Livv
Décisions

CA Lyon, 8e ch., 6 novembre 2012, n° 11/00735

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (Sté)

Défendeur :

VL Constructions (SARL), Belat-Desprat (SCP) (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vencent

Conseillers :

Mme Defrasne, Mme Zagala

Avocats :

SCP Laffly - Wicky, Me Thouzery, SCP Aguiraud Nouvellet, Selarl Veber & Associés Avocats, SCP Brondel Tudela, Selas CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon

TGI Bourg-en-Bresse, du 13 janv. 2011, n…

13 janvier 2011

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'un projet immobilier situé [...], la SCI CARRE TILLEUL, maître de l'ouvrage, a confié en 2008 à la SARL VL CONSTRUCTIONS des travaux portant sur le lot n°7 'métallerie-serrurerie'.

Le montant total du marché avec ses avenants a été arrêté à 217.335 € HT.

Antérieurement, dans le cadre du même projet immobilier, la SCI CARRE TILLEUL avait conclu avec la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES IMMOBILIÈRES, devenue COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, une convention, datée du 27 juin 2006, qui prévoyait une garantie d'achèvement et une garantie de paiement des entreprises intervenantes à hauteur de 8.000.000 €.

La SCI CARRE TILLEUL a réglé les situations de travaux n°1 et n°2 de la SARL VL CONSTRUCTIONS.

En mars et avril 2009, la SARL VL CONSTRUCTIONS a réclamé à trois reprises à la SCI CARRE TILLEUL la production d'une garantie de paiement concernant leur marché en application de l'article 1799-1 du code civil, puis, le 28 juillet 2009, sollicité directement auprès de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES la production de cette garantie mais sans résultat.

Entre temps, par jugement du 29 avril 2009, le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SCI CARRE TILLEUL et désigné maître SAPIN en qualité d'administrateur.

La SARL VL CONSTRUCTIONS a réclamé ensuite à ce mandataire le paiement de ses situations de travaux n°3, 4 et 5.

Par jugement du 6 avril 2010, le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE a converti la procédure de sauvegarde de la SCI CARRE TILLEUL en liquidation judiciaire et désigné la SCP BELAT - DESPRAT en qualité de liquidateur.

Le 26 avril 2010, la SARL VL CONSTRUCTIONS a produit au passif de la SCI CARRE TILLEUL à titre privilégié une créance de 178.351,37 € correspondant aux situations de travaux n°3 à 6.

Le 17 et 19 août 2010, la SARL VL CONSTRUCTIONS a fait assigner à jour fixe la SCI CARRE TILLEUL et la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS devant le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE afin d'obtenir sous peine d'astreinte la fourniture d'une garantie de paiement afférente à ses travaux ainsi que le règlement de la somme de 178.351,87 € correspondante aux situations de travaux n°3 à 6.

La SCP BELAT DESPRAT ès qualités a formé une demande incidente en garantie à l'encontre de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS.

Par jugement du 13 janvier 2011, le tribunal de grande instance a :

- condamné la SCP BELAT DESPRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL et la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à fournir à la SARL VL CONSTRUCTIONS la garantie de paiement afférente à ses travaux en exécution du marché du 12 mars 2008 et de ses avenants, pour un montant de 217.335 € HT,

- condamné la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à garantir la SARL VL CONSTRUCTIONS du paiement des situations de travaux n°3, 4, 5 et 6 pour un montant de 178.351,37 € TTC,

- condamné solidairement la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et la SCP BELAT DESPRAT ès qualités à payer à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 178.351,37 € TTC avec intérêts au taux légal,

- condamné in solidum la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et la SCP BELAT DESPRAT ès qualités à payer à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la SCP BELAT DESPRAT ès qualités sera relevée et garantie par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS des condamnations prononcées à son encontre du chef des situations de travaux n°3, 4, 5 et 6 et du chef de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné in solidum la SCP BELAT DESPRAT ès qualités et la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS aux dépens.

Le 1er février 2011, la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a interjeté appel de ce jugement.

L'appelante demande à la cour :

à titre principal :

- de constater le désistement d'instance et d'action de la SARL VL CONSTRUCTIONS à son encontre,

- de déclarer en conséquence l'action de la SARL VL CONSTRUCTIONS irrecevable pour défaut de droit d'agir,

subsidiairement au fond :

- de constater qu'elle n'a délivré aucune garantie au profit de la SARL VL CONSTRUCTIONS et de débouter cette dernière de ses prétentions à son encontre,

en tout état de cause :

- de condamner la SARL VL CONSTRUCTIONS à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement, majorées des intérêts au taux légal, plus cinq points sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- de condamner la SARL VL CONSTRUCTIONS à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure déloyale ainsi que la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique d'abord que dans le cadre d'une procédure de référé devant le président du tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE qui l'opposait à la SARL VL CONSTRUCTIONS pour les mêmes motifs qu'aujourd'hui, la SARL VL CONSTRUCTIONS s'est désistée de son instance et de son action de sorte qu'aucun juge ne peut plus statuer sur ses prétentions.

