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Décisions

Cass. crim., 29 septembre 1999, n° 98-81.796

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Samuel

Avocat général :

M. Lucas

Avocat :

Me Balat

Colmar, ch. d'acc., du 12 déc. 1997

12 décembre 1997

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 432-12 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs, et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine X... non coupable du délit d'ingérence ou de prise illégale d'intérêt et en conséquence l'a renvoyé de ce chef de poursuites ;

" aux motifs que " les 5 engagements incriminés ont été contractés avec Denis Y..., architecte DPLG et non avec une quelconque société..., que la prise d'intérêt dont s'agit est une prise d'intérêt patrimonial et que le législateur n'a pas prévu une prise d'intérêt moral et familial " ;

" alors que l'article 175 du Code pénal en sa rédaction à l'époque de la commission des faits réprimait le fait d'avoir " pris ou reçu quelqu'intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont il a ou avait, au temps de l'acte, en tout ou partie, l'administration ou la surveillance, que l'article 432-12 actuel du Code pénal réprime le fait de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont la personne investie d'un mandat électif public a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; que la prise illégale constitutive du délit, ne saurait donc être réduite à celle d'un intérêt seulement patrimonial " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale, 432-12 du Code pénal, défaut de motivation et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine X... non coupable du délit d'ingérence ou de prise illégale d'intérêt ;

" aux motifs que Antoine X... n'a pris, même par personne interposée, aucun intérêt patrimonial dans les cinq actes litigieux ;

" alors que l'affirmation de l'inexistence de l'intérêt patrimonial n'était assortie d'aucune analyse, fût-elle exclusive en l'espèce, du lien direct ou indirect, réel ou potentiel, entre les personnes en cause ;

" et que, d'autre part, la cour d'appel, rejetant le concept d'intérêt moral et familial employé par les premiers juges, se devait de justifier en quoi l'intérêt patrimonial qu'elle retenait était exclusif de l'intérêt familial " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance, contrariété de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine X... non coupable du délit d'ingérence ou de prise illégale d'intérêt ;

" aux motifs qu'" Antoine X... n'a pris, même par personne interposée, aucun intérêt patrimonial dans les cinq actes litigieux, qu'il convient d'infirmer pour partie le jugement déféré et de relaxer Antoine X... de ce chef de la prévention " ;

" alors que la cour d'appel qui avait constaté que le bénéficiaire des engagements était le gendre du maire, ne pouvait affirmer l'inexistence d'un intérêt patrimonial dès lors que le lien familial constaté, même pris au sens strictement patrimonial, établissait au bénéfice du prévenu un intérêt matériel fût-il potentiel et indirect, notamment en cas d'ouverture de succession ;

" et alors que la Cour se devait en tout état de cause, d'expliciter en quoi la souscription par la commune dont le prévenu était le maire d'engagements bénéficiant au gendre de ce dernier n'était pas constitutive de la prise de l'intérêt patrimonial qu'elle exigeait " ;

Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale, 432-12 du Code pénal, contrariété de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine X... non coupable du délit d'ingérence ou de prise illégale d'intérêt ;

" aux motifs que, contrairement à ce qu'avance l'avocat des deux prévenus dans ses conclusions, il importe peu que le fonctionnaire ou l'officier public n'ait retiré aucun profit de l'opération ou que le profit escompté ne lui ait été remis qu'après ladite opération " et que Antoine X... n'a pris, même par personne interposée, aucun intérêt patrimonial dans les cinq actes litigieux " ;

" alors qu'il ne peut être considéré sans contrariété de motifs qu'il peut n'être retiré aucun profit de l'opération, en affirmant par ailleurs que la prise d'intérêt dont s'agit est une prise d'intérêt patrimonial " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 175 ancien et 432-12 du Code pénal ;

Attendu que, selon ces textes, le délit de prise illégale d'intérêts est constitué notamment par le fait, pour une personne investie d'un mandat électif public, de prendre un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; que cet intérêt peut être de nature matérielle ou morale, direct ou indirect ;

Attendu qu'Antoine X... a été poursuivi notamment du chef de prise illégale d'intérêts pour avoir, courant 1991 et 1992, étant maire de Fegersheim, soit directement, soit par l'intermédiaire du premier adjoint, signé cinq actes d'engagement portant sur des travaux de construction de bâtiments communaux avec Denis Y..., son gendre, architecte ;

Que, pour renvoyer Antoine X... des fins de la poursuite, les juges d'appel énoncent que le législateur n'a pas prévu " une prise d'intérêt moral et familial " et qu'Antoine X... n'a pris, même par personne interposée, aucun intérêt patrimonial dans les cinq actes litigieux ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 12 décembre 1997 ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.