CA Montpellier, 2e ch. B, 5 novembre 2002, n° 97/05639
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Escobar, Morières Emballages (SARL), Emballages Plastiques Avignonnais (SARL)
Défendeur :
Fabre (ès qual.), Marion (ès qual.), Papeterie du Languedoc (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grison
Conseillers :
Mme Plantard, Mme Salvan-Bayle
Avoués :
SCP Capdevila-Vedel Salles, SCP Argellies-Travier, Me Rouquette
Avocats :
Me El Kolli, Me Adde, Me Grappin, Me Moulin
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 29 juillet 1997, le Tribunal de commerce de Montpellier a :
- prononcé l'insaisissabilité (sic) des parts sociales détenues par M. ESCOBAR numérotées de 101 à 200 et de 350 à 500, soit 250 parts sociales de 100 F composant la moitié du capital social de la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC et ce, jusqu'à l'aboutissement des procédures en cours tant sur le plan commercial que pénal,
- désigné M. PROUGET Jacques avec mission d'exercer le droit de vote attaché aux parts sociales pour la durée d'insaisissabilité arrêtée,
- dit qu'il appartiendra au terme de ces procédures, au commissaire à l'exécution du plan de saisir le tribunal afin qu'il soit statué sur lesdites parts sociales ;
- arrêté le plan de redressement présenté par PAPETERIE DU LANGUEDOC SARL et décidé la continuation de l'activité de l'entreprise.
M. Jean-Philippe ESCOBAR, la SARL MORIERES EMBALLAGES ainsi que la SARL EMBALLAGES PLASTIQUES AVIGNONNAIS ont interjeté appel de ce jugement en demandant à la Cour d'annuler celui-ci et de prononcer le redressement judiciaire de la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC, et enfin de confirmer M. Jean-Philippe ESCOBAR dans ses droits concernant les parts sociales dont il est titulaire dans le cadre de la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC.
Par arrêt en date du 27 avril 1999, cette Cour d'appel a :
- sur les dispositions du jugement concernant le plan de continuation de la société PAPETERIE DU LANGUEDOC, déclaré irrecevable l'appel réformation et rejeté l'appel nullité,
- sur l'incessibilité de ses parts sociales dans la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC, déclaré irrecevable l'appel nullité de M. ESCOBAR, reçu son appel réformation, et sursis à statuer sur la question de savoir s'il exerçait dans la société PAPETERIE DU LANGUEDOC une gérance de fait jusqu'à communication du rapport d'expertise de M. TRABE, nommé par jugement du 23 août 1996 du tribunal de commerce de Montpellier.
Maître Fabre, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la S.A.R.L. PAPETERIE DU LANGUEDOC a déposé des conclusions le 13 mars 2002, aux termes desquelles il demande :
- de lui donner acte du dépôt du rapport d'expertise TRABE, qui confirme la gérance de fait de M. ESCOBAR,
- de lui donner acte de ce qu'il dépose complémentairement le jugement non définitif rendu par le tribunal correctionnel de Montpellier le 6 septembre 2001, à l'encontre de M. Jean-Philippe ESCOBAR,
- de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'incessibilité,
- de condamner M. Jean-Philippe ESCOBAR au paiement de la somme de 760 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions du 6 septembre 2002, M. Jean-Philippe ESCOBAR, la SARL MORIERES EMBALLAGES ainsi que la SARL EMBALLAGES PLASTIQUES AVIGNONNAIS, exposent que :
- la procédure pénale n'est pas terminée et ils rappellent le principe de la présomption d'innocence,
- les observations faites par l'expert M. Trabe concernent M. Joseph ESCOBAR et non M. Jean-Philippe ESCOBAR, associé à 50 % dans la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC,
- il ne suffit pas de constater que la société dont M. Jean-Philippe ESCOBAR est gérant de droit a bénéficié d'une importante avance de trésorerie ce qui a fait apparaître un débit au niveau du compte fournisseur au nom de la SARL MORIERES EMBALLAGES dès lors qu'il ne résulte pas du rapport de l'expert la réunion des trois critères de la gérance de fait,
- subsidiairement, dans le cas où il serait reconnu gérant de fait, M. Jean-Philippe ESCOBAR observe que le Tribunal n'avait pas la possibilité d'appliquer à son égard l'article 23 de la loi de 1985 sans l'avoir préalablement convoqué,
- Ils demandent en conséquence à la Cour :
- de réformer le jugement dont appel,
- statuant à nouveau de confirmer M. Jean-Philippe ESCOBAR dans ses droits concernant les parts sociales dont il est titulaire dans la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC et le droit de vote qui y est attaché,
- de condamner les intimés au paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner aux dépens dont distraction.
