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Décisions

Cass. crim., 21 septembre 2005, n° 04-85.056

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Mouton

Avocats :

Me Spinosi, SCP Nicolay et de Lanouvelle

Reims, du 17 Juin 2004

17 juin 2004

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, qu'en 1994, le Conseil supérieur du notariat (CSN) a permis aux conseils régionaux des notaires d'embaucher un notaire stagiaire, choisi par leur président et affecté, par ce dernier, dans son étude ou dans une étude du ressort du conseil ; que la rémunération de ce stagiaire était prise en charge par ledit conseil, subventionné par l'association Etude et avenir du notariat, créée par le CSN et la Caisse des Dépôts et consignations ;

Que Gilles X..., président du conseil régional des notaires près la cour d'appel de Reims, a choisi de faire bénéficier son fils, Emmanuel X..., de ce dispositif et, par contrat du 3 juillet 1995, l'a fait embaucher, pour une durée d'un an, par ledit conseil régional et l'a affecté à son étude, en qualité de notaire stagiaire, moyennant une rémunération mensuelle initialement fixée à 7 673 francs ; que ce contrat a été renouvelé pour une année supplémentaire, par avenant du 4 juillet 1996 ; qu'il est établi qu'Emmanuel X... n'a pas exécuté son contrat de travail à temps plein ;

Que Gilles X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds, et Emmanuel X... pour recel de ces délits ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'ordonnance du 2 novembre 1945, des articles 321-1 et 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles X... coupable de prise illégale d'intérêts et Emmanuel X... coupable de recel de prise illégale d'intérêts ;

"aux motifs que, "il résulte de la procédure et des débats qu'en 1992, le Conseil supérieur du notariat a donné à chaque président de chambre départementale de notaires la possibilité de voir mis à sa disposition un notaire stagiaire, mesure étendue à compter de 1994 aux présidents des conseils régionaux ;

qu'il était ainsi prévu que le président choisisse un notaire stagiaire, le fasse embaucher par la chambre ou le conseil selon le cas et le place dans sa propre étude ou dans n'importe quelle autre étude de son ressort, la rémunération du stagiaire étant assurée par une association dénommée ELAN ; qu'en 1995, Me Gilles X..., notaire, membre de la SCP X... Y... Z..., devenu président du conseil régional des notaires près la cour d'appel de Reims pour la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, a en cette qualité et selon la procédure qui vient d'être résumée, recruté son fils, Emmanuel X..., comme notaire stagiaire affecté à l'étude de ladite SCP par contrat en date du 3 juillet 1995, pour une durée d'un an, avec une rémunération mensuelle initialement fixée à 7 673 francs, que ce contrat a été renouvelé une fois par un avenant en date du 4 juillet 1996, Emmanuel X... ayant en définitive effectué l'intégralité de son stage de deux ans sous ce régime ; qu'en vertu des dispositions de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, le conseil régional des notaires représente l'ensemble des notaires du ressort de la cour d'appel en ce qui touche à leurs droits et intérêts communs et se trouve notamment chargé, outre le règlement des différends pouvant s'élever entre les chambres des notaires pour lequel il peut être amené à prendre des décisions exécutoires, des fonctions réservées à la commission de contrôle de la comptabilité des notaires et du règlement de toutes les questions concernant le fonctionnement des écoles de notariat existant dans son ressort ; que l'Etat, qui a depuis des siècles confié aux notaires le soin de garantir l'authenticité et la conservation des actes juridiques les plus importants, a ainsi délégué aux différentes instances de cette profession, depuis le Conseil supérieur du notariat jusqu'aux chambres de notaires, la charge d'organiser et de veiller à ce qu'elle assume au mieux ses missions ; qu'en attribuant aux conseils régionaux le soin de participer au contrôle de la comptabilité des offices, et la formation des futurs notaires, l'Etat a chargé cette structure, bien qu'elle ne soit pas un organisme public, d'une mission de service public ; que son président participe nécessairement, dans l'exercice de ses fonctions, à l'exécution de ces missions ; que l'opération de recrutement de notaires stagiaires mise en oeuvre à partir de 1992 par le Conseil supérieur du notariat ne visait pas, contrairement à ce qu'affirment les prévenus, à créer un avantage pour le président de chambre ou le conseil régional, puisqu'il était prévu que ces stagiaires pouvaient être placés auprès de toute étude du ressort, mais bien de permettre aux notaires stagiaires de trouver plus facilement des études acceptant de les accueillir, puisque cet accueil, s'il imposait encore pour l'étude une obligation de formation, ne comportait plus de charges financières ; que cette opération concernait donc bien la formation des futurs notaires, et entrait donc bien dans la mission de service public des chambres et conseils régionaux ;

