Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-23.640
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Le Bret-Desaché
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 12 mars 2004, un traité de fusion a prévu l'absorption de la société anonyme Sotratour et de sa filiale, la société anonyme Satrap, ayant pour objet le transport routier de marchandises, par la société par actions simplifiée Antares investissements, détentrice de l'entier capital de la première ; que M. X..., désigné commissaire aux apports, a remis un rapport indiquant qu'il n'avait aucune observation à formuler sur la valeur globale des apports ou sur les modalités retenues par les parties à la fusion ; que la société Antares investissement, devenue la SAS Sotratour, a été mise en redressement judiciaire, M. B... étant désigné administrateur, puis en liquidation judiciaire, M. C... étant nommé liquidateur ; qu'un audit non contradictoire a été confié à M. Y..., désigné sur requête au juge-commissaire ; que par arrêt du 29 mai 2006, la cour d'appel a nommé M. D... en qualité d'expert judiciaire aux fins de fournir tous éléments permettant d'apprécier si la valorisation des apports était correcte et de déterminer les conséquences dommageables d'éventuelles inexactitudes ; que par actes des 8 et 9 janvier 2007, la SELARL mandataire judiciaire Francis C..., venant en remplacement de M. C..., a assigné en responsabilité M. X..., sollicitant le paiement d'une certaine somme correspondant à la différence entre le passif comptabilisé le 30 septembre 2003 et celui porté sur l'état des créances de la liquidation de la SAS Sotratour ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour décider que M. X... a causé aux créanciers de la SAS Sotratour un préjudice résultant de l'aggravation de l'insuffisance d'actif en raison de la poursuite d'activité de cette société, l'arrêt retient que la surévaluation des clientèles des sociétés Satrap et Sotratour a permis de dégager un boni net de fusion alors qu'une fixation à zéro de leur valeur aurait conduit à inscrire au passif un mali important, le fait de ne pas l'avoir comptabilisé ayant amélioré d'autant le résultat net de la SAS Sotratour, tandis que sa prise en considération aurait nécessité une recapitalisation immédiate à laquelle les dirigeants sociaux n'ont pu procéder neuf mois plus tard pour éviter le dépôt de bilan de la SAS Sotratour ; qu'il en déduit qu'une évaluation à leur valeur exacte, c'est-à-dire nulle, des fonds de commerce des sociétés absorbées n'aurait pas permis la poursuite de l'activité du groupe et que, sans qu'il soit besoin de démontrer que des tiers, avisés des évaluations retenues et du boni de fusion par leur publication obligatoire dans un journal d'annonces légales ont été induits en erreur dans leur décision de contracter avec la SAS Sotratour, la faute commise par M. X... a été directement à l'origine de la poursuite d'activité entre le 31 mars 2004, date de prise d'effet de la fusion, et le 7 décembre suivant, date du dépôt de bilan et du placement de la SAS Sotratour en redressement judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire aux apports, qui a fautivement approuvé une surévaluation des apports en nature ayant donné une apparence trompeuse de solvabilité à la société absorbante, n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi contribué à créer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que M. X... avait causé aux créanciers de la SAS Sotratour un préjudice défini comme résultant de la poursuite d'activité de cette société entre le 31 mars 2004, date de " prise d'effet de la fusion ", et le 7 décembre suivant, date du " dépôt de bilan " et du placement de la SAS Sotratour en redressement judiciaire, l'arrêt rendu le 14 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée.