CA Versailles, 13e ch., 2 février 2017, n° 15/05096
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile-de-France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rachou
Conseillers :
Mme Guillou, Mme Dubois-Stevant
FAITS ET PROCEDURE,
Le 9 mars 2005 la SNC Le Bistrot des Metz a ouvert un compte courant dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France (ci-après "la Caisse d'épargne") qui lui a consenti le 12 avril 2005 un prêt d'un montant de 217.000 € avec intérêts au taux de 3,70 % destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce garantie par la caution solidaire des deux associés et co-gérants, MM. X et Y, dans la limite de 282.100 €.
Le 9 décembre 2009, la Caisse d'épargne a consenti à la société Le Bistrot des Metz un second prêt d'un montant de 33.000 € avec intérêts au taux de 4,30 % destiné à financer un besoin en trésorerie. Par actes séparés du même jour, MM. X et Y se sont portés cautions solidaires de la société en garantie de ce prêt dans la limite de 42.900 €.
Le 31 août 2011, M. Y a cédé la totalité de ses parts et M. X est demeuré seul gérant de la société.
La liquidation judiciaire de la société Le Bistrot des Metz a été prononcée le 4 février 2014 et la Caisse d'épargne a déclaré ses créances pour un montant de 1.285,18 € au titre du compte courant, de 37.804,81 € au titre du premier prêt et de 15.849,44 € au titre du second prêt. Les créances ont été admises au passif sans contestation et inscrites sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 31 mars 2015.
Après avoir vainement mis en demeure MM. X et Y par lettres du 25 avril2014, la Caisse d'épargne les a assignés en paiement devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement du 5 juin 2015 assorti de l'exécution provisoire, a :
- constaté l'absence de MM. X et Y ;
- débouté la Caisse d'épargne de sa demande concernant le compte courant ;
- condamné MM. X et Y à payer chacun à la Caisse d'épargne la somme de 13.802,75 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2014, pour les deux prêts ;
- dit que la somme recouvrée ne pourra excéder 13.802,75 € outre les intérêts légaux ;
- ordonné la capitalisation des intérêts, la première capitalisation intervenant le 25 avril 2015 ;
- condamné MM. X et Y à payer chacun à la Caisse d'épargne la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La Caisse d'épargne a fait appel du jugement.
La déclaration d'appel a été signifiée à M. X par acte délivré le 17 août 2015 avec remise de l'acte à l'étude de l'huissier de justice. Il n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 24 décembre 2015 et signifiées à M. X le 4 janvier 2016 à domicile avec remise de l'acte à l'étude de l'huissier de justice, la Caisse d'épargne demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant mis à la charge de MM. C. diverses sommes ;
- de débouter MM. C. de leurs demandes et fin de non-recevoir ;
- de se déclarer incompétente s'agissant de la demande de mainlevée de l'inscription
d'hypothèque judiciaire provisoire prise sur le bien immobilier de M. Y ;
- en conséquence, de condamner solidairement MM. C. à lui payer :
- en leur qualité d'associés de la société Le bistrot des Metz, au titre du compte courant la somme de 1.285,18 €, outre les intérêts au taux contractuel de 12,60% à compter du 10 avril 2014, date de la déclaration de créances,
- en leur qualité de caution et en leur qualité d'associé, au titre du premier prêt la somme de 37.804,81 €, outre les intérêts au taux contractuel de 3,70% majoré des pénalités de trois points, soit 6,70%, à compter du 25 avril 2014, date de la mise en demeure,
- en leur qualité de caution et en leur qualité d'associé, au titre du second prêt la somme de 15.849,44 €, outre les intérêts au taux contractuel de 4,30% majoré des pénalités de trois points, soit 7,30%, à compter du 25 avril 2014, date de la mise en demeure,
- de dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil ;
- de condamner solidairement MM. C. à lui payer la somme 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 octobre 2016, M. Y demande à la cour :
- à titre principal :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne de sa demande au titre du compte courant,