que le président d'un conseil régional des notaires ne pouvait donc prendre un intérêt quelconque dans cette opération dont il avait la charge d'assurer au moins la surveillance et l'administration, sans violer les dispositions de l'article 432-12 du Code pénal ; que le Conseil supérieur du notariat en indiquant dans son courrier du 30 novembre 1993 que le président en usant de la procédure précédemment exposée pouvait placer le notaire stagiaire qu'il recrutait dans sa propre étude, ce qui permettait à celle-ci, et donc indirectement audit président, qu'il exerce son activité de notaire seul ou au sein d'une société civile professionnelle, de bénéficier de l'activité de ce stagiaire sans en supporter la rémunération, était déjà critiquable au regard de l'article 432-12 ; qu'en engageant, selon ce mode, son propre fils, Me Gilles X... trouvait un double intérêt professionnel et familial, dans l'opération de recrutement dont il était chargé ; que les premiers juges ont justement relevé que l'élément intentionnel de l'infraction est suffisamment caractérisé pour le seul fait que le prévenu ait accompli l'acte en constituant l'élément matériel ;

qu'il sera cependant ajouté que Me Gilles X... professionnel du droit, et responsable au sein de l'organisation d'une profession chargée de veiller à la régularité et la légalité des actes dont elle assure la rédaction et l'authentification, ne pouvait ignorer l'interdiction posée par l'article 432-12 du code pénal ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la culpabilité de Me Gilles X... du chef de prise illégale d'intérêts ; qu'Emmanuel X..., qui a bénéficié par ce recrutement de la rémunération fixée au contrat, a bien été receleur du produit du délit commis par son père ; que, comme celui-ci, compte tenu de son milieu familial, de sa formation et de son expérience professionnelle antérieure, il ne pouvait ignorer l'interdiction susdite ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a retenu sa culpabilité du chef de recel de prise illégale d'intérêts" ;

"1 ) alors que le délit de prise illégale d'intérêts résultant du fait, pour une personne chargée d'une mission de service public, de recevoir un intérêt dans une opération dont elle a la charge d'assurer la surveillance, l'administration ou le paiement, il appartient aux juges pénaux de constater que c'est dans l'exercice d'une fonction de surveillance liée à sa mission de service public que la personne a pris un intérêt personnel ; qu'a privé sa décision de base légale la cour d'appel qui a considéré qu'en recrutant un notaire stagiaire à son profit, Gilles X... était intervenu dans une opération dont il était chargé d'assurer le contrôle, lorsqu'il n'avait au mieux, en matière de formation, en sa qualité de président du conseil régional des notaires, qu'une mission de contrôle des écoles de notariat ;

"2 ) alors qu'en tout état de cause l'existence d'une mission de service public lorsqu'elle est effectuée par une personne de droit privé n'est caractérisée qu'à la condition qu'il existe une activité servant l'intérêt général ou des prérogatives de puissance publique et à tout le moins une possibilité de contrôle de cette activité par les pouvoirs publics ; que la cour d'appel ne pouvait retenir l'existence d'une mission de service publique confiée aux conseils régionaux des notaires sans relever l'existence d'une mission d'intérêt général, celle-ci ne pouvant être confondue avec la mission des notaires eux-mêmes, ni aucun autre indice de la mission de service public ;

