Cass. 3e civ., 9 septembre 2009, n° 07-21.225
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
Mme Lardet
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1799-1 du code civil ;
Attendu que le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ; que lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 septembre 2007, RG n° 06/01303), que, membre du groupe Hôtelier JJ World Hôtels & Ressort propriétaire d'un hôtel dénommé "Médian Paris Congrès", la société Médian, maître de l'ouvrage, a confié à la société Epsilone la rénovation des chambres de cet hôtel ; que trois ordres de services d'un montant respectif toutes taxes comprises de 145 515,06 euros, 547 355,39 euros et 156 178,93 euros, ont été signés le 8 décembre 2004 fixant le début des travaux le 27 décembre 2004, la livraison en plusieurs tranches, et stipulant "que la commande ne sera validée qu'après réception de la caution bancaire fournie par la société Epsilone pour un montant total de 709 907,51 euros" ; que les travaux n'ont pas commencé à la date prévue, la Banque française ayant, dans une lettre du 29 décembre 2004, précisé à la société Epsilone qu'elle pourrait émettre des cautions mais que le comité des engagements aurait à valider son dossier lors de sa session de janvier 2005 ; que la société JJ France Hôtel Ressort (société JJ France), maître d'oeuvre et interlocuteur de la société Epsilone, a, par lettre du 4 janvier 2005, reporté au 14 janvier 2005 la fourniture des cautionnements ; que la société Epsilone a informé cette société que la Banque française exigeait également pour donner son accord que le maître de l'ouvrage fournisse un cautionnement solidaire garantissant le paiement des marchés dans les termes de l'article 1799-1 du code civil ; que, par lettre du 17 janvier 2005, la société JJ France a notifié à la société Epsilone la caducité des ordres de services, le délai de réalisation des conditions suspensives étant expiré et aucune caution bancaire nayant été fournie ; qu'invoquant la rupture unilatérale abusive du contrat, la société Epsilone a assigné en paiement de divers acomptes et de dommages-intérêts la société Médian, qui, par voie reconventionnelle, a sollicité la résolution judiciaire de ce contrat ; que la société JRT services vient aux droits de la société Epsilone, devenue ensuite Impex ensemblier ;
Attendu que pour rejeter les demandes de l'entrepreneur, l'arrêt retient que la fourniture de la garantie de paiement a été demandée par la Banque française postérieurement à la signature des ordres de services, dans une lettre du 11 janvier 2005, en contrepartie du projet de caution à délivrer à la société Epsilone, que dès le 4 janvier 2005, la société Médian s'est prévalue de la caducité des ordres de services, que la prorogation du délai d'obtention de la caution, dans l'intérêt de l'entrepreneur, consentie par la société Médian jusqu'au 14 janvier 2005 ne saurait aggraver les engagements de cette dernière, et que du fait de la non-réalisation de la condition suspensive, le marché de travaux est censé n'avoir jamais existé en sorte qu'est inopérante l'argumentation de l'entrepreneur selon laquelle, d'une part, l'absence de garantie de paiement de l'article 1799-1 du code civil lui permettait de suspendre l'exécution du contrat sur le fondement de l'exception d'inexécution, d'autre part, il serait légitime de sa part de demander au maître de l'ouvrage la fourniture de cette garantie obligatoire avant de fournir lui-même un cautionnement purement facultatif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du code civil, auxquelles les parties ne peuvent déroger, que le maître de l'ouvrage est débiteur de l'obligation de garantie dès la signature du marché, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société Médian avait satisfait à cette obligation dont l'exécution lui avait été demandée par l'entrepreneur avant que le contrat ne soit devenu caduc, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.