- de dire et juger irrecevable la Caisse d'épargne en ses demandes nouvelles de condamnation à son encontre en qualité d'associé de la société Le bistrot des Metz au titre des deux prêts, subsidiairement, de débouter la Caisse d'épargne de ses demandes de condamnation à son encontre en qualité d'associé de la société Le bistrot des Metz au titre des deux prêts,
- de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la Caisse d'épargne la somme de 13.802,75 €, en sus les intérêts calculés au taux légal à compter du 25 avril 2014, au titre des deux prêts, et, statuant à nouveau, de dire et juger les deux engagements de cautionnement du 12 avril 2005 et du 9 décembre 2009 manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, de débouter en conséquence la Caisse d'épargne de ses demandes au titre des dits cautionnements,
- de débouter la Caisse d'épargne de toutes ses demandes ;
- à titre subsidiaire :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de lettres d'information annuelle des cautions et par conséquent déchu la Caisse d'épargne du droit aux intérêts au taux contractuel, et, y ajoutant, de dire et juger qu'il n'est pas tenu aux pénalités et intérêts de retard échus antérieurement au 25 avril 2014,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a limité sa condamnation à payer à la Caisse d'épargne la somme de 13.802,75 €, en sus les intérêts au taux légal,
- d'ordonner le report ou l'échelonnement du paiement des sommes dues, le cas échéant, dans la limite de deux années, en application de l'article 1244-1 du Code civil,
- de débouter la Caisse d'épargne de ses demandes plus amples ou contraires ;
- en tout état de cause, de condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes de la Caisse d'épargne formées à l'encontre de M. Y au titre des deux prêts en sa qualité d'associé :
Considérant que la Caisse d'épargne forme en appel des demandes en paiement au titre des deux prêts à l'encontre de MM. C. en leur qualité d'associés de la société Le Bistrot des Metz sur le fondement de l'article L. 221-1 du code de commerce ; que M. Y soutient que ces demandes sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel la Caisse d'épargne ayant formé des demandes en paiement au titre des prêts à son encontre en première instance en sa seule qualité de caution et ayant modifié le fondement juridique de ses demandes ; que la Caisse d'épargne réplique qu'elle a assigné MM. C. tant en leur qualité de caution qu'en leur qualité d'associé en visant l'article 1857 du code civil et que ses demandes fondées en appel sur le fondement de l'article L. 221-1 du code de commerce tendant aux mêmes fins que celles formées devant les premiers juges sont recevables en vertu de l'article 565 du code de procédure civile ;
Considérant qu'aux termes des articles 564 et 565 du code de procédure civile à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions et que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;
Considérant que s'agissant des demandes en paiement formées au titre des deux prêts la Caisse d'épargne a invoqué en première instance les cautionnements de MM. C. tandis qu'en appel elle invoque les cautionnements et l'obligation aux dettes sociales des associés prévue par l'article L. 221-1 du code de commerce ; que ces demandes tendent aux mêmes fins, à savoir la condamnation solidaire de MM. C. à lui payer les mêmes sommes d'argent de 37.804,81 € et de 15.849,44 € au titre des deux prêts ; qu'en invoquant un second fondement juridique tiré de l'application de l'article L. 221-1 du code de commerce à l'appui de ces demandes la Caisse d'épargne ne soumet pas à la cour de nouvelles prétentions ; que la fin de non-recevoir soulevée par M. Y sera donc rejetée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 221-1 du code de commerce :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de commerce les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ; que l'article L. 221-14 dispose que la cession des parts sociales doit être constatée par écrit, qu'elle est rendue opposable à la société, dans les formes prévues à l'article 1690 du code civil, la signification pouvant toutefois être remplacée par le dépôt d'un original de l'acte de cession au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt, que la cession n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et publication des statuts modifiés au registre du commerce et des sociétés ;
