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Décisions

Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-20.116

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat :

Me Occhipinti

Grenoble, du 7 juin 2018

7 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 juin 2018), M. I... était associé de la société Darfeuille et associés (la société Darfeuille), détenant 2 700 des 13 805 397 actions de cette société.

2. Lors de l'assemblée générale de la société Darfeuille du 19 décembre 2008, son absorption par la société Finances transports et participation (la société FTP), détenue par la société Transports Norbert Dentressangle, a été votée. A la suite de cette opération, M. I... a reçu 32 actions de la société FTP.

3. A trois reprises en 2009 et 2010, le groupe Norbert Dentressangle a proposé à M. I... de racheter ses actions au prix de 22 383 euros. M. I... a refusé chacune de ces propositions.

4. Lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société FTP du 20 décembre 2010, la fusion-absorption de celle-ci par la société NDT, qui fait partie du groupe Norbert Dentressangle, a été votée. Cette opération a été réalisée par l'attribution d'une action de la société NDT pour 288 actions de la société FTP.

5. Contestant la régularité des résolutions adoptées au cours de cette assemblée, M. I... a assigné la société FTP, la société NDT, devenue la société XPO Holding transport solutions Europe, la société Transports Norbert Dentressangle, devenue la société XPO Transport solutions Rhône-Alpes France, ainsi que les sociétés ND formation, ND gestion, ND location, ND maintenance et ND services, devenues respectivement les sociétés XPO Transport solutions formation France, XPO Transport solutions support services France, XPO Transport location France, XPO Maintenance France, XPO Transport services France, actionnaires de la société FTP, aux fins de les voir annulées ainsi qu'en indemnisation de son préjudice.

6. La société AJ partenaires, désignée administrateur ad'hoc de la société FTP, dissoute à la suite de son absorption par la société NDT, a été appelée à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. I... fait grief à l'arrêt de dire qu'une majorité des 2/3 des voix était requise pour approuver la fusion, de constater que cette majorité avait été acquise lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société FTP du 20 décembre 2010, de constater qu'aucun abus de majorité n'a été commis, de constater que les conditions suspensives contenues dans le traité de fusion du 15 novembre 2010 avaient été intégralement levées, de dire que la fusion-absorption de la société FTP par la société NDT avait été régulièrement approuvée par les assemblées générales des deux sociétés et de rejeter ses demandes en indemnisation tant d'un préjudice moral que patrimonial, alors :

« 1°/ que la réduction du capital social d'une société anonyme n'est opposable aux tiers qu'une fois publiée ; qu'en estimant que le simple fait que la réduction de capital de la société NDT, condition suspensive de sa fusion avec la société FTP, ait été votée par l'assemblée générale extraordinaire de la société NDT, peu important son absence de publication, pour que la condition soit réputée réalisée, la cour d'appel a violé les articles R. 123-66, R. 123-105 et R. 123-107 du code de commerce, et 1176 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le changement de forme d'une société n'est opposable aux tiers qu'une fois publié ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la transformation de la société NDT en société anonyme avait été publiée et si elle était opposable aux tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 123-66, R. 123-105 et R. 123-107 du code de commerce ;

3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la transformation de la société NDT, qui était une SAS, en société anonyme, n'avait pas eu pour but principal d'écarter la nécessité d'un vote unanime en cas de fusion d'une SAS et d'une SA, de sorte que cette transformation visait simplement à passer outre à l'opposition de M. I... et à le spolier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

4°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la décision de fusion et la procédure qui y avaient conduit ne constituaient pas un abus de droit à l'égard de M. I... en ce qu'elles le dépouillaient de ses droits sociaux en créant sans nécessité des parts sociales d'une valeur supérieure à la participation de M. I... dans la société FTP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que si une opération de fusion-absorption crée des titres formant rompus, les porteurs de ces titres doivent en recevoir la valeur, sauf à être dépouillés sans contrepartie d'un bien dont ils sont propriétaires ; qu'en se bornant à relever que la société NDT avait proposé à M. I... de racheter le rompu dont il était propriétaire selon un rapport l'évaluant à 22 383 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. I... ne démontrait pas que sa participation avait une valeur largement supérieure, de sorte qu'il avait été irrégulièrement privé de la valeur de son titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, après avoir relevé que le traité de fusion conclu le 15 novembre 2010 entre les sociétés NDT et FTP stipulait, à titre de condition suspensive, la réalisation d'une réduction du capital de la société NDT et constaté que cette opération avait été décidée par l'assemblée générale extraordinaire du 10 novembre 2010, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la condition suspensive devait être considérée comme réalisée et ce, indépendamment de la publicité faite à la décision de réduction de capital, et ainsi rejeter la demande d'annulation de la décision de fusion-absorption de la société FTP par la société NDT formée à ce titre.

9. En deuxième lieu, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si le procès-verbal de l'assemblée générale de la société NDT du 10 novembre 2010, ayant décidé la transformation de cette société en société anonyme, n'a été déposé au greffe du tribunal de commerce que le 20 décembre suivant, c'est-à-dire au-delà du délai d'un mois prescrit par l'article R. 123-105 du code de commerce, la nouvelle forme sociale de la société NDT ne pouvait pas être ignorée par M. I..., pour avoir été indiquée sur le projet de traité de fusion daté du 15 novembre 2010, dont il pouvait prendre connaissance en sa qualité d'actionnaire de la société FTP, mais également à la lecture de l'avis de projet de fusion, publié le 20 novembre 2010 dans le journal habilité à publier les annonces légales « L'Echo-Le Valentinois », où la société NDT est présentée comme « société anonyme au capital de 50 000 000 euros », tout comme dans la première résolution soumise aux associés de la société FTP lors de l'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 2010, ainsi que sur différents documents qui lui ont été adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 6 décembre 2010. En l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la deuxième branche, la cour d'appel, faisant application de l'article L. 123-9, alinéa 3, du code de commerce, a légalement justifié sa décision.

10. En troisième lieu, si M. I... a soutenu, devant la cour d'appel, que la transformation de la société NDT en société anonyme avait eu pour objet de contourner les règles du vote de l'opération de fusion-absorption dans la société FTP, il n'a pas invoqué le principe selon lequel la fraude corrompt tout. Le moyen, pris en sa troisième branche, est donc nouveau et mélangé de fait et de droit.

11. En dernier lieu, après avoir constaté qu'en raison de la parité d'échange retenue par le traité de fusion, le nombre d'actions détenues par M. I... dans la société FTP, absorbée, était insuffisant pour obtenir une action de la société NDT, absorbante, et relevé, par motifs propres et adoptés, que M. I... s'était vu proposer, à plusieurs reprises, l'achat de ses actions pour le prix de 22 383 euros, offre considérée souverainement par les juges du fond comme satisfaisante au regard des éléments de preuve versés aux débats, l'arrêt retient que les rompus de M. I..., consécutifs à la réalisation de l'opération de fusion, sont la conséquence de son refus non justifié de cette proposition d'achat et en déduit qu'il n'est pas fondé à demander réparation de la perte de sa participation minoritaire. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que M. I..., qui devait faire son affaire personnelle de ses rompus, n'avait pas été victime d'un abus de droit ni indûment privé de son droit de propriété sur ses titres, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche, devenue inopérante, invoquée par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.