"3) alors qu'au surplus, le seul fait que le Conseil supérieur du notariat ait donné au président du conseil régional la mission de recruter un notaire stagiaire, rémunéré par une association, ne conférait pas à cette embauche le caractère d'une mission de service public, ce recrutement ne visant qu'une personne, et n'attribuant aucune prérogative spéciale, dérogatoire du droit commun, au président du conseil régional ; que de ce chef encore la cour d'appel n'a pas caractérisé que le président du conseil régional, en embauchant son fils à ce poste, avait agi dans le cadre de sa mission de service public ;

"4 ) alors qu'en outre, l'activité de formation d'un stagiaire qui ne comporte aucune prérogative dérogatoire du droit commun et ne fait l'objet d'aucun contrôle des autorités publiques, ne pouvait suffire à caractériser que le président du conseil régional, en sa qualité d'employeur, était chargé d'une mission de service public ;

"5 ) alors qu'en plus, la prise illégale d'intérêt est une infraction intentionnelle, supposant un abus de la fonction ; que le président du conseil régional des notaires avait été autorisé à recruter pour lui-même un notaire stagiaire par le Conseil supérieur du notariat, dont il n'était pas membre et, partant, n'avait fait qu'exécuter une décision de l'organe représentatif de la profession, ce qui excluait nécessairement toute conscience de prendre un intérêt personnel illégal dans une opération dont il aurait été chargé d'assurer la surveillance et tout abus de sa fonction ;

"6 ) alors qu'enfin, le recel résultant du fait de détenir des biens provenant d'un délit, la cassation a intervenir sur la prise illégale d'intérêts ne pourra qu'entraîner celle de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable de recel de prise illégale d'intérêts Emmanuel X... et l'a condamné pénalement et civilement" ;

Attendu que, pour déclarer Gilles X... coupable de prise illégale d'intérêts et Emmanuel X... coupable de recel de ce délit, l'arrêt attaqué relève que l'Etat, en confiant aux conseils régionaux des notaires le soin de participer à la formation des futurs notaires, a chargé cette institution, bien qu'elle ne soit pas un organisme public, d'une mission de service public, à l'exécution de laquelle son président participe nécessairement dans l'exercice de ses fonctions ; que les juges ajoutent que la procédure de recrutement de notaire stagiaire, mise en place en 1994 par le CSN, avait pour objet de permettre aux notaires stagiaires de trouver plus facilement des études acceptant de les acueillir et que cette opération concernait donc la formation des futurs notaires et entrait ainsi dans la mission de service public des conseils régionaux ; que les juges retiennent enfin, qu'en engageant son propre fils, Gilles X... trouvait un double intérêt professionnel et familial dans l'opération de recrutement dont il était chargé et, qu'en sa qualité de professionnel du droit et de responsable du conseil régional des notaires, il ne pouvait ignorer l'interdiction posée par l'article 432-12 du Code pénal ; qu'Emmanuel X..., qui a bénéficié de la rémunération fixée au contrat, est le receleur du produit du délit commis par son père, qu'il ne pouvait ignorer, en raison de son milieu familial, de sa formation et de son expérience professionnelle antérieure ;

Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que la formation des futurs notaires entrait dans la compétence des conseils régionaux des notaires, l'arrêt n'encourt toutefois pas la censure dès lors que le président d'un conseil régional des notaires, établissement d'utilité publique, auquel a été confiée par le CSN, également établissement d'utilité publique, la mission d'intérêt général de faciliter l'obtention de stages aux futurs notaires, doit être regardé comme une personne chargée d'une mission de service public, au sens de l'article 432-12 du Code pénal, peu important qu'il ne disposât pas, dans l'exercice de cette mission, de prérogatives de puissance publique ;

Que, dès lors, le moyen, inopérant en sa cinquième branche, le délit de prise illégale d'intérêts étant consommé par le seul fait pour Gilles X... d'avoir fait embaucher son fils, par le conseil régional des notaires, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-15 du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles X... coupable de détournements de fonds publics et Emmanuel X... coupable de recel de ce délit et les a condamnés pénalement et civilement ;

