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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 30 octobre 2018, n° 17/02210

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

La Faucillette (SCCV)

Défendeur :

Société Nouvelle Sartor (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roehrich

Conseillers :

Mme Portmann, Mme Couturier

Avocats :

Me Chatteleyn, Me Bons

TGI Le Mans, du 25 oct. 2017

25 octobre 2017

FAITS ET PROCEDURE

La SCCV 'La Faucillette' a conclu avec la société nouvelle 'Sartor' un marché de travaux en vue de la construction de 26 logements individuels à la Flèche (72).

Ces travaux ont été réceptionnés sans réserve le 21 octobre 2015.

Par lettre recommandée du 13 avril 2017, la société Sartor a mis en demeure le maître de l'ouvrage d'avoir à lui payer le montant du solde des travaux soit une somme de 54'554 euros ainsi que le montant des retenues de garantie s'élevant à 2849, 92 euros soit un total de 57'403,92 euros.

En l'absence de paiement, la société 'Sartor' a fait assigner la société 'la Faucillette' devant le juge du tribunal de grande instance du Mans afin d'obtenir en référé sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile sa condamnation au paiement provisionnel de la somme de 57'403,92 euros outre une indemnité de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a également sollicité que soit justifiée une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil sous astreinte.

Par ordonnance de référé du 25 octobre 2017, la société 'la Faucillette' a été condamné :

- à payer à la société 'Sartor' une provision de 57 403,92 euros outre une indemnité de procédure de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à fournir à la société 'Sartor' une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant 90 jours, à compter d'un délai de 30 jours commençant à courir le jour de la signification de la présente ordonnance,

- aux entiers dépens.

La société 'La Faucillette' qui n'avait pas comparu devant le juge des référés, a fait appel le 22 novembre 2017 de la décision.

L'avis de clôture et de fixation a été rendue le 23 août 2018. L'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 10 septembre 2018.

Aux termes de ses écritures, dans des conclusions du 5 mars 2018 auxquelles il convient de se référer, la SCCV 'La Faucillette' conclut à la réformation de l'ordonnance et au débouté de la société 'Sartor' de l'ensemble de ses demandes.

À titre subsidiaire, elle soutient qu'il existe une contestation sérieuse s'opposant à ce qu'il soit fait droit aux demandes de la société Sartor laquelle doit être renvoyée à mieux se pourvoir.

En tout état de cause, elle conclut à la condamnation de la société Sartor au paiement d'une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle souligne que la société 'Sartor' n'établit pas la réalité de sa créance dès lors qu'aux termes du cahier des clauses administratives générales souscrit dans le cadre des marchés conclus, elle doit justifier du visa du maître d''oeuvre ce qu'elle ne fait pas.

Elle en déduit, que défaillante dans l'administration de la preuve de l'existence d'une créance, elle ne saurait légitimement exiger l'octroi d'une garantie.

Elle fait valoir en outre que des réserves ont été émises hors de la réception et qu'il existe des fissures sur les ouvrages réalisés de sorte qu'il existerait une contestation sur l'obligation à paiement du reliquat des sommes dues.

Constituée le 14 décembre 2017, la société Sartor n'a pas conclu au fond dans le délai d'un mois qui lui était imparti, courant à compter du dépôt des conclusions de son adversaire.

Elle a déposé le 3 avril 2018, des conclusions d'incident aux fins de radiation de l'appel pour défaut d'exécution de la décision de première instance qu'elle a présentées au conseiller de la mise en état alors que l'affaire était instruite selon les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Avisé du caractère manifestement irrecevable de cette demande saisissant un conseiller de la mise en état qui n'a pas été désigné, elle n'a pas présenté d'observations complémentaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions de l'article 809 du code de procédure civile :

'Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

La société 'La Faucillette' ne conteste pas l'existence et le montant des marchés de travaux confiés à la société 'Sartor'.

Elle estime toutefois que le paiement n'est pas dû dès lors que la société 'Sartor' n'a pas présenté à l'appui de sa demande des situations où des décomptes comportant le visa du maître d''oeuvre ainsi que le prévoiraient les stipulations du cahier des clauses administratives générales.

Sont produits aux débats les actes d'engagement liant la société nouvelle 'Sartor' à la SCCV 'La Faucillette' lesquels prévoient simplement que le maître de l'ouvrage se libérera des sommes dues par virement ou traite dans les 45 jours suivant l'envoi du projet décompte par l'entrepreneur au maître d''oeuvre.

