Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.120
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Jean-Philippe Caston
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 27 octobre 1988, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la société Soderag, aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti à la société civile immobilière Kavinag (la SCI) un prêt garanti par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque ; que le 25 août 2011, la Société financière Antilles Guyane (la Sofiag), qui avait absorbé la Sodega, a fait délivrer à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière et l'a ensuite assignée devant le juge de l'exécution ; que la SCI a fait valoir que le projet de fusion de la société Sodega par la Sofiag n'ayant pas été établi en la forme authentique, l'opération était irrégulière et qu'en outre, elle n'avait pas été régulièrement publiée ; qu'elle en a déduit que cette opération lui étant inopposable, la Sofiag n'avait pas qualité à agir ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter cette fin de non-recevoir alors, selon le moyen :
1°/ que si la législation d'un Etat membre ne prévoit pas, pour les fusions, un contrôle préventif judiciaire ou administratif de légalité, ou que ce contrôle ne porte pas sur tous les actes nécessaires à la fusion, les procès-verbaux des assemblées générales qui décident la fusion et, le cas échéant, le contrat de fusion postérieur à ces assemblées générales sont établis par acte authentique et, dans les cas où la fusion ne doit pas être approuvée par les assemblées générales de toutes les sociétés qui fusionnent, le projet de fusion doit également être établi par acte authentique ; qu'en retenant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir opposée par la SCI Kavinag à l'action engagée à son encontre par la société Sofiag, que la SCI Kavinag ne justifiait pas que la directive CEE 82/891 du Conseil du 17 décembre 1982 avait été transposée en droit interne en imposant la rédaction d'un acte authentique, sans rechercher comme elle y était invitée, si, à la lumière des principes de l'article 16-1 de la directive CEE 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, en suite de l'application de l'article 14 de la directive CEE 82/891 du Conseil du 17 décembre 1982, cette rédaction n'était pas imposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la directive CEE 82/891 du Conseil du 17 décembre 1982 et de l'article 16-1 de la directive CEE 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 ;
2°/ que la seule remise à un notaire d'un procès-verbal pour qu'il soit déposé au rang des minutes de son étude ne lui confère pas la valeur d'acte authentique ; qu'en retenant en outre, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir opposée par la SCI Kavinag à l'action engagée à son encontre par la société Sofiag, le dépôt au rang des minutes d'un notaire de Fort-de-France de la décision des actionnaires du 23 décembre 2004 ayant approuvé l'opération de fusion-absorption réalisée entre la société Sofiag et la société Sodega par voie de fusion simplifiée, constaté la réalisation définitive de la fusion et pris d'autres décisions, dont l'adoption de l'actuelle dénomination sociale, quand seul l'acte dressé par le notaire pour constater ce dépôt avait la force de l'authenticité et non la décision du 23 décembre 2004 qui lui était annexée, la seule remise au notaire de cet acte puis son dépôt au rang des minutes ne lui conférant pas valeur authentique, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1317 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ainsi que le juge constamment la Cour de justice de l'Union européenne, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligation dans le chef d'un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, point 48 ; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, point 20 ; du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C-555/07, point 46) ; qu'ayant exactement retenu, par motif adopté, que les directives invoquées par la SCI ne pouvaient recevoir application dans le litige l'opposant à la société Sofiag, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si le projet de fusion satisfaisait aux exigences des dispositions de l'article 16, point 1, de la directive 78/855/CEE du Conseil, reprises par l'article 16, point 1, de la directive 2011/35/UE du parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant les fusions des sociétés anonymes ;
Et attendu, d'autre part, que la deuxième branche, qui critique un motif surabondant, est inopérante ;
D'où il suit que le moyen, pour partie non fondé, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-69 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ;
Attendu que pour déclarer la Sofiag recevable à agir en qualité de prêteur à l'encontre de la SCI, l'arrêt retient que la décision des actionnaires de la Sofiag approuvant l'opération par voie de fusion simplifiée et constatant sa réalisation a fait l'objet d'une publication au registre du commerce et des sociétés ainsi que cela ressort de l'extrait K bis de la Sofiag, et dans un journal d'annonces légales ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés satisfaisait à l'ensemble de ces exigences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur les autres griefs du premier moyen, non plus que sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.