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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 29 janvier 1999, n° 97.11653

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CDR Créances (SA)

Défendeur :

Pierrel (ès qual.), Pavec (ès qual.), Akatus Properties Corporation (Sté), Tapie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Conseillers :

M. Monin-Hersant, M. Pimoulle

Avoués :

SCP Lecharny Cheviller, SCP Varin Petit, Me Melun

Avocats :

Me Metais, Me Petreschi, Me Lantourne

T. com. Paris, 5e ch., du 28 mars 1997, …

28 mars 1997

La Cour statue sur I'appel formé par la société C.D.R. CREANCES - GROUPE CONSORTIUM REALISATION S.A. (C.D.R. CREANCES) contre le jugement du Tribunal de commerce de PARIS (5eme chambre, RG 96/66034, PC 94/5914), rendu le 28 mars 1997, qui a dit la SOCIETE DE BANQUE OCCIDENTALE ("S.D.B.O.") recevable mais mal fondée en son recours, a maintenu l'ordonnance du juge- commissaire du 6 juin 1996 en ce qu'elle a autorisd les liquidateurs à vendre de grd A gre les titres de la société JABAY au prix de 3.580.000 F. à la société AKATUS PROPERTIES CORPORATION (AKATUS) et a régulariser l'opération par acte authentique, a infirmé l'ordonnance pour le surplus, à savoir (la disposition relative A) "la consignation du prix de vente pour le compte de qui il appartiendra", a dit qu'en raison de la nullité du gage S.D.B.O. devra, sous astreinte, restituer les titres JABAY aux liquidateurs et a condamné S.D.B.O. à payer 10.000 F. aux liquidateurs de la société F.I.B.T. par application de l'article 700 N.C.P.C.

Il est fait référence au jugement déféré pour la connaissance complète des faits de la cause et des moyens et demandes des parties en première instance.

La société en nom collectif F.I.B.T., du groupe des sociétés de M. Bernard TAPIE, se trouve, depuis un jugement du 31 mai 1995, dans les liens d'une procédure unique (confusion des patrimoines) de liquidation judiciaire avec d’autres sociétés du groupe et les associés, M. et Mme TAPIE.

Par ordonnance du 6 juin 1996, le juge-commissaire a autorisé les liquidateurs à vendre des titres JABAY au prix de 3,58 MF et a ordonné la consignation de la totalité du produit de la vente entre les mains d’un huissier audiencier, la question étant cependant (implicitement) réservé de la validité du gage revendiqué par S.D.B.O.

S.D.B.O., à qui l'ordonnance a été notifiés, a fait un recours en invoquant un droit de rétention et en sollicitant l'attribution judiciaire des cent parts sociales JABAY appartenant A F.I.B.T. pour le même prix de 3,58 MF, payable par compensation avec les créances déclarées au passif de cette société.

Par le jugement déféré, le tribunal a considéré que S.D.B.O. entendait essentiellement voir confirmer le gage qu'elle prétendait posséder mais qui était contesté par les liquidateurs et a retenu que le nantissement litigieux, objet d'un acte notarié du 6 avril 1993, garantissant un prêt de 84 MF destiné au remboursement de découverts bancaires, ne constituait pas un acte ordinaire de gestion et "nécessitait une autorisation des associés réunis en assemblée”.

Il a estimé que le nantissement était nul et que le prix de vente de I’actif devait revenir sans réserve la liquidation judiciaire, M. FELLOUS, gérant non associé de F.I.B.T, ayant donné les titres JABAY en nantissement sans autorisation des associés.

Par écritures récapitulatives du 6 février 1998, la société C.D.R. CREANCES, appelante, venant aux droits de la S.D.B.O., concluant à l'infirmation du jugement, demande à la Cour de dire que le gage n'est entaché d'aucune cause de nullité et d'ordonner à son profit l'attribution des cent parts de la society de droit panaméen JABAY, pour le prix de 3,58 MF, payable par compensation et à due concurrence sur le montant des créances déclarées par S.D.B.O.; subsidiairement, de dire que le droit de rétention doit être reporté sur le prix de cession. Elle réclame 25.000 F. par application de l'article 700 N.C.P.C.

