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du conseil de surveillance de l’entreprise ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise; qu’aux termes de l’article L 225-39 de ce même code (ancien article 102 de la loi du 24 juillet 1966), les dispositions de l’article 225-38 ne sont cependant pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales;
Considérant que Messieurs Louis et Fabien SAIER, respectivement Président directeur général, et vice-président et administrateur de la société FÉLIX POTIN, étaient également cogérants de la société CLOS DU PRIEURE à la date de signature de la convention de trésorerie litigieuse ;
Mais considérant que Maître SOUCHON ès qualité ne soutient pas que la convention de trésorerie dont s’agit aurait été conclue à des conditions anormales; qu’au surplus, cette convention tend, comme cela est fréquemment le cas à l’intérieur de groupes, à la constitution d’un pool de trésorerie, géré par une société holding - la société SAIER INVESTISSEMENTS - en fonction des autorisations de découvert de chacune des sociétés de ce groupe, et donnant lieu à paiement d’intérêts; qu’une telle convention ne saurait présenter, par nature, un caractère inhabituel dans un groupe de sociétés; qu’il n'est pas davantage démontré qu’elle aurait été passée à des conditions anormales; que dès lors Maître SOUCHON ès qualité est fondé ni à soutenir que cet acte entrerait dans le champ d'application de l’ancien article 101 de la loi de 24 juillet 1966, ni par suite à déduire le caractère anormal des flux financiers en cause, du défaut d’autorisation de la convention par le conseil d’administration de la société FÉLIX POTIN;
Considérant que le compte courant de SAIER INVESTISSEMENTS dans la comptabilité de la société FÉLIX POTIN (pièce n° 17 communiquée par la SCP d’Avoués JULLIEN LECHARNY ROL) fait état de mouvements de fonds de FELIX POTIN vers SAIER INVESTISSEMENTS correspondant aux sommes de 280.000 francs en date du 22 avril 1994 ("virement avance SAIER INVESTISSEMENTS”), de 120.000 francs en date du 12 juillet 1994 (“virement CLOS DU PRIEURE”), de 200.000 francs en date du 5 août 1994 (“chèque SAIER INVESTISSEMENTS”), de 45.000 francs en date du 10 octobre 1994 (“virement CLOS DU PRIEURE”), de 110.000 francs en date du 4 novembre 1994 ("virement CLOS DU PRIEURE”), et de 60.000 francs en date du 16 novembre 1994 (“virement CLOS DU PRIEURÉ”), soit un montant total de 815.000 francs;
Qu’aux termes du compte courant de la société CLOS DU PRIEURE dans la comptabilité de la société SAIER INVESTISSE8iENT (pièce n° 20 communiquée par la SCP d’Avoués JULLIEN LECHARNY ROL), les mouvements de fonds intervenus au bénéfice de la société CLOS DU PRIEURÉ se sont élevés à 200.000 francs le 3 août 1994 (“CB FÉLIX POTIN”), 120.000 francs le 12 août 1994 ("Virement FÉLIX POTIN”), 45.000 francs le 1er octobre 1994 (“CB FÉLIX POTIN”), 110.000 francs le 16 novembre 1994, (“CB FÉLIX POTIN’) 60.000 francs le 16 novembre 1994 (“CB FÉLIX POTIN”), et 280.000 francs le 5 décembre 1994 (“Virement FÉLIX POTIN”), soit la somme totale de 815.000 francs ;
Considérant que le rapprochement des écritures passées respectivement sur le compte courant de SAIER INVESTISSEMENT dans la comptabilité de la société FÉLIX POTIN et sur celui de la société CLOS DU PRIEURE dans la comptabilité de la société SAIER INVESTISSEMENT ne fait apparaître aucune discordance; qu’il n’est par ailleurs nullement démontré que la société SAIER INVESTISSEMENT aurait reversé à la société CLOS DU PRIEURÉ des sommes supérieures à celles annoncées par la société FÉLIX POTIN, dès lors qu’une telle constatation ne peut se déduire des intitulés des opérations portées au compte courant de SAIER INVESTISSEMENTS, et qu’en tout ’état de cause, il appartenait à la société holding, en sa qualité de gestionnaire du pool de trésorerie, conformément aux termes de la convention de trésorerie, de répartir les fonds mis à sa disposition par FÉLIX POTIN pour les besoins des autres sociétés du groupe ;
Considérant que la convention du 28 avril 1994 stipule, en son article 4, que les opérations de trésorerie sont rémunérées en fonction des taux en vigueur sur le marché interbancaire; que Monsieur MANSOURI observe que le solde débiteur du compte courant CLOS DU PRIEURE dans la comptabilité de SAIER INVESTISSEMENTS comporte notamment “les facturations d’intérêts sur compte courant établies par SAIER INVESTISSEMENTS” (page 48 du rapport d’expertise - pièce n° 14 communiquée par la SCP d’Avoués JULLIEN LECHARNY ROL); qu’i1 ressort du compte courant de SAIER INVESTISSEMENTS dans la comptabilité de la société CLOS DU PRIEURÉ au 31 décembre 1995 que les sommes de 106.744,84 francs et 198.564,58 francs, identifiées par la société CLOS DU PRIEURE comme correspondant aux intérêts dus au titre des avances de trésorerie consenties, ont été portées au crédit du compte (pièce n° 15 communiquée par la SCP d’Avoués JULLIEN LECHARNY ROL); que Maître SOUCHON ès qualité reconnaît, dans ses écritures, que les intérêts ont été portés en compte courant; qu’enfin, les fonds mis à la disposition de SAIER INVESTISSEMENTS par FÉLIX POTIN ont donné lieu à inscription d’intérêts au profit de FÉLIX POTIN sous les intitulés “Intérêts C/C 4ème T 94" et “Intérêts C/C 1er T 95", ainsi que cela ressort du compte courant de SAIER INVESTISSEMENTS dans la comptabilité de la société FÉLIX POTIN (page 32 du rapport d’expertise);
