CA Nîmes, 2e ch. com. B, 6 novembre 2014, n° 14/02670
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Torelli (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
M. Gagnaux, Mme Hairon
Avocats :
Me Chabaud, Me Marmillot
Vu l'ordonnance de référé rendue le 18/03/2014 par Président du tribunal de commerce d'AVIGNON,
Vu la déclaration d'appel de Maître Frédéric TORELLI ès qualités en date du 22/05/2014,
Vu les dernières conclusions déposées le 4/08/2014 par Maître Frédéric TORELLI - ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L VERITE PRIX CUISINES ET BAINS - et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions déposées le 17/09/2014 par A, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu la communication au Parquet Général déclarant le 7/07/2014 s'en rapporter à l'appréciation de la Cour, avis porté à la connaissance des parties,
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Il convient de se reporter aux écrits des parties et à la procédure antérieure pour plus ample exposé des faits de la cause, des moyens de droit et de fait des parties au soutien de leurs prétentions, et il convient et suffit d'exposer ici pour la compréhension autonome du présent arrêt :
A était gérant depuis le 30/09/2008 de la S.A.R.L VERITE PRIX CUISINES ET BAINS, placée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce d'AVIGNON le 30/09/2009, la date de cessation de paiements étant fixée au 27/07/2009.
La liquidation judiciaire a été prononcée selon jugement en date du 9/12/2009.
Maître Frédéric TORELLI - ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L VERITE PRIX CUISINES ET BAINS - a assigné A devant le Tribunal de commerce d'AVIGNON le 15/03/2012 en comblement intégral de l'insuffisance d'actif de la société en procédure collective.
Maître Frédéric TORELLI ès qualités a pris une sûreté contre A en considération de cette procédure en cours et à ce jour en délibéré et l'a dénoncé à l'intéressé le 9/05/2012 ;
Par assignation du 17 janvier 2014, A a saisi en référé le Président du Tribunal de Commerce d'Avignon d'une demande de rétractation de son ordonnance, rendue le 7 mars 2012, ayant autorisé Maître TORELLI, ès qualités, au visa de l'article L. 651-4 du Code de Commerce, à prendre une mesure conservatoire à son encontre, en l'état de la procédure de comblement d'insuffisance d'actif mise en oeuvre contre lui.
Par Ordonnance en date du 18 mars 2014, dont appel - le Président du Tribunal de commerce d'AVIGNON a statué en référé sur requête et jugé:
Modifions l'ordonnance sur requête rendue en date du 7 mars 2012,
Ordonnons la mainlevée de l'hypothèque judiciaire sur les parcelles de NYONS cadastrées
[modification partielle]
Autorisons Maître Frédéric TORELLI ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL VERITE PRIX CUISINES ET BAINS, â inscrire provisoirement une hypothèque sur les biens et droits immobiliers situés sur le territoire de la commune de CONDORCET (26), cadastrés:
[suit la liste des parcelles ainsi autorisées pour la sûreté]
Appartenant â Monsieur Philippe Georges X... (...) et ce, en vue de garantir le paiement de la somme de 150 000 € à laquelle a été évaluée la créance du requérant en principal, outre intérêts et frais, '
Maître Frédéric TORELLI - appelant- ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L VERITE PRIX CUISINES ET BAINS - fait essentiellement valoir que sa créance est fondée en son principe en l'état des éléments étayant son action en comblement d'insuffisance d'actif contre A ; qu'il existe des circonstances de nature à en menacer le recouvrement ; que la main levée totale ou partielle, singulièrement initiée si tardivement, vise à substituer à des biens d'une valeur certaine des biens de valeur
moindre de plus affectés de sûretés antérieures et donc prioritaires à l'exécution .
Il demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures:
« Vu les articles 493 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu l'article L. 651-4 du Code de Commerce,
Débouter Monsieur A de sa demande de rétractation et de toute demande de mainlevée (totale ou partielle) d'hypothèque provisoire inscrite sur le fondement de l'ordonnance du Président du Tribunal de Commerce d'Avignon en date du 7 mars 2012.
Dire et juger, au contraire, que ladite ordonnance rendue le 7 mars 2012 produira ses pleins et entiers effets.
Condamner Monsieur A au paiement de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »
A - intimé et appelant incident - fait essentiellement valoir qu'au sens de l'article L511-1 du Code des procédures civiles d'exécution la créance invoquée à son encontre n'est pas justifiée en son principe et n'est pas menacée en son recouvrement ; qu'il convient de procéder à titre principal à une main levée totale et subsidiairement à un cantonnement de la mesure conservatoire.