"aux motifs que, "le déroulement du stage d'Emmanuel X... présenta diverses particularités, reconnues par le père comme par le fils, au cours de l'instruction à l'audience ; le stagiaire ne disposait pas d'un local ou d'un emplacement de travail au sein de l'étude, n'était pas tenu de respecter des horaires fixes, et n'a rédigé que très peu d'actes au cours de ces deux années de stage ; que Gilles et Emmanuel X... expliquent la première de ces particularités par le fait qu'il n'existait pas de place au sein de l'étude pour accueillir le second, lequel avait par ailleurs la chance de disposer d'un bureau dans lequel se trouvait une importante documentation juridique dans les locaux d'une société dont il était le président du conseil d'administration, son épouse y étant directrice générale ; qu'ils soulignent, pour la seconde, que si certains des autres stagiaires, au nombre de quatre, de l'étude X... Y... Z..., étaient tenus de pointer en entrée et en sortie de leurs journées de travail, d'autres étaient dispensés de cette obligation ; qu'ils soutiennent pour ce qui concerne la troisième, que la formation des notaires stagiaires ne comporterait pas de passages obligés et pourrait être orientée vers certains aspects de l'activité notariale aux dépens d'autres, sans pour autant être viciées, en précisant qu'Emmanuel X... se serait essentiellement consacré à des questions de négociations et d'analyses de situations patrimoniales d'entreprises ou personnes morales, d'organisation interne de l'étude et d'élaboration d'outils informatiques, soulignant que cette formation avait été validée par les autorités professionnelles compétentes ; qu'il convient de rappeler que le contrat, conclu le 3 juillet 1995 entre Me Gilles X..., en sa qualité de président du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Reims et Emmanuel X..., stipulait que ce dernier était engagé pour une durée de travail de 39 heures par semaine, donc à temps plein, cette présence et l'activité en résultant étant la contrepartie de la rémunération perçue ; qu'il apparaît nécessaire de rappeler, en réponse à diverses allégations des prévenus, tant devant le magistrat instructeur qu'à l'audience ou dans leurs écritures, qu'à supposer qu'Emmanuel X... possède les qualités humaines et professionnelles que lui prête son père, il n'en devait pas moins les mettre à plein temps au service de sa formation et de l'étude ; que lors d'une brève enquête effectuée en 1998 par un notaire, Me Christian A..., à la demande de la chambre départementale des notaires de la Marne, suite à diverses observations et protestations formulées par certains confrères de Me Gilles X..., il était apparu qu'Emmanuel X... n'avait pas eu un temps de présence à l'étude supérieur à une huitaine de jours sur ses deux années de stage, selon les déclarations de Me Y... et Z... et qu'il n'avait par ailleurs pas travaillé au conseil régional, à l'exception d'un travail d'une journée sur les statistiques ;

que les investigations menées lors de l'instruction ont fait apparaître que la présence d'Emmanuel X... à l'étude n'avait pas excédé quelques semaines ; que Me Z..., membre de la même société civile professionnelle que Me X... disait ne pas même avoir été prévenu de l'embauche d'Emmanuel X..., et ne l'avoir vu à l'étude qu'une dizaine de fois ; qu'il ajoutait qu'en plus de vingt cinq ans d'exercice de sa profession, c'était la première fois qu'il avait vu un stage se dérouler de la sorte ; que Mme B..., autre notaire stagiaire, indiquait n'avoir vu Emmanuel X... que trois fois à l'étude ;