Considérant que la Caisse d'épargne soutient que M. Y reste tenu des dettes sociales de la société Le Bistrot des Metz dès lors qu'il n'établit pas que la cession de ses parts le 29 août 2011 a été rendue opposable à la société, que les conditions de la poursuite des associés de la société Le Bistrot des Metz sur le fondement de l'article L. 221-1 sont remplies et qu'elle est bien fondée à demander la condamnation solidaire de MM. C. à lui payer ses créances dues au titre du compte courant et des deux prêts telles qu'elles ont été admises définitivement au passif de la société Le Bistrot des Metz alors qu'un certificat d'irrécouvrabilité lui a été adressé le 4 septembre 2015 ;
Considérant que M. C. prétend que la cession de ses parts sociales est opposable à la Caisse d'épargne les actes de cession, le procès-verbal d'assemblée générale et les statuts mis à jour ayant été déposés au greffe du tribunal de commerce le 8 novembre 2011 et la signification de l'acte à la société n'ayant par elle-même aucun effet de publicité à l'égard des tiers ; qu'il fait valoir qu'ayant perdu la qualité d'associé en cédant l'intégralité de ses parts sociales le 29 août 2011 l'obligation aux dettes sociales a cessé et que le débat s'en trouve limité aux engagements de caution ;
Considérant que M. Y était associé et gérant de la SNC Le Bistrot de Metz ; qu'il a cédé l'intégralité de ses parts sociales par actes du 29 août2011 ; qu'il n'établit pas que les formalités de signification des cessions à la société prévues par l'article 1690 du code civil ont été accomplies ; que toutefois en sa qualité de gérant M. Y a réuni l'assemblée générale extraordinaire des associés le 29 août 2011 à laquelle étaient convoqués les deux acquéreurs des parts cédés, MM. X et Patrice L. et au cours de laquelle les statuts ont été modifiés en conséquence de la cession de parts sociales, il a été pris acte de la démission de M. Y de ses fonctions de gérant à compter du 31 août 2011 et M. X a été nommé en qualité de gérant à compter de cette même date ; que la société Le Bistrot de Metz a ce faisant ratifié expressément, par ses organes, la cession de parts sociales intervenue ; que la Caisse d'épargne ne peut dès lors se prévaloir d'un défaut des formalités rendant la cession de parts sociales opposable à la société Le Bistrot de Metz pour valablement soutenir que la dite cession lui est inopposable ; que les actes de cession et le procès-verbal de l'assemblée générale du 29 août 2011 agréant les nouveaux associés ont été publiés au RCS le 29 août 2011 et les statuts modifiés en conséquence le 8 novembre 2011 ; que la cession de parts sociales est donc opposable à la Caisse d'épargne et M. Y n'est plus redevable en tant qu'associé des dettes contractées par la société Le Bistrot de Metz à l'égard de la Caisse d'épargne ;
Sur les demandes formées à l'encontre de M. X :
Considérant que la Caisse d'épargne demande la condamnation solidaire de M. X au paiement de la somme principale de 1.285,18 € au titre du solde débiteur du compte courant, de celle de 37.804,81 € au titre du prêt du 12 avril 2005 et de celle de 15.849,44 € au titre du prêt du 9 décembre 2009 ;
Considérant que chacune des créances ayant été admise au passif de la SNC Le Bistrot de Metz à hauteur respectivement de 1.285,18 €, 37.804,81 € et 15.849,44 € et M. X étant redevable des dettes de la société en sa qualité d'associé il sera fait droit aux demandes de la banque dirigées contre lui et le jugement infirmé sur ces points ;
Sur les demandes formées à l'encontre de M. Y :
Sur le solde du compte courant :
Considérant que la Caisse d'épargne demande la condamnation solidaire de M. Y au paiement de la somme principale de 1.285,18 € en sa seule qualité d'associé de la société Le Bistrot de Metz ; que M. Y n'étant pas redevable des dettes contractées par la société Le Bistrot de Metz en sa qualité d'ancien associé comme il a été dit plus haut la Caisse d'épargne doit être déboutée de sa demande dirigée à son encontre ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les prêts du 12 avril 2005 et du 9 décembre 2009 :
