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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 14 septembre 2017, n° 15/09304

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Multipose Service (SARL)

Défendeur :

Gaec Geffroy le Gallou (Sté), David (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hubert

Conseillers :

Mme Delapierregrosse, Mme Gros

Avocats :

Me Guegan, Me Ergan

CA Rennes n° 15/09304

13 septembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Le 17 avril et le 14 mai 2012, le GAEC GEFFROY LE GALLOU a confié à la SARL MULTIPOSE SERVICE la construction d'un bâtiment à usage de stabulation au prix de 79'073,54 euros TTC moyennant le versement d'un acompte de 30 % à la commande ;

Les travaux ont commencé en avril 2012 et un acompte de 24'000 € a été versé ainsi que deux autres d'un total de 30'000 €.

Le 30 juin 2012, la SARL MULTIPOSE SERVICE a présenté la facture du montant total des travaux en cours.

Le 5 septembre 2012 un protocole a été signé prévoyant l'achèvement des travaux moyennant l'envoi d'un chèque de banque de 35'310,32 euros.

La SARL MULTIPOSE SERVICE refusant d'intervenir sur le chantier à compter du 2 juillet 2012 à défaut de paiement de la totalité du montant des travaux, et le GAEC GEFFROY LE GALLOU invoquant l'arrêt injustifié du chantier, la surfacturation des travaux ainsi que des désordres, une mesure d'expertise judiciaire a été confiée par le juge des référés à Monsieur B. le 2 mai 2013.

L'expert a déposé son rapport le 4 juillet 2015.

Par acte du huissier du 14 octobre 2015, le GAEC GEFFROY LE GALLOU a fait assigner la SARL MULTIPOSE SERVICE aux fins, à titre essentiel, de la voir condamner à réaliser les travaux décrits par l'expert judiciaire en pages 17 à 19 de son rapport dans un délai maximal d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir puis sous astreinte de 100 € par jour de retard, et de l'entendre condamner à lui payer la somme provisionnelle de 8814,94 euros.

Par ordonnance rendue le 19 novembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Brieuc a tribunal a

- DONNÉ ACTE à la société MULTIPOSE SERVICE de son offre d'achever les travaux énumérés en page 17 à 19 du rapport d'expertise de Monsieur BOURGES entre le 1er janvier et le 29 février 2016, au besoin, l'y CONDAMNONS ;

- DIT que, faute pour la société MULTIPOSE SERVICE d'avoir achevé intégralement ces travaux à cette date, elle encourra une astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 1er mars 2016 et ce pendant deux mois ;

- s'est RÉSERVÉ la liquidation de l'astreinte ;

- CONDAMNÉ à la société MULTIPOSE SERVICE à payer à titre provisionnel au GAEC GEFFROY LE GALLOU la somme de 8814,94 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

- CONDAMNÉ la société MULTIPOSE SERVICE à payer au GAEC GEFFROY LE GALLOU la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DÉBOUTÉ la société MULTIPOSE SERVICE de sa demande de consignation ;

- CONDAMNÉ la société MULTIPOSE SERVICE aux dépens.

La SARL MULTIPOSE SERVICE a interjeté appel de cette ordonnance le 3 décembre 2015.

Les parties ont conclu.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 17 mai 2016 de la SARL MULTIPOSE SERVICE qui demande à la cour de

vu les articles 563 et suivants, 695 et suivants et 809 du code de procédure civile,

vu l'article 1799-1 du code civil,

vu les articles L. 421-1 et suivants, L. 480-1 et suivants et R. 424-17 et R. 421-32 du code de l'urbanisme ;

- réformer l'ordonnance de référé rendu par le tribunal grande instance de Saint Brieuc le 19 novembre 2015 (minute numéro 15/98) ;

Statuant à nouveau,

- Donner acte à la société MULTIPOSE SERVICE de son accord pour réaliser les travaux préconisés par Monsieur BOURGES dans son rapport d'expertise judiciaire du 5 juillet 2015;

- Condamner le GAEC GEFFROY LE GALLOU à consigner la somme de 35'310,32 euros TTC, correspondant au solde du marché, entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Saint Brieuc, ou à défaut, à fournir un cautionnement solidaire d'un montant correspondant, consentie par un établissement de crédit, préalablement au commencement des travaux par la société MULTIPOSE SERVICE ;

- Ordonner que le GAEC GEFFROY LE GALLOU justifie de l'obtention d'un nouveau permis de construire préalablement à la reprise des travaux par la société MULTIPOSE SERVICE ;

- Dire et juger que les travaux seront à réaliser dans des délais de deux mois à compter de la justification de la consignation de la fourniture de la garantie précitée et de la justification de l'obtention d'un nouveau permis de construire ;

Pour le surplus,

- Déboueré le GAEC GEFFROY LE GALLOU de ses demandes, fins ou conclusions.