Elle ajoute que cette procédure de référé faisait suite à un autre référé dans lequel la SCI CARRE TILLEUL, en litige sur la garantie de paiement avec une autre entreprise,, la société EPAC, lui avait réclamé l'application de cette garantie mais que la cour d'appel de LYON par un arrêt du 17 juin 2010 a rejeté la demande en raison d'une contestation sérieuse, motif pris que le plafond de garantie stipulé à la convention du 27 juin 2010 était atteint en suite à la délivrance des diverses garanties de paiement au profit des autres entrepreneurs.

Sur le fond, elle soutient que la garantie réclamée n'existe pas au motif :

- que la convention du 27 juin 2006 comporte une enveloppe plafonnée à 8.000.000 € et impose une procédure pour souscrire une garantie au bénéfice d'une entreprise,

- que le maître de l'ouvrage n'a pas demandé cette garantie pour la SARL VL CONSTRUCTIONS et a, au contraire, passé un avenant avec elle pour pallier son absence,

- que la garantie étant nominative aucune novation de la convention n'a pu avoir lieu au profit de la SARL VL CONSTRUCTIONS,

- que la SARL VL CONSTRUCTIONS, de son côté, a accepté de commencer les travaux sans avoir obtenu de garantie et y a renoncé par la suite,

- que les dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil s'imposent exclusivement au maître de l'ouvrage dans ses rapports contractuels avec les entreprises alors que la liberté contractuelle est de règle entre le maître de l'ouvrage et le garant.

La SARL VL CONSTRUCTIONS demande de son côté à la cour :

- de confirmer le jugement querellé,

- de constater que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a acquiescé à ses demandes au sens de l'article 408 du code de procédure civile,

- de dire en conséquence que les arguments présentés par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS constituent autant de prétentions nouvelles, irrecevables en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du même code,

- de condamner in solidum la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et la SCP BELAT DESPRAT ès qualités de liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL aux dépens ainsi qu'au paiement de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait d'abord valoir que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS s'était contentée devant le premier juge de soulever l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance et n'avait pas conclu sur le fond, ce qui constitue un acquiescement à l'ensemble de ses demandes.

Elle en déduit que l'argumentation développée sur le fond par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS devant la cour est constitutive de prétentions nouvelles et comme telles irrecevables.

Par ailleurs, elle conteste le désistement d'instance et d'action qui lui est opposé à l'occasion de l'audience de référé du 20 juillet 2010 devant le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE en expliquant que l'audience de référé ne constate qu'un désistement d'instance et qu'en toute hypothèse l'action en référé et l'action au fond n'ont pas le même objet.

Sur le fond, elle fait valoir :

- que l'obligation de délivrance de la garantie de paiement de l'article 1799-1 du code civil est d'ordre public, naît de la signature du contrat, peut être réclamée en cours d'exécution, porte sur l'intégralité des sommes dues dans le cadre du marché sans aucune discrimination entre les entreprises,

- qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations,

- que la SCI CARRE TILLEUL a bien souscrit une garantie de paiement auprès de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS qui s'applique nécessairement à son marché, sans aucune autre formalité,

- que le garant est tenu au paiement sur les seuls justificatifs présentés par l'entrepreneur que sa créance est certaine, liquide, exigible et que le maître de l'ouvrage est défaillant, ce qui est le cas de l'espèce,

- que le plafond de garantie de 8.000.000 € opposé par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS est inopérant, ce d'autant moins que le garant a renoncé à ce plafond en s'engageant à ce jour à hauteur de 9.149.223 €,

- qu'en toute hypothèse, le montant total des sommes effectivement réclamées par les entreprises à ce jour n'atteint pas les 8.000.000 €.