que M. C..., autre notaire stagiaire, disait avoir travaillé à plusieurs reprises à l'étude avec Emmanuel X..., pour une durée totale qu'il estimait à un mois et demi ; que Me D..., autre associé de la société civile professionnelle, tout en affirmant avoir fait appel à Emmanuel X... sur une dizaine de dossiers et sur plusieurs projets d'organisation de l'étude et de gestion informatisée, disait qu'il lui était difficile de quantifier le temps passé par le stagiaire à effectuer les travaux ainsi confiés, et évaluait le temps de présence à l'étude à plusieurs semaines, sans pouvoir être plus précis ; que dans leurs déclarations respectives devant le juge d'instruction, Gilles et Emmanuel X... n'ont jamais indiqué une durée précise de présence à l'étude du premier, mais n'ont pas contesté que cette présence avait été réduite, en faisant état du défaut de place disponible dans les locaux, de l'absence de nécessité d'une présence régulière pour l'examen des dossiers dont le stagiaire était chargé, et même de l'accident de santé dont Me Gilles X... avait été victime peu après le recrutement de son fils, qui aurait amené celui-ci à se rendre souvent à son chevet à l'hôpital pour y travailler avec lui ; que tous deux soutiennent cependant qu'en dépit de cette faible présence à l'étude, Emmanuel X... aurait effectué différents travaux permettant de considérer qu'il aurait rempli son obligation ; qu'il convient d'observer qu'Emmanuel X..., bien qu'il ait lui-même affirmé au magistrat instructeur qu'il avait été habitué, dans son ancien métier de consultant au sein d'une société, à un

suivi du temps, ne produit aucun décompte du temps passé à ces différents travaux ; que les développements consacrés, dans les différents documents qu'il produit et notamment son rapport de stage, sur les travaux qu'il a effectués ne correspondent manifestement pas à une activité à plein temps pendant deux ans ; qu'il est ainsi suffisamment établi qu'Emmanuel X... n'a pas effectué son stage à temps plein, comme il y était tenu ; qu'Emmanuel X... a ainsi perçu du conseil régional des notaires un salaire mensuel ne correspondant pas à la prestation qu'il était tenu de fournir ; que Me Gilles X..., président de ce conseil, en n'imposant aucune contrainte à son fils et en assurant le versement de rémunération alors qu'il ne pouvait ignorer que les conditions de cette rémunération n'étaient que très insuffisamment remplies, a bien commis le délit de détournement de fonds qui lui est reproché" ;

"1 ) alors que, d'une part, la prévention visait le fait pour un clerc stagiaire d'avoir accompli pendant la période de stage des fonctions n'entrant pas dans le cadre du stage ; qu'en retenant que le détournement résultait du paiement d'un salaire à un clerc stagiaire qui n'avait effectué aucune activité pour le compte du cabinet dans lequel il effectuait son stage, la cour d'appel a modifié les termes de la prévention, sans l'accord préalable des prévenus ;

"2 ) alors que, d'autre part, l'article 432- 15 du Code pénal réprime le fait pour une personne chargée d'une mission de service public de détourner des fonds publics ou privés qui lui ont été remis en vertu de ses fonctions ou de sa mission ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé le fait que le recrutement d'un notaire stagiaire était intervenu dans le cadre d'une mission de service public dévolue au président du conseil régional des notaires ; qu'elle ne pouvait donc déduire de son affirmation, selon laquelle le président du conseil régional avait agi dans le cadre d'une mission de service public, que ce dernier avait rémunéré un stagiaire n'ayant effectué aucune réelle activité pour le cabinet dans lequel il avait été placé ;

"3 ) alors, qu'en outre, la mission du président du conseil régional consistant uniquement à recruter un stagiaire au nom du conseil régional et à le placer auprès d'un notaire, le fait d'avoir accepté que ce stagiaire ne travaille pas au cabinet n'était pas lié à la fonction de président du conseil régional du prévenu, mais à sa seule qualité d'employeur du stagiaire ; que dès lors, les fonds ne pouvaient pas être détournés dans le cadre de la mission de service public qui avait été confiée au prévenu, mais en sa seule qualité de bénéficiaire de la subvention de l'association ELAN ; qu'il en va d'autant plus ainsi, que les paiements sont effectués par le trésorier du conseil régional des notaires ; que ce faisant la cour d'appel ne pouvait considérer que le prévenu avait détourné des fonds qui lui avaient été remis en vertu de ses fonctions ou de sa mission en qualité de président du conseil régional des notaires ;