Qu’il résulte de ces éléments que les avances consenties ont donné lieu à facturation d’intérêts et ont donc été assorties de contreparties; qu’il importe peu que ces intérêts aient ou non donné lieu à paiement effectif dès lors qu’ils ont généré des créances au profit de SAIER INVESTISSEMENTS et de FÉLIX POTIN par inscription aux comptes courants des sociétés concernées; qu’il ne peut donc être argué que les flux financiers intervenus auraient présenté un caractère anormal pour absence de contrepartie;
Considérant que les avances litigieuses reçues par la société CLOS DU PRIEURE, d’un montant de 815.000 francs, n’ont représenté que 21 % de l’ensemble des dettes de cette société; que ces concours n’ont pas eu pour effet d’accroître dans des proportions significatives l’endettement de cette société, dont les dettes sociales s’élevaient à 3.594.961 francs au 31 décembre 1993 et à 3.712.808 francs au 31 décembre 1994 ; que les avances de trésorerie n’étaient hors de proportion ni avec le chiffre d’affaires de la société CLOS DU PRIEURÉ - de 1.045.274 francs au 31 décembre 1994 - ni avec son actif social - de 4.061.465 francs en valeur nette à cette même date - ni avec son résultat, redevenu bénéficiaire en 1994; qu’il n’est à cet égard nullement démontré que la société CLOS DU PRIEURE, dont il n’est pas soutenu qu’elle se serait trouvée en état de cessation des paiements au cours de cette période, n’aurait pas eu les moyens de rembourser les avances reçues ;
Qu’il ne s’avère pas non plus que les avances accordées aient été excessives au regard de la situation de la société FÉLIX POTIN; qu'il n’est en effet pas soutenu que cette société se serait trouvée en état de cessation des paiements dès 1994, la date de cessation des paiements de cette société ayant été fixée au 1er décembre 1995; que le montant des avances n’apparaît non plus signification par rapport au chiffre d’affaires de FÉLIX POTIN, de 1.160.915.505 francs au 31 décembre 1993 et de 1.007.628.350 francs au 31 décembre 1994, ni par rapport à son niveau d’endettement global, évalué à 378 millions de francs au 31 décembre 1993;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que les avances de trésorerie Litigieuses, opérées de la société mère vers sa Virale, n’ont ni rompu l’équilibre entre les sociétés en cause, déjà placées dans une relation de dépendance réciproque par la composition de leur capital, ni excédé les possibilités financières de ces dernières; que la preuve n’est pas, dans ces conditions, rapportée que les mouvements de fonds incriminés présenteraient un caractère abusif; que les mouvements de fonds invoqués, intervenus sur une période de temps limitée, demeurent en tout état de cause impropres à établir une imbrication de l’actif et du passif des deux sociétés et à démontrer une confusion de leurs patrimoines;
Que c’est en conséquence à tort que les premiers juges ont constaté la confusion des patrimoines des sociétés FÉLIX POTIN et CLOS DU PRIEURÉ, et étendu à cette dernière la liquidation judiciaire de FÉUX POTIN ; que le jugement entrepris sera, en conséquence infirmé de ce chef ;
Considérant que la procédure a entraîné pour la société CLOS DU PRIEURE des frais irrépétibles qu’il est inéquitable de laisser à sa charge ; que Maître SOUCHON ès qualité sera condamné à payer à la société CLOS DU PRIEURÉ la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du NCPC ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement du le 9 septembre 1996 par le Tribunal de Commerce de PARIS en ce qu’il a prononcé l’extension, à la société CLOS DU PRIEURE, de la procédure collective de la société FÉLIX POTIN,
STATUANT À NOUVEAU de ce, chef,
DIT n’y avoir lieu à l’extension, à la société CLOS DU PRIEURE, de la procédure collective de la société FÉLIX POTIN,
Ajoutant au jugement entrepris,
CONDAMNE Maître SOUCHON ès qualité à payer ä1a société CLOS DU PRIEURÉ la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du NCPC,
CONDAMNE Maître SOUCHON ès qualité aux dépens, y compris ceux afférents à l’arrêt cassé, lesquels seront employés en frais privilégiée de procédure collective,
DÉBOUTE ses parties de leurs conclusions contraintes ou plus amples.