La SCP BELAT DESPRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL demande à la cour :

- de confirmer le jugement querellé,

- de rejeter les demandes formées à l'encontre de la SCI CARRE TILLEUL,

subsidiairement et à titre reconventionnel :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à relever et garantir la SCI CARRE TILLEUL de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- de condamner la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS aux dépens ainsi qu'au paiement de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que la SCI CARRE TILLEUL a bien satisfait à son obligation légale de souscrire une garantie de paiement,

- que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a délivré à la plupart des entreprises des attestations de garantie de paiement, pour un montant total de 9.149.923 € mais n'a pas délivré d'attestations à la SARL VL CONSTRUCTIONS en dépit des réclamations du maître de l'ouvrage,

- que le plafond de 8.000.000 € n'est pas applicable au maître de l'ouvrage ni à la SARL VL CONSTRUCTIONS dès lors que la garantie de paiement doit couvrir l'intégralité du marché,

- que le mandataire judiciaire de la SCI CARRE TILLEUL a poursuivi le marché en pensant légitimement que la garantie de paiement souscrite le 27 juin 2010 couvrait la totalité de son montant et qu'il n'a pas à supporter les conséquences de la défaillance du garant.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur l'acquiescement au jugement opposé à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

Attendu que l'acquiescement au jugement visé par l'article 409 du code de procédure civile doit toujours résulter de l'intention non équivoque de la partie à laquelle on l'oppose d'accepter le bien-fondé de l'action ;

Qu'en l'espèce, le fait que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, devant le premier juge, ait conclu in limine litis à l'incompétence du tribunal de grande instance sans développer de moyens sur le fond ne peut suffire à caractériser la volonté non équivoque d'acquiescer au jugement ;

Que la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement ne peut donc prospérer ;

2) Sur les prétentions de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS devant la cour

Attendu qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;

Qu'en l'espèce, les demandes de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS tendant à voir déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les prétentions de la SARL VL CONSTRUCTIONS constituent des moyens de défense aux prétentions adverses, lesquels sont recevables ;

Qu'est également recevable sur le fondement de l'article 566 du même code la demande en paiement de dommages-intérêts qui est l'accessoire ou le complément de la défense opposée à la demande principale ;

3) Sur le désistement d'action opposé à la SARL VL CONSTRUCTIONS

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance de référé rendue le 20 juillet 2010 entre la SARL VL CONSTRUCTIONS d'une part, la SCP BELAT DESPRAT ès qualités et la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS d'autre part que la SARL VL CONSTRUCTIONS s'est désistée de cette procédure de référé, le juge ayant mentionné dans le corps de l'ordonnance qu'elle se désistait de son action, puis dans le dispositif, ayant donné acte au demandeur de son désistement, sans autre précision, et aux défendeurs de leur acceptation alors que le désistement d'action à la différence du désistement d'instance n'a pas à être accepté ;

Que cette ambiguïté ne permet pas d'affirmer que la SARL VL CONSTRUCTIONS s'est désistée à la fois de son instance et de son action ;

Que par ailleurs, l'action en référé destinée à obtenir la condamnation à titre provisoire du défendeur au paiement d'une provision n'a pas le même objet que l'action au fond qui consiste à obtenir une condamnation définitive pour l'intégralité de la créance, de sorte que la constatation d'un désistement en référé-provision n'emporte pas renonciation à l'action en paiement au fond ;

Que la fin de non-recevoir opposée à la SARL VL CONSTRUCTIONS doit en conséquence être écartée ;

4) Sur le fond

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1799-1 du code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut le marché de travaux privé doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues, cette garantie pouvant être sollicitée à tout moment en cours d'exécution du marché ; que lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une entreprise d'assurances ou un organisme de garantie collective ;

Attendu qu'en l'espèce la SCI CARRE TILLEUL, tenue en tant que maître de l'ouvrage de fournir une garantie de paiement aux entreprises travaillant sur le chantier s'est adressée à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS qui par convention du 27 juin 2006 a donné son accord pour fournir, d'une part, une garantie d'achèvement et d'autre part, une garantie de paiement des entreprises plafonnée à hauteur de 8.000.000 €, moyennant le paiement d'une prime de 1 % du marché garanti TTC par utilisation, payable par chèque au plus tard le jour de la délivrance de l'acte ;

Qu'après signature des marchés avec les entreprises, la SCI CARRE TILLEUL a communiqué plusieurs de ses marchés à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS qui s'est engagée par acte séparé à se constituer caution solidaire du maître de l'ouvrage pour le paiement des sommes dues par lui à l'entrepreneur concerné à concurrence du montant du marché déduction faite des acomptes ;

Que le marché conclut avec la SARL VL CONSTRUCTIONS cependant n'a pas fait l'objet de cette communication et de ces engagements de garanties nominatives ;

Que la SARL VL CONSTRUCTIONS, préalablement à l'exécution des travaux, a réclamé à plusieurs reprises en mars et avril 2009 une garantie de paiement à la SCI CARRE TILLEUL puis en juillet 2009, à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, sans obtenir aucun résultat ;