Elle fait valoir que S.D.B.O. s'est vu consentir par F.I.B.T. le même nantissement que celui dont était titulaire une banque ; que le juge-commissaire a rejeté la demande d'attribution du gage tout en s'abstenant de statuer sur la validité de celui-ci ; qu'un nantissement, consenti le même jour et dans les mêmes conditions à une autre société du groupe, G.B.T., n'a été contesté ni par les liquidateurs, ni par M. TAPIE ;

Que l'article 173-2° de la loi du 25 janvier 1985 ne peut lui être opposé car, si le juge-commissaire est compétent pour décider d'attribuer ou non le gage, il ne saurait statuer sur la validité du gage si celle-ci est contestée ; que c'est le jugement du 28 mars 1997 qui a statué pour la première fois sur la nullité du nantissement ;

Que l'argument des liquidateurs est sans pertinence qui concerne les signatures des associés n’apparaissant pas sur la copie du procès-verbal annexés au contrat de prêt du 6 avril 1993, le notaire ayant vérifié les pouvoirs de M. FELLOUS aux fins de représenter F.I.B.T. à l'acte, le gérant de F.I.B.T. pouvant utiliser une version, non signée par les associés, du procès-verbal de l'assemblée afin d'en établir une copie certifiée conforme et "la copie certifiée conforme du procès-verbal (...), annexée à la convention de prêt du 6 avril 1993, [équivalent] & un original signé par les associés"; que le gage a été valablement constitué au profit de S.D.B.O.

A titre subsidiaire, elle soutient que, à supposer que la copie certifié conforme soit dépourvue de tout effet juridique, y compris à l'égard des tiers, le gérant avait tout pouvoir pour engager F.I.B.T., peu important l'absence d'une délibération préalable des associés, la convention de prêt devant être analysée comme un acte de gestion normal, s'agissant d’un refinancement de concours bancaires à des conditions financières plus favorables et le gérant ayant les pouvoirs les plus étendus pour engager la société à l'égard des tiers des lots que ses acte sont conformes à I’objet social.

Par écritures récapitulatives du 18 juin 1998, Me PIERREL et Me PAVEC, mandataires liquidateurs de F.I.B.T., intimés es qualités, concluent à l’irrecevabilité de l’appel, subsidiairement, à la confirmation du jugement, et demandent qu'il leur soit donne acté de ce qu'ils ne disposent pas des registres des assemblées de F.I.B.T. Ils réclament deux fois 10.000 F. à titre d'indemnité de procédure.

Ils invoquent l'article 173-2° de la loi du 25 janvier 1985 pour soutenir que I'appel est irrecevable, indiquant que c’est à l'occasion de l'examen de la requête présentée au juge-commissaire que l’attribution judiciaire des parts sociales a été sollicitée par C.D.R. CREANCES et que les concluants s'y sont opposés au motif de la nullité du gage revendique. Ils observent que le juge-commissaire ne pouvait statuer sur l’attribution judiciaire du gage sans se prononcer préalablement sur sa validité, débat qui a, en tout cas, été noué devant lui.

Sur le fond et à titre subsidiaire, ils font valoir que les premiers juges ont retenu à bon droit que le  gérant non associé, M. FELLOUS, avait constitué le nantissement sans autorisation des associés, le gage devant dès lors être considéré comme nul, puisque le document produit par S.D.B.O. est dépourvu de toute valeur juridique; que la constitution d'un gage sur des titres détenus par F.I.B.T. n'entre pas dans I'objet social de la société; que I'acte de prêt fait de l’existence d’une autorisation expresse valablement donnée au gérant une condition de validité du gage.

Par conclusions du 18 septembre 1998, M. Bernard TAPIE, intimé en sa qualité d’associé en nom dans F.I.B.T, déclare s’associer aux conclusions signifiées au nom de Me PIERREL.

INTIMEE, la société AKATUS PROPERTIES CORPORATION a été assignée le 20 août 1997 par remise de I'acte au parquet de procureur général et réassignée le 19 novembre 1997 dans les mêmes formes. Elle n'a pas constitué avoue.

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SUR QUOI, LA COUR,

Considérant, sur la recevabilité de l’appel, qu'il résulte des pièces de la procédure et des énonciations de l'ordonnance frappée de recours que le juge-commissaire a été saisi d’une requête des liquidateurs judiciaires aux fins d'autorisation de vente de gré à gré, en application de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985, des titres JABAY et d’une demande de S.D.B.O. d'attribution du gage constitué à son profit de ces mêmes titres, cette demande étant, nécessairement, fondée sur l’article 159 de la même loi, outre les dispositions du code civil régissant la matière ;

Qu'il n'est pas prétendu que le juge-commissaire aurait été saisi irrégulièrement de cette dernière demande ;

Considérant que, en ordonnant la consignation de la totalité du produit de la vente, autorisée par ailleurs, "pour remise ensuite à qui il appartiendra", le juge-commissaire n’a fait qu'user, même imparfaitement, des pouvoirs qu'il tient de l'article 159 mentionné ci-dessus, spécialement son alinéa 3, pour la préservation des droits du créancier ;