"4 ) alors qu'encore s'est contredite la cour d'appel qui a condamné le président du conseil régional des notaires pour avoir assuré la rémunération d'un stagiaire n'ayant pas travaillé pour le Conseil, tout en constatant par ailleurs que cette rémunération était assurée par l'association ELAN ; que la rémunération étant assurée par l'association, aucun détournement ne pouvait être imputé au prévenu en sa qualité de président du conseil régional des notaires ;

"5 ) alors qu'enfin, la cassation qui interviendra sur le délit de détournement de fonds par une personne chargée d'une mission de service public ne pourra qu'entraîner celle de l'arrêt en ce qu'il a condamné l'autre prévenu pour recel de cette infraction" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1, 432-12, 432-15 du Code pénal, 2, 3, 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus à indemniser le conseil régional des notaires ;

"aux motifs que, "il résulte de la procédure que la rémunération détournée a bien été versée à Emmanuel X... par le conseil régional, qui justifie par les pièces qu'il produit que le montant total de cette rémunération s'élève à 44 283,13 euros ; qu'en matière de restitution de l'indu, les intérêts moratoires ne courent en l'absence d'un préjudice particulier dont il n'est pas fait état en l'espèce, que du jour de la première demande de restitution ; que les intérêts sur la somme allouée ne courront qu'à compter du 28 septembre 2003, date de l'audience du tribunal correctionnel au cours de laquelle le conseil régional a présenté sa demande" ;

"alors que la constitution de partie civile n'est recevable que si elle émane d'une personne qui a personnellement subi un dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la rémunération du stagiaire était assurée par l'association ELAN ; que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire, et en tout état de cause, sans mieux s'en expliquer, retenir que le conseil régional des notaires, qui pouvait n'être qu'un intermédiaire entre le stagiaire et l'association, avait subi un préjudice correspondant au montant des rémunérations versées au stagiaire pendant deux ans" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Gilles X... coupable de détournement de fonds et Emmanuel X... de recel de ce délit, l'arrêt attaqué relève que ce dernier a perçu du conseil régional des notaires un salaire mensuel ne correspondant pas à la prestation qu'il était tenu de fournir ; que les juges énoncent que Gilles X..., président de ce conseil, "en n'imposant aucune contrainte à son fils et en assurant le versement de la rémunération, alors qu'il ne pouvait ignorer que les conditions de celle-ci n'étaient pas remplies, a commis le délit de détournement de fonds qui lui est reproché" ; qu'ils ajoutent que la rémunération détournée a été versée à Emmanuel X... par le conseil régional, qui justifie, par les pièces qu'il produit, que son montant total s'élève à 44 283,13 euros ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que Gilles X..., à qui avait été confiée par le CSN, établissement d'utilité publique, en sa qualité de président du conseil régional des notaires, également établissement d'utilité publique, la mission d'intérêt général de faciliter l'obtention de stages aux futurs notaires, avait la disposition de la dotation budgétaire allouée par ledit conseil, sur laquelle ont été prélevées les rémunérations versées à son fils, la cour d'appel a, sans excéder les limites de sa saisine, et par des motifs exempts de contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de détournement de fonds et recel dont elle a déclaré les prévenus coupables et a ainsi justifié l'allocation au profit du conseil régional des notaires, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-9 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Emmanuel X... à une peine complémentaire d'interdiction de profession de notaire pendant cinq ans ;

"alors que, Emmanuel X... qui n'était pas notaire au moment des faits mais seulement stagiaire, ce dernier n'ayant obtenu son diplôme que dans le courant de l'année 1998, la cour d'appel ne pouvait le condamner à l'interdiction d'exercer cette profession" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les délits de recel reprochés à Emmanuel X... ont été commis dans l'exercice de l'activité de notaire, peu important qu'il n'ait eu que la qualité de stagiaire ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois

FIXE à 1 500 euros la somme que Gilles X... et Emmanuel X... devront payer chacun à la chambre interdépartementale des notaires de la cour d'appel de Reims, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;