Attendu que le seul fait que la SARL VL CONSTRUCTIONS ait débuté ses travaux sans avoir obtenu une attestation de garantie de paiement ne permet pas d'affirmer qu'elle aurait renoncé à cette garantie, étant noté au surplus aux termes de l'article 1799-1 du code civil l'entrepreneur conserve la faculté de poursuivre ou non l'exécution du contrat lorsqu'aucune garantie n'a été fournie et lorsque les travaux sont impayés ;

Attendu que l'obligation de délivrance de la garantie de paiement de l'article 1799-1 du code civil, qui est d'ordre public et porte sur l'intégralité du prix convenu au titre du marché et de ses avenants est une obligation imposée par la loi exclusivement au maître de l'ouvrage ;

Qu'en l'espèce, pour exécuter cette obligation, la SCI CARRE TILLEUL a contracté auprès de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS une garantie plafonnée à 8.000.000 € au profit de l'ensemble des entreprises intervenantes ;

Que toutefois dans la procédure suivie pour identifier les entreprises et les montants de leurs marchés respectifs auprès du garant elle a omis la SARL VL CONSTRUCTIONS ;

Attendu qu'il résulte du tableau des GPME délivré par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS que le plafond de 8.000.000 € constituant les limites du cautionnement solidaire consenti par cette dernière est désormais atteint et même dépassé puisque les garanties de paiement accordées au profit d'entreprises autres que la SARL VL CONSTRUCTIONS s'élèvent à 9.149.923,89 € ;

Que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS en vertu de la convention du 27 juin 2006 conclue avec le maître de l'ouvrage ne peut être tenue au-delà du plafond de 8.000.000 €, de sorte qu'à ce jour le maître de l'ouvrage ne saurait revendiquer une garantie supplémentaire auprès de sa cocontractante ni la SARL VL CONSTRUCTIONS une quelconque obligation à garantie de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS ;

Que s'il est exact que le plafond a été dépassé, cette circonstance n'implique pas pour autant l'engagement de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de garantir le montant d'un marché dont elle n'avait pas connaissance ;

Attendu en conséquence que les demandes formées à son encontre, tant par la SARL VL CONSTRUCTIONS que par la SCP BELAT DESPRAT, ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL, doivent être rejetées ;

Attendu que dans ce contexte la demande formulée par la SARL VL CONSTRUCTIONS tendant à voir condamner la SCP BELAT DESPRAT ès qualités avec la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à fournir la garantie de paiement afférente au montant de son marché et de ses avenants ne peut prospérer et qu'il y a lieu seulement pour la cour de condamner la SCP BELAT DESPRAT ès qualités à payer à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 178.351,37 € TTC correspondant aux situations de travaux impayés n°3 à 6, étant acquis aux débats que cette créance non contestée est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SCI CARRE TILLEUL ;

Attendu que le présent arrêt entraînant de plein droit l'obligation pour la SARL VL CONSTRUCTIONS de restituer à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS les sommes qu'elle a pu percevoir en exécution du jugement, qu'il n'est pas nécessaire pour la cour d'ordonner leur remboursement ;

Que les sommes dues à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS produiront intérêts au taux légal et qu'il n'y a pas lieu de faire application du taux majoré de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure introduite par la SARL VL CONSTRUCTIONS ne peut être qualifiée d'abusive ou de déloyale au vu des circonstances de la cause et que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SCP BELAT DESPRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL ;

Que ce mandataire devra également régler à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée sur ce même fondement par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à l'encontre de la SARL VL CONSTRUCTIONS, ni à celle de la SCP BELAT DESPRAT ès qualités ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable.

Rejette les moyens tirés du désistement d'action de la SARL VL CONSTRUCTIONS et de l'acquiescement au jugement de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS.

Infirme le jugement querellé et statuant à nouveau :

Déboute la SARL VL CONSTRUCTIONS et la SCP BELAT DESPRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL de leurs prétentions à l'encontre de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS.

Déboute également la SARL VL CONSTRUCTIONS de sa demande tendant à obtenir la fourniture par la SCP BELAT DESPRAT ès qualités et par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS d'une garantie de paiement afférente à son marché et ses avenants.

Condamne la SCP BELAT DESPRAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI CARRE TILLEUL à payer à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 178.351,37 € TTC avec intérêts au taux légal.

Condamne la SCP BELAT DESPRAT ès qualités à payer à la SARL VL CONSTRUCTIONS la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes des parties formées sur ce même fondement.

Condamne la SCP BELAT DESPRAT ès qualités aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.