L'absence de production de factures comportant le visa du maître d''oeuvre ne constitue pas en soi une contestation suffisante de l'obligation à paiement des travaux exécutés à charge du maître de l'ouvrage.

En effet, il n'est pas contesté que les travaux ont bien été exécutés puisqu'ils ont fait l'objet de procès-verbaux de réception lesquels signés le 21 octobre 2015 des trois parties (entrepreneur, maître de l'ouvrage, maître d''oeuvre ) sont produits aux débats.

Ils sont tous rédigés selon les modalités suivantes: 'après avoir procédé à l'examen détaillé des travaux exécutés par l'entreprise ci-dessus désignée, nous avons décidé de les recevoir considérant qu'ils ont été réalisés conformément aux documents contractuels du projet 'sans réserves'.

Sur les photocopies produites, la mention 'sans réserves' est barrée pour ce qui concerne le lot gros 'oeuvre, le lot enduit extérieur, le lot menuiseries extérieures PVC et métal et le lot menuiseries intérieures et extérieures bois. Il n'est pas raturé sur le procès-verbal de réception des travaux du lot escalier bois.

Il est justifié par la production de deux courriers adressés le 13 juillet 2015 et le 7 septembre 2015 par la SCCV 'La Faucillette' à l'entrepreneur que celle-ci s'est plainte de fissures apparues sur les maisons.

Dans un courrier du 7 décembre 2015 adressé par la société 'Sartor' à la SCCV 'La Faucillette' , la société 'Sartor' reconnaît l'existence de microfissures au nez de dalle ainsi que sur la maison numéro huit et s'engage à reprendre ces fissures au printemps après stabilisation des bâtiments.

Faisant état du défaut d'exécution de ces reprises, la société La Faucillette par lettre du 12 octobre 2016 a mis en demeure l'entrepreneur d'intervenir sous quinzaine.

Il convient d'observer qu'il n'est pas justifié de la persistance de désordres sur l'ensemble des autres lots à l'exception du lot gros oeuvre.

Il apparaît en effet au vu des pièces produites par la SCCV 'La Faucillette' qu'elle est intervenue le 2 novembre 2016 auprès de la société BTP banque, caution de l'entreprise 'Sartor' afin de faire bloquer la caution bancaire d'un montant de 34'863,40 euros pour le seul lot numéro deux : gros oeuvre.

Par ailleurs, la société 'la Faucillette' dans une assignation en paiement du solde du prix soit 135'202,15 euros délivrée à l'office public de l'habitat Sarthe habitat, acquéreur des maisons construites aux termes d'un acte de vente en l'état futur d'achèvement, si elle mentionne l'existence de fissures, relève qu'il s'agit de fissures en façades de nature purement esthétique ne justifiant pas le défaut de paiement du solde du prix.

Il n'est pas justifié non plus de l'existence d'une expertise judiciaire en cours.

En tout état de cause, l'obligation à paiement de la société La Faucillette n'apparaît pas sérieusement contestable dès lors que les travaux ont été réceptionnés depuis plus d'un an et que, l'entrepreneur bénéficiant d'une caution émanant d'un établissement financier, aucune retenue de garantie ne devait être pratiquée.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a condamné l'appelante à verser à l'intimée une provision de 57'403,92 euros au titre du solde du marché.

Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, que le maître de l'ouvrage doit garantir l'entrepreneur du paiement des sommes dues par un cautionnement solidaire consenti par un établissement crédit, une société de financement, une entreprise d'assurances ou un organisme de garantie collective.

Si cette obligation peut être exigée dès la signature du contrat d'entreprise et à tout moment de l'exécution du marché, il n'apparaît pas suffisamment justifié d'en exiger l'exécution après la réception et l'achèvement des travaux. L'ordonnance sera infirmée sur ce point.

Il n'apparaît pas justifié de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante supportera les entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance du 25 octobre 2017 sauf en ce qu'elle a condamné la SCCV 'La Faucillette' à fournir une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799'1 du code civil sous astreinte ;

L'infirme de ce chef,

Déboute la société Nouvelle Sartor de sa demande de condamnation de la société 'La Faucillette' à produire une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799'1 du code civil sous astreinte ;

Et ajoutant à l'ordonnance,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCCV 'La Faucillette' aux dépens d'appel.