L'argumentation de la SARL MULTIPOSE SERVICE est pour l'essentiel la suivante :

- pour exiger que la société MULTIPOSE SERVICE achève les travaux prévus contractuellement, le GAEC GEFFROY LE GALLOU doit procéder à la consignation du solde du marché à hauteur de 35'310,32 euros TTC ou fournir un cautionnement conformément aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil ; cette obligation n'est pas sérieusement contestable ; la compensation éventuelle future avec une créance du maître d'ouvrage n'exonère pas celui-ci de fournir la garantie de paiement prévue par ce texte ;

- le permis de construire ayant été délivré le 25 mars 2009 et les travaux arrêtés depuis le 2 juillet 2012, c'est-à- dire depuis plus d'un an, il est périmé ; avant tous travaux le GAEC GEFFROY LE GALLOU devra justifier de l'obtention d'un nouveau permis de construire sous peine de s'exposer à des sanctions pénales ; cette demande n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au juge des référés ;

- la somme de 8814,94 euros correspond à des dépens dont la charge ne pourra être tranchée qu'ultérieurement par le juge du fond.

Vu les conclusions en date du 30 septembre 2016 de Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du au GAEC GEFFROY LE GALLOU qui demande à la cour de :

- Donner acte à Maître Daniel DAVID de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU ;

- Déclarer la SARL MULTIPOSE SERVICE irrecevable et en tout état de cause mal fondée en son appel ;

- Débouter la SARL MULTIPOSE SERVICE de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la SARL MULTIPOSE SERVICE à payer à Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du au GAEC GEFFROY LE GALLOU la somme de 3000 € titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL MULTIPOSE SERVICE aux entiers dépens.

Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU soutient pour l'essentiel que :

- la consignation n'est pas prévue par l'article 1799-1 du Code civil ; le cautionnement solidaire n'est pas dû puisque la SARL MULTIPOSE SERVICE ne prouve pas n'être pas payée des travaux déjà réalisés ;

- la demande de nouveau permis de construire est irrecevable comme nouvelle en appel ; la péremption du permis de construire n'est pas prouvée et la société MULTIPOSE SERVICE n'allègue pas qu'elle lui a été révélée après l'ordonnance dont appel ; en raison d'un retard de six jours dans l'envoi du chèque de banque de 35'310,32 euros le 26 septembre 2012, la société MULTIPOSE SERVICE s'oppose à la poursuite des travaux depuis l'été 2012 ; elle est donc responsable de l'éventuelle péremption du permis de construire.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les conditions posées par la société MULTIPOSE SERVICE préalablement aux travaux préconisés par l'expert

La SARL MULTIPOSE SERVICE ne remet pas en cause devant la cour l'engagement dont il lui a été donné acte par le premier juge d'achever les travaux énumérés en page 17 à 19 du rapport d'expertise de Monsieur BOURGES. Elle demande seulement que soient préalablement appliquées les dispositions de l'article 1799-1 du Code civil et que soit délivré un nouveau permis de construire.

L'article 1799-1 du code de civil est un texte d'ordre public qui oblige le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privés visé au 3° de l'article 1799 sans avoir recouru un crédit à garantir l'entrepreneur par un cautionnement solidaire.

L'acte générateur de l'obligation de garantie de paiement est la conclusion du marché. L'obligation de délivrance de la garantie n'est donc pas subordonnée à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible au titre de travaux impayés mais à la seule conclusion d'un marché de travaux privé. La garantie prévue à l'article 1799-1 du code civil peut être sollicitée du maître de l'ouvrage, à tout moment, même en cours d'exécution du contrat tant que le marché n'a pas été entièrement soldé.

En l'espèce, le GAEC GEFFROY LE GALLOU ne conteste pas l'absence de garantie de paiement depuis la conclusion des marchés conclus avec la SARL MULTIPOSE SERVICE.

Le paiement des travaux déjà effectués ne l'exonère pas de son obligation de cautionnement solidaire à hauteur du montant des travaux restant à réaliser dans le cadre de ses marchés dont, sur la base du rapport d'expertise de Monsieur BOURGES, les parties ne contestent pas qu'il s'élève à la somme de 35'310,32 euros.

La possibilité d'une compensation future avec une créance du maître de l'ouvrage, même certaine en son principe, ne dispense pas celui-ci de l'obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché.