Considérant que la Caisse d'épargne demande la condamnation solidaire de M. Y au paiement de la somme principale de 37.804,81 € au titre du premier prêt et de celle de 15.849,44 € au titre du second prêt en ses qualités de caution et d'associé ;
Considérant que M. Y n'étant pas redevable des dettes contractées par la société Le Bistrot de Metz en sa qualité d'ancien associé comme il a été dit plus haut la Caisse d'épargne doit être déboutée de ses demande dirigée à son encontre en cette qualité ;
Considérant qu'en tant que caution M. Y soutient que l'engagement de caution du 12 avril 2005 pour un montant de 282.100 € était manifestement disproportionné à ses biens et revenus faisant observer que la fiche de patrimoine produite par la Caisse d'épargne n'est pas probante pour être rédigée sur papier libre et non datée ; qu'il prétend que l'engagement de cautionnement total à la date du 9 décembre 2009, soit la somme de 325.000 €, était également manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'il fait enfin valoir que la banque n'établit pas qu'il aurait eu, au jour où elle l'a appelé comme caution le 10 juillet 2014, un patrimoine lui permettant de faire face à son obligation alors qu'en outre il a vendu un bien immobilier en 2011 ;
Considérant que la Caisse d'épargne estime qu'au regard de la fiche de patrimoine les cautionnements de M. Y n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au moment de leur souscription et que le patrimoine actuel de M. C. lui permet de faire face aujourd'hui à ses obligations ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation repris aux articles L. 332-1 et L. 343-4 qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en apporter la preuve ; que la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution antérieurs, même si ceux-ci ne sont pas encore appelés ;
Considérant que le 12 avril 2005 M. Y s'est porté caution pour un montant de 282.100 € ; que la fiche de renseignements produite par la Caisse d'épargne, non datée et signée par M. C., fait état :
- d'un patrimoine immobilier constitué d'un bien sis à Elancourt valorisé à 180.000 € et d'une maison de campagne estimée à 35.000 €,
- d'un salaire annuel de 24.000 € et de revenus locatifs annuels de 8.520 €,
- d'un 'crédit maison' représentant des remboursements annuels de 2.400 €,
- de charges 'appart' d'un montant annuel de 8.220 € le défaut de précision ne permettant pas d'imputer ce poste à des charges de copropriété ou à un prêt immobilier ;
Considérant que M. C. reprend dans ses écritures comme élément de patrimoine la propriété d'un appartement sis à Elancourt acquis en 2004 qu'il valorise à la somme de 120.000 € et des revenus annuels de 8.141 € et comme endettement un emprunt UCB/Cetelem de 120.000 €, un solde de crédit contracté auprès de la Caisse interprofessionnelle du logement de 7.034,27 €, un solde de crédit contracté auprès de la Caisse d'épargne de 17.000 € et une réserve de crédit à l'égard du Crédit lyonnais d'un montant de 1.000 € ; qu'il produit les pièces justifiant des revenus 2005, de l'acquisition de l'appartement le 28 juillet 2004, du prêt de 120.000 € accordé par l'UCB pour financer cette acquisition, des soldes restant dus selon les tableaux d'amortissement au titre des prêts contractés auprès de la Caisse interprofessionnelle du logement et de la Caisse d'épargne et de la réserve de crédit ;
Considérant que dans une fiche de renseignements datée du 16 octobre 2009 M. C. indique avoir acquis l'appartement au prix de 122.000 € et le valorise à la somme de 175.000 € et déclare en outre être propriétaire d'une maison de campagne sise à Valdivienne acquise en juillet 2008 au prix de 25.000 € et qu'il valorise à la somme de 27.000 € ; que cette dernière acquisition est corroborée par le prêt accordé par le Crédit lyonnais le 25 juillet 2008 d'un montant de 27.480 € ;
Considérant que le défaut de date apposée sur la fiche de renseignements dont se prévaut la Caisse d'épargne pour le cautionnement du 12 avril 2005 et les divergences existant entre les deux fiches de renseignements, la seconde étant corroborée par les pièces produites par M. C., ne permettent pas de retenir cette première fiche pour apprécier la disproportion du cautionnement ;