Maître Marion, en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la S.A.R.L. PAPETERIE DU LANGUEDOC, a conclu, le 26 septembre 2002, à la confirmation du jugement déféré sur la base des conclusions du rapport d'expertise, et à la condamnation de M ESCOBAR aux dépens, employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.
MOTIFS
L'article L. 621-59 du code de commerce, ancien article 23 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985, dispose que, lorsque la survie de l'entreprise le requiert, le tribunal peut subordonner l'adoption du plan de redressement au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants et, à cette fin, prononcer l'incessibilité des actions, parts sociales ou certificats de droit de vote détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il fixe par un mandataire de justice désigné à cet effet.
Il résulte de ces dispositions que l'incessibilité des droits sociaux peut être prononcée comme condition de l'adoption du plan de redressement, à l'encontre des dirigeants sociaux, qu'il s'agisse d'un dirigeant de droit ou de fait, mais à la condition d'établir dans ce dernier cas l'existence de la qualité de dirigeant de fait.
Avant de se prononcer sur les mérites de l'appel interjeté par M. Jean-Philippe ESCOBAR, la SARL MORIERES EMBALLAGES ainsi que la SARL EMBALLAGES PLASTIQUES AVIGNONNAIS, à l'encontre du jugement du 29 juillet 1997, du Tribunal de commerce de Montpellier la Cour a sursis à statuer sur la question de savoir si M. Jean-Philippe ESCOBAR exerçait dans la société PAPETERIE DU LANGUEDOC une gérance de fait jusqu'à communication du rapport d'expertise de M. TRABE, nommé par jugement du 23 août 1996.
Cet expert avait reçu pour mission du tribunal de commerce notamment de définir le rôle joué par M. Jean-Philippe ESCOBAR et par M. Joseph ESCOBAR au sein de la société PAPETERIE DU LANGUEDOC, et de dire plus précisément s'il y avait unité de direction de fait et si le comportement des défendeurs pouvait trouver justification dans une simple assistance technique.
Il résulte du rapport de l'expert que les interventions multiples et répétées de M. Joseph ESCOBAR, père de M. Jean-Philippe ESCOBAR, dans tous les domaines de la gestion de la STE PAPETERIE DU LANGUEDOC s'analysent en une véritable gestion de fait, ayant conduit à déposséder le gérant de droit M.PROUGET de ses attributions, mais que cependant les investigations de l'expert n'ont, selon ses propres termes, pas permis de vérifier si M. Jean-Philippe ESCOBAR, fils, avait joué un rôle particulier dans cette affaire, tout permettant de dire que le véritable rôle de direction appartenait à M.ESCOBAR, père (sic).
Le rapport de l'expert n'établit donc en rien la qualité de gérant de fait de M. Jean-Philippe ESCOBAR et la Cour ne trouve dans les pièces produites au dossier aucun document utile qui établirait cette qualité, laquelle ne peut se déduire simplement de son lien de parenté avec M. ESCOBAR Joseph et de la détention de 50 % des parts de la société.
C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L. 621-59 du code de commerce, à M. Jean-Philippe ESCOBAR qui n'avait pas la qualité de dirigeant de la STE PAPETERIE DU LANGUEDOC.
Le jugement déféré sera réformé et statuant à nouveau il y a lieu de dire que M. Jean-Philippe ESCOBAR sera rétabli dans les droits qu'il détient sur ses parts sociales, y compris le droit de vote y attaché.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Dès lors qu'il est fait droit à l'appel les intimés supporteront la charge des dépens.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Vu l'arrêt de cette Cour en date du 27 avril 1999,
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que M. Jean-Philippe ESCOBAR sera rétabli dans les droits qu'il détient sur ses parts sociales dans la SARL PAPETERIE DU LANGUEDOC, y compris le droit de vote y attaché.
Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Maître Fabre et Maître Marion, es qualités aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.