L'article 1799-1 du Code civil d'ordre public ne prévoit pas la possibilité d'une consignation du solde du marché à titre de garantie et Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU ne propose pas une telle consignation.

En conséquence, la cour, par voie d'infirmation, condamnera donc Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU à fournir, préalablement au commencement des travaux, un cautionnement solidaire à hauteur de 35'310,32 euros consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective dans les conditions prévues à l'article 1799-1 du Code civil et au décret 99-658 du 30 juillet 1999.

Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU soulève l'irrecevabilité de la demande de délivrance d'un nouveau permis de construire préalablement à l'engagement des travaux prévus par l'expert judiciaire et, sur le fond, conteste la péremption du permis de construire initial.

En application des articles 564 et 565 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est, notamment, pour faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait, ou si ces prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou si elles étaient virtuellement comprises dans les demandes qui lui ont été soumises ou si elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

La demande tendant à voir soumettre l'engagement des travaux à la délivrance d'un nouveau permis de construire du fait de la péremption de celui délivré le 25 mars 2009 n'est ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément des demandes présentées devant le juge des référés par la SARL MULTIPOSE SERVICE qui a exprimé son accord pour réaliser les travaux prescrits par l'expert et a seulement sollicité reconventionnellement la consignation du solde du marché.

Par ailleurs, en application de l'article R.124-17 du code de l'urbanisme, le permis de construire est périmé si, passé le délai de trois ans à compter de sa notification, « les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. »

La SARL MULTIPOSE SERVICE ne conteste pas que le chantier a été interrompu le 2 juillet 2012, c'est-à- dire plus de trois années après la notification du permis de construire. La péremption serait donc intervenue depuis le 2 juillet 2013, c'est-à- dire plus de deux ans avant l'ordonnance déférée.

Elle ne peut donc soutenir que cette péremption constitue un fait révélé postérieurement à cette décision.

La cour déclarera donc irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la SARL MULTIPOSE SERVICE tendant à soumettre le commencement des travaux à la justification de l'obtention d'un nouveau permis de construire.

Sur la demande provisionnelle présentée par Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU

La SARL MULTIPOSE SERVICE conteste la décision du premier juge l'ayant condamnée à titre provisionnel à payer au GAEC GEFFROY LE GALLOU la somme de 8814,94 euros correspondant aux émoluments de l'expert judiciaire.

En application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Aucun texte n'exclut des pouvoirs du juge des référés une demande provisionnelle à hauteur du montant de la rémunération de l'expert judiciaire alors qu'il est admis que le juge des référés a le pouvoir, sur le fondement de l'article 809 alinéa 2 d'accorder une provision pour frais d'instance.

En l'espèce, par des motifs pertinents adoptés par la cour, le premier juge a considéré qu'au vu du rapport d'expertise judiciaire, la surfacturation, l'abandon de chantier et les désordres affectant les ouvrages réalisés, l'obligation, pour la société MULTIPOSE SERVICE d'assumer à titre provisionnel

la charge des frais d'expertise judiciaire n'est pas sérieusement contestable.

La cour confirmera donc l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel la société appelante à la somme de 8814,94 euros correspondant à l'ordonnance de taxe du 26 août 2015.

Sur les autres demandes

Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU succombant en ce que le GAEC est tenue par le présent arrêt, préalablement aux travaux, de fournir un cautionnement solidaire, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

DONNE acte à Maître Daniel DAVID de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU ;

CONFIRME l'ordonnance rendue le 19 novembre 2015 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Brieuc SAUF en ce qu'elle a débouté la SARL MULTIPOSE SERVICE de sa demande de cautionnement solidaire et SAUF A PRÉCISER que les travaux énumérés par l'expert en pages 17 à 19 de son rapport devront être réalisés par la SARL MULTIPOSE SERVICE dans les deux mois à compter de la justification du cautionnement solidaire ordonné par le présent arrêt puis, à l'expiration de ce délai, sous une astreinte de 200€ par jour de retard pendant deux mois qui sera liquidée par le juge des référés du tribunal de grande sens de Saint Brieuc ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la SARL MULTIPOSE SERVICE tendant à soumettre le commencement des travaux à la justification de l'obtention d'un nouveau permis de construire ;

CONDAMNE Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU à justifier, préalablement au commencement des travaux par la société MULTIPOSE SERVICE, d'une garantie par cautionnement solidaire d'un montant de 35'310,32 euros dans les conditions prévues à l'article 1799-1 du Code civil et au décret 99-658 du 30 juillet 1999 ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires en ce compris leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Maître Daniel DAVID ès qualités de liquidateur du GAEC GEFFROY LE GALLOU au paiement des entiers dépens d'appel.