Considérant qu'au égard au seul bien immobilier dont il est établi que M. C. était propriétaire au moment de son engagement, à ses revenus déclarés en 2005 et à son endettement, l'engagement de caution de M. C. à hauteur de 282.100 € était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment où il l'a souscrit ;
Considérant que le 9 décembre 2009 M. Y s'est porté caution pour un montant de 42.900 € ; que la fiche de renseignements datée du 16 octobre 2009 signée par M. C., fait état :
- d'un patrimoine immobilier constitué de l'appartement sis à Elancourt valorisé à 175.000 € et de la maison de campagne sise à Valdivienne estimée à 27.000 €,
- d'un endettement à titre personnel totalisant un montant de 12.500 € ;
que la Caisse d'épargne n'ignorait pas que M. C. s'était engagé à hauteur de 282.100 € à son profit en 2005 ;
Considérant que compte tenu de la valeur de son patrimoine, de son endettement déclaré en 2009 et de son précédent engagement de caution, le cautionnement de M. C. était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment où il l'a souscrit le 9 décembre 2009 ;
Considérant qu'il appartient à la Caisse d'épargne d'établir que le patrimoine de M. Y lui permet de faire face à ses obligations au moment où il est appelé ; qu'elle se borne à soutenir dans ses écritures que M. C. étant toujours propriétaire des biens 'sus visés' son patrimoine lui permet de faire face à ses dettes sans produire de pièces à l'appui de ses dires ; que M. C. produit une attestation notariée relative à la vente du bien situé à Elancourt le 22 juillet 2011 ; que l'hypothèque judiciaire provisoire prise à l'initiative de la Caisse d'épargne porte sur le seul bien sis à Valdivienne ;
Considérant que ce seul patrimoine estimé à la somme de 27.000 € par M. C. lui-même en décembre 2009 ne lui permet pas de faire face à la somme réclamée par la Caisse d'épargne au titre du cautionnement du premier prêt ; que la banque ne peut donc se prévaloir de son engagement de caution et sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement infirmé sur ce point ;
Considérant qu'en revanche le patrimoine de M. C. lui permet de faire face à la somme réclamée par la Caisse d'épargne au titre du cautionnement du second prêt limitée à la somme de 15.849,44 € ; que la banque est donc fondée à s'en prévaloir ;
Sur la déchéance des intérêts et pénalités de retard encourue sur le prêt du 9 décembre 2009 :
Considérant que M. C. soutient que les lettres d'information annuelle de la caution n'étant pas versées aux débats le tribunal a justement appliqué la déchéances des intérêts conventionnels en vertu de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et dit que les cautions n'étaient tenues que des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 avril 2014 et que la carence de la banque justifie la confirmation du jugement ; qu'il ajoute que sur le fondement de l'article L. 341-6 du code de la consommation il n'est pas non plus tenu aux pénalités et intérêts de retard antérieurs au 25 avril 2014 ; que pour répondre à la banque il prétend que la sanction du défaut d'information annuelle de la caution étant expressément une déchéance et non une prescription, l'argument tiré de l'article 2224 du code civil est dénué de pertinence, a fortiori s'agissant d'un moyen de défense donc d'une exception ;
Considérant que la Caisse d'épargne fait valoir que les lettres d'information annuelle de la caution ont bien été envoyées et qu'en tout état de cause une éventuelle déchéance des intérêts contractuels ne saurait être appliquée au-delà des cinq dernières années compte tenu de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que selon le même texte le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'une telle déchéance prévue par des dispositions d'ordre public s'applique de plein droit sur cette période sans que la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil soit encourue ;
Considérant que selon l'article L. 341-6 ancien du code de la consommation repris aux articles L. 333-2 et L. 343-6 du même code le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement et si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée ; qu'à défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'une telle déchéance prévue par des dispositions d'ordre public s'applique de plein droit sur cette période sans que la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil soit encourue ;
