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Décisions

Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-17.244

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 19 mars 2013

19 mars 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2013), que le 1er février 1999, la société Eramet a conclu avec les sociétés Serame et Ceir, en leur qualité d'actionnaires de la Société industrielle de métallurgie avancée (la société Sima), toutes trois contrôlées par la famille X..., un protocole préparatoire à une opération d'apport et d'échange d'actions ; que, le 21 juillet 1999, l'assemblée générale extraordinaire de la société Eramet a approuvé l'apport par les actionnaires de la société Sima des titres de cette dernière à la société Eramet ; que le groupe Carlo Tassara, dont fait partie la société Carlo Tassara France (la société CTF), est entré en septembre 1999 dans le capital de la société Eramet ; que, soutenant que la situation financière réelle de la société Sima avait été frauduleusement dissimulée aux actionnaires de la société Eramet, la société CTF a, par acte du 17 novembre 2009, fait assigner la société Sima, désormais dénommée Eramet Holding Alliages (la société EHA), les sociétés Sorame et Ceir ainsi que MM. Edouard, Cyrille, Patrick, Georges, Sylvain, Richard et Norbert X...et Mmes Bertille, Christine et Jacqueline X...(les consorts X...), en présence de la société Eramet, en annulation des résolutions de l'assemblée générale du 21 juillet 1999 ; que ces derniers ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;

Attendu que la société CTF fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :

1°/ que la fraude corrompt tout ; que celle qui consiste dans une dissimulation des éléments rendant irrégulier un acte, et qui empêche donc, tant qu'elle n'a pas cessé, toute action dirigée contre cet acte, fait exception aux règles de prescription ; qu'en l'espèce, la fraude imputée aux dirigeants du groupe Sima consistait à avoir dissimulé aux actionnaires de la société Eramet des informations déterminantes révélant le caractère inéquitable de la parité d'échange retenue lors de l'apport des actions de la société Sima à la société Eramet le 21 juillet 1999 ; que cette dissimulation avait perduré jusqu'aux premières révélations faites par la presse en septembre 2008, et avait donc empêché, jusqu'à cette date, la société CTF d'agir ; que la fraude ainsi commise faisait exception aux règles de prescription et interdisait donc aux dirigeants de la société Sima de se prévaloir de la prescription triennale normalement applicable à l'action en nullité des délibérations sociales ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l'action en nullité intentée par la société CTF, la cour d'appel a cependant retenu qu'« il n'est pas d'exception légale à l'application de la prescription abrégée fondée sur la fraude » ; qu'en statuant ainsi, quand la dissimulation frauduleuse des éléments permettant d'agir en nullité d'une délibération sociale irrégulière fait échec à la mise en oeuvre de toute prescription, la cour d'appel a violé par refus d'application le principe fraus omnia corrumpit ;

2°/ que l'action en nullité d'une délibération sociale se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ; que, toutefois, si la délibération sociale ou les éléments fondant l'irrégularité de cette délibération sociale ont été dissimulés, le point de départ du délai est reporté au jour de la révélation de la délibération ou des éléments irréguliers ; qu'en l'espèce, la société CTF faisait valoir que la délibération de l'assemblée générale du 21 juillet 1999, par laquelle les actionnaires d'Eramet avaient autorisé l'apport de la société Sima au groupe Eramet était irrégulière, car les dirigeants de la société Sima avaient frauduleusement dissimulé des informations déterminantes démontrant le caractère inéquitable du rapport d'échange convenu ; que la société CTF démontrait également que cette irrégularité de la délibération ne lui avait été révélée qu'à partir de septembre 2008 lorsqu'elle avait fait procéder à une enquête relative aux conditions du rapprochement entre les groupes Sima et Eramet ; qu'il en résultait que le point de départ du délai de prescription n'avait pu commencer à courir qu'à compter du mois de septembre 2008, date à laquelle avaient été révélés à la société CTF les éléments fondant l'irrégularité de la délibération du 21 juillet 1999 ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l'action en nullité intentée par la société CTF, la cour d'appel a cependant retenu que si la dissimulation a pour effet de reporter le point de départ du délai de la prescription triennale, « la dissimulation dont il s'agit concerne la délibération elle-même » ; qu'en statuant ainsi, quand la dissimulation des éléments fondant l'irrégularité de la délibération a pour effet de reporter le point de départ de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 367 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;

3°/ que la dissimulation d'informations déterminantes relatives à la valorisation d'un apport prive, tant qu'elle n'est pas révélée, les actionnaires de la possibilité d'agir en nullité de la délibération approuvant l'évaluation de l'apport ; qu'en effet, tant que dure la dissimulation, les actionnaires ne peuvent connaître l'irrégularité de la décision approuvant l'apport ; qu'en affirmant péremptoirement que « les dissimulations alléguées relatives à la valorisation de Sima » ne pourraient « tenir lieu » « de manoeuvres frauduleuses ayant empêché la société CTF d'agir en nullité des délibérations critiquées », sans expliquer en quoi la société CTF aurait été en mesure d'agir en nullité de la délibération du 21 juillet 1999 approuvant l'apport de Sima à Eramet, cependant que la dissimulation commise par les consorts X...ne lui permettait pas de connaître l'irrégularité de l'opération d'apport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle fraus omnia corrumpit, ensemble l'article 367 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, souverainement estimé que la société CTF ne démontrait pas que des informations relatives à la valorisation des parts de la société Sima avaient été dissimulées aux actionnaires de la société Eramet, ce dont il résultait que ces derniers ne s'étaient pas trouvés dans l'impossibilité d'agir en nullité des résolutions votées lors de l'assemblée générale du 21 juillet 1999, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que cette action en nullité était prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.