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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2017, n° 14-29.726

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 18 sept. 2014

18 septembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2014), que la société SIRGIMO (la société), société à responsabilité limitée qui a pour objet social, notamment, l'achat et la vente de biens immobiliers et l'activité de marchand de biens et dont la gérante est Mme Alice Y..., fille de son fondateur, Emile X..., a vendu entre 2001 et 2003 des terrains dont elle était propriétaire à certains de ses associés ainsi qu'à des sociétés constituées entre ceux-ci ; que dans le contexte d'un conflit familial survenu après le décès de Emile X..., son fils Jean-Louis X..., également associé de la société, invoquant des irrégularités affectant la convocation et la tenue des assemblés générales de la société ayant autorisé les ventes susvisées, l'a assignée le 27 mai 2009 ainsi que Mme Alice Y... et ses enfants, Mme Céline Y... et MM. Vincent et Jean-Baptiste Y..., associés de la société, en annulation des délibérations de ces assemblées et de ces ventes ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action en annulation de certaines délibérations des assemblées générales de la société alors, selon le moyen, que l'action en annulation d'assemblées générales d'une société à responsabilité limitée et des délibérations qui y sont prises se prescrit par cinq ans conformément au droit commun de la prescription et n'est pas soumise à la prescription triennale lorsque la demande est fondée sur la fraude ; qu'en soumettant l'action-fondée sur la fraude-de M. X... en nullité des assemblées générales de la société SIRGIMO et des délibérations qui y ont été prises des 22 mars 2001, 6 juin 2001, 29 juin 2001, 28 février 2002, 28 juin 2002 et 27 juin 2003 à la prescription triennale, la cour d'appel a violé l'article L. 235-9 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 235-9 du code de commerce que l'action en nullité des délibérations sociales se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sauf dissimulation entraînant une impossibilité d'agir ; que l'arrêt constate qu'une note horodatée du 23 avril 2006 du conseil de Jean-Louis X..., assortie d'une mention manuscrite de celui-ci attestant qu'il en avait pris connaissance, relate que d'importantes cessions d'actifs immobiliers de la société SIRGIMO, autorisées par des assemblées générales fictives, ont été réalisées au cours des années précédentes au seul profit de la gérante et d'un groupe d'associés, dans des conditions financières sans lien avec les prix du marché, qui visaient à favoriser leurs intérêts personnels au détriment de l'intérêt social ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que Jean-Louis X... détenait, dès la date de cette note, des informations détaillées sur les éventuelles irrégularités affectant les délibérations litigieuses, de sorte que l'action en nullité de ces délibérations formée par Jean-Louis X... était prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action en responsabilité intentée contre Mme Alice Y..., Mme Céline Y..., M. Jean Baptiste Y... et M. Vincent Y... alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité civile délictuelle dirigée par un associé d'une société à responsabilité limitée contre d'autres associés est soumise au régime de droit commun de la responsabilité civile, se prescrit par cinq ans conformément au droit commun de la prescription et n'est pas soumise à la prescription triennale applicable en matière de responsabilité civile des dirigeants sociaux, et ce d'autant plus lorsque l'action en responsabilité est fondée sur la fraude ; qu'en soumettant l'action en responsabilité fondée sur la fraude de M. X..., associé de la société SIRGIMO, dirigée contre d'autres associés de la société SIRGIMO, les consorts Y..., à la prescription triennale, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que Jean-Louis X... recherchant la responsabilité de Mme Céline Y..., M. Jean Baptiste Y..., M. Vincent Y... et Mme Alice Y... au titre d'une violation des règles relatives à la convocation et à la tenue des assemblées d'associés, qui relèvent des pouvoirs de la gérante, légalement investie du pouvoir de convoquer et de présider les assemblées, l'action en responsabilité dirigée contre celle-ci se prescrivait par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il avait été dissimulé, de sa révélation, en application de l'article L. 223-23 du code de commerce ; qu'ayant relevé que, dès la date de la note du 23 avril 2006, Jean-Louis X... détenait des informations détaillées sur les irrégularités susceptibles d'affecter les assemblées générales de la société, faisant ainsi ressortir qu'elle constituait la date de révélation du fait dommageable, la cour d'appel a retenu exactement que son action se heurtait à la prescription triennale instituée par L. 223-23 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en annulation des ventes de biens immobiliers formée par Jean-Louis X... alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de délit d'abus de biens sociaux, un associé est titulaire d'un intérêt personnel et distinct de la société lui permettant d'agir en responsabilité à l'encontre du dirigeant ou en nullité des conventions signées dans le cadre de cet abus de biens sociaux ; qu'en énonçant que l'action de X..., associé de la société SIRGIMO, en nullité des conventions de cession était irrecevable faute pour lui de justifier d'un intérêt personnel distinct de la société SIRGIMO quand X... se prévalait du fait que la conclusion des contrats de cession était constitutive du délit d'abus de biens sociaux, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en cas de fraude, vice de portée générale, un associé est titulaire d'un intérêt personnel distinct de la société lui permettant d'agir en nullité des conventions réglementées signées par la société ; qu'en énonçant que l'action de M. X..., associé de la société SIRGIMO, en nullité de la convention de cession était irrecevable faute pour lui de justifier d'un intérêt personnel distinct de la société SIRGIMO, quand M. X... se prévalait du fait que les contrats de cession avaient été conclus en fraude des droits tant de la société et que des associés, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que Jean-Louis X... se prévalait exclusivement de l'illicéité de la cause des conventions litigieuses conclues par la société et certains de ses associés en alléguant un délit d'abus de biens sociaux, et soutenait que, sans les agissements frauduleux de ceux-ci, les opérations immobilières dont la société a été privée auraient produit des bénéfices dont il aurait lui-même tiré un avantage au titre de la distribution des dividendes ; qu'en cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, faute d'établir l'existence d'un préjudice qui ne serait pas le corollaire de celui subi par la société, Jean-Louis X... ne justifiait d'aucun intérêt personnel distinct de celui de la société SIRGIMO et que son action était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.