Considérant que la Caisse d'épargne ne produit aucune des lettres d'information annuelle de la caution ; que la banque doit donc être déchue des intérêts contractuels et des pénalités et intérêts de retard dus au titre du prêt du 9 décembre 2009 ; que selon le décompte de la déclaration de créance les intérêts de retard représentent la somme de 5,86 € ; que selon le tableau d'amortissement et ce même décompte de créance les intérêts contractuels se sont élevés jusqu'à l'exigibilité anticipée du prêt à la somme de 4.234,21 € ; que M. C. reste donc redevable au titre de ce prêt de la somme de 11.609,37 € (15.849,44 € - 5,86 € - 4.234,21 €) ; que cette somme doit porter intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 avril 2014 conformément aux dispositions de l'article 1153 ancien du code civil reprises à l'article 1231-6 du code civil ; que le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation en paiement ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la capitalisation des intérêts étant demandée par la Caisse d'épargne elle sera ordonnée ;
Considérant que M. C. sollicite un report ou un échelonnement du paiement des sommes éventuellement dues faisant valoir que la banque n'a manifestement pas un besoin urgent et impérieux de recevoir immédiatement le paiement des sommes réclamées, que les créances n'étaient pas anciennes à la date de l'assignation, que son patrimoine est limité après la vente en 2011 d'un bien immobilier et qu'il sort progressivement d'une situation économique difficile ; que la Caisse d'épargne s'oppose à de tels report et échelonnement observant que ses créances ne sont pas payées depuis décembre 2013, que M. C. s'est donc déjà octroyé un report de paiement et que son patrimoine lui permet de régler les sommes dues ;
Considérant qu'en définitive M. Y est tenu au paiement de la somme de 11.609,37 € ; que sa demande de délais de paiement ou de report ne sera pas accueillie dès lors qu'il ne justifie pas de sa situation financière actuelle ;
Considérant enfin qu'il n'appartient pas à la cour de statuer sur la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par la Caisse d'épargne sur un bien de M. C. ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Rejette la fin de non-recevoir des demandes en paiement au titre des deux prêts fondés sur l'article L. 221-1 du code de commerce soulevée par M. Y ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France de sa demande de condamnation en paiement formée à l'encontre de M. Y au titre du solde débiteur du compte courant ;
Condamne M. X à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France la somme de 1.285,18 € avec intérêts au taux contractuel de 12,60% à compter du 25 avril 2014 au titre du solde débiteur ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Dit que la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit par M. Y le 12 avril 2005 ;
Déboute la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France de sa demande de condamnation en paiement formée à l'encontre de M. Y au titre du prêt du 12 avril 2005 ;
Condamne M. X à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France la somme de 37.804,81 € avec intérêts au taux contractuel de 3,70% majoré des pénalités de trois points, soit 6,70%, à compter du 25 avril 2014 au titre du prêt du 12 avril 2005 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Condamne M. X à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France la somme de 15.849,44 €, avec intérêts au taux de 7,30% à compter du 25 avril 2014, et M. Y à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France la somme de 11.609,37 €, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2014, au titre du prêt du 9 décembre 2009, MM. X et Y étant tenus solidairement au paiement de ces sommes à concurrence de 11.609,37 € ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Déboute M. Y de sa demande de report et de délais de paiement ;
Dit irrecevable M. Y en sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X et M. Y aux dépens de première instance chacun à hauteur de la moitié ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.