Il demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures :
« (...)
Vu les dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-3 du CPCE, 497 du CPC,
Vu les conclusions de Monsieur A déposée par devant le Tribunal de Commerce,
A TITRE PRINCIPAL :
INFIRMER la décision prise par le Président du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 18 mars 2014,
STATUANT DE NOUVEAU :
ORDONNER la rétractation de l'ordonnance en date du 7 mars 2012 prise par le Président du Tribunal de Commerce d'AVIGNON,
En conséquence,
ORDONNER la mainlevée immédiate de l'hypothèque judiciaire provisoire,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
CONFIRMER la décision prise par le Président du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 18 mars 2014,
CONDAMNER Maître TORELLI au paiement d'une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 CPC ;
CONDAMNER Maître TORELLI au paiement des entiers dépens » ;
SUR CE
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
Attendu - en droit - que l'article L. 651-4 Code de commerce est inséré au LIVRE VI : Des difficultés des entreprises, au TITRE V : « Des responsabilités et des sanctions », et dans un chapitre Ier : « De la responsabilité pour insuffisance d'actif » incluant les article L. 351-1 à L. 351-4 du Code de commerce ;
Attendu qu'il dispose en son alinéa 2
« Le président du tribunal peut, dans les mêmes conditions, ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens des dirigeants ou de leurs représentants visés à l'alinéa qui précède ou encore des biens de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée compris dans son patrimoine non affecté. Il peut maintenir la mesure conservatoire ordonnée à l'égard des biens du dirigeant de droit ou de fait en application de l'article L. 631-10-1 » ;
Attendu que l'article L. 631-10-1 du Code de commerce, cité supra par ce premier texte in fine, dispose aussi:
« A la demande de l'administrateur ou du mandataire judiciaire, le président du tribunal saisi peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens du dirigeant de droit ou de fait à l'encontre duquel l'administrateur ou le mandataire judiciaire a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur ».
Attendu que la procédure initiée par Maître Frédéric TORELLI ès qualités est conforme à ces deux premiers textes et à sa mission ;
Attendu que l'article L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose pour sa part :
« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire » ;
Attendu que sans même que la Cour ait pu consulter l'ensemble des pièces de la procédure au fond en cours de délibéré ou a fortiori prendre connaissance du jugement à intervenir, dans ses conclusions A lui-même reconnaît des difficultés graves et une poursuite d'activité alors qu'il existait déjà un important passif, qui s'est poursuivi et aggravé ;
Attendu que ce seul aveu accrédite une créance paraissant fondée en son principe ; que par ailleurs l'existence même de la présente instance engagée par A en 2014 pour une sûreté prise en mars 2012, et à proximité d'un jugement au fond, manifeste sa volonté de mettre en péril ou grave difficulté une action en paiement à son encontre ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il explique avoir mené à terme une procédure de divorce en mai 2012 et entend affecter une partie de son patrimoine à son ex-épouse ;
Attendu que singulièrement de plus il propose en substitution et cantonnement d'affecter un immeuble en indivision avec son actuelle épouse - mais qui ne l'était pas lors de l'acquisition, d'où l'indivision - ; que ce bien a été acheté 528. 000 € et il prétend en posséder au moins moitié, soit 264 000 €, ce qui suffirait à garantir Maître Frédéric TORELLI ès qualités ;
Attendu que l'acte de vente du 28/02/2008 de l'immeuble en cause est certes produit et il a été payé comptant, mais rien ne dit quelle est la répartition entre les deux acquéreurs indivis ;
Attendu de plus que Maître Frédéric TORELLI - sans être contredit - énonce que A confronté aussi à une information judiciaire en mai 2014 (pour abus de biens sociaux et banqueroute) et a des biens faisant l'objet de très nombreuses hypothèques judiciaires provisoires, légales ou conventionnelles, pour près au moins de 700 000 €, selon un détail qu'il énonce ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence à titre conservatoire de ne pas rétracter l'ordonnance rendue sur requête le 7/03/2012 mais de réformer en ce sens l'ordonnance du 18/03/2014 ;
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort,
Dit recevable l'appel de Maître Frédéric TORELLI ès qualités,
Réformant l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu a rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 7/03/2012 par le Président du Tribunal de commerce d'AVIGNON sur des biens immeubles appartenant à A,
Condamne A à payer à Maître Frédéric TORELLI ès qualités la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne A aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.