Qu'il n'apparait pas en effet qu'une décision serait intervenue quant à l'admission de la créance de S.D.B.O. dont il n’est pas contesté qu’elle a été régulièrement déclarée ;

Considérant qu’il s’ensuit que l’ordonnance a été rendue dans les limites des attributions du juge-commissaire au sens du 2 de l’article 173 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant que, saisi du recours contre l’ordonnance, le tribunal a contesté la nullité du gage, a infirmé l’ordonnance dans ses dispositions relatives à la consignation du prix et a ordonné la restitution des titres ;

Que, ce faisant, il a déterminé la nature des droits que le créancier pourrait faire valoir dans le cadre d’instances autres alors que l’attribution judiciaire du gage, dans le cadre de l’article 159 de la loi, n’impose nullement qu’il soit statué sur la validité du nantissement, l’examen de cette question intervenant normalement à l’occasion du contentieux de l’admission de la créance ;

Considérant, qu’il s’ensuit, peu important que le juge-commissaire ait été saisi de la question de la validité du gage qu’il n’a pas tranchée, que l’appel du créancier est recevable en ce qu’il concerne les dispositions du jugement relatives à la nullité du gage en cause ;

Considérant que n’est discuté par aucune partie le pouvoir du tribunal de statuer sur la validité du gage dans le cadre de l’instance dont il avait saisi ;

Considérant, sur le fond, que le prêt garanti par le nantissement des parts et ce nantissement lui-même ont fait l’objet de l’acte authentique du 6 avril 1993 ;

Qu’il est précisé, page 3 de cet acte, que F.I.B.T. était représentée par M. Elie FELLOUS, « agissant en qualité de gérant unique (…) et ayant tous pouvoirs à l’effet des présentes en vertu d’une assemblée générale extraordinaire des associés en date du deux avril mille neuf cent quatre treize, dont une copie certifiée conforme du procès-verbal est demeurée jointe et annexée aux présentes après mention » ;

Que ces énonciations, qui sont expressément relatives à la représentation des parties, ne peuvent être interprétées de manière restrictive au motif des formules plus elliptiques utilisées dans les suites de l’acte ;  

Considérant, en premier lieu, qu'il s'ensuit que C.D.R. CREANCES soutient vainement, à titre subsidiaire il est vrai, que l’autorisation était superfétatoire en raison de la nature de l’engagement, lequel constituerait un acte de gestion normal par référence à l'objet statutaire de F.I.B.T., alors que cette société avait pour l'essentiel une activité de marchand de biens et que le financement, objet de la convention, était réalisé pour son propre compte, peu important qu'il fût destiné à rembourser des concours bancaires antérieurs plus onéreux:

Que, dans la mesure même ou C.D.R. CREANCES se réfère aux statuts sociaux qui autorisent le gérant à signer seul pour "contracter tons emprunts par voie d'ouverture de crédits en banque", ces engagements doivent encore entrer dans 1’objet social conformément à ces mêmes statuts ;

Que les énonciations de l'acte authentique rappelées plus haut suffisent, en toute hypothèse, à établir que les parties étaient d’accord sur la nécessité d'une décision spéciale de l'ensemble des associés, par suite sur la circonstance que, en raison de sa nature, I’engagement ne pouvait être souscrit par le seul gérant et de sous sa seule responsabilité ;

Considérant, en deuxième lieu, que le document annexe en copie de l'acte authentique ne comporte que les paraphes et signature de M. FELLOUS, cette dernière d'ailleurs apposée à l'emplacement prévu pour le gérant et non à celui prévu pour la certification par le gérant de la conformité de la copie à l'original, les emplacements prévus pour les signatures des deux associés demeurant vierges de toute trace manuscrite ;

Que ce document constitue seulement, à l’évidence, la copie d'un projet de procès-verbal, présigné par le gérant, tous arguments de l'appelante pour tenter de justifier de la réalité de l’autorisation étant dépourvus de pertinence, spécialement celui tiré de la nécessaire vérification des pouvoirs par le notaire ayant instrumenté ;

Qu'aucun élément de preuve complémentaire ou supplétive n'est apportée ni même proposé par l'appelante d'où il pourrait résulter que le document reflète bien la realité ou a bien été signé, ultérieurement, par les associés dans les termes envisages, étant observé, d'une part, qu'aucune conséquence valable ne peut être tirée du fait qu'une opération serait intervenue, dans des circonstances parfaitement similaires, au profit d'une autre société du groups, G.B.T., qui n’aurait pas provoqué de contestations ultérieures des mandataires judiciaires, la Cour n’étant pas et n'ayant pas été saisie de recours contre les décisions qui sont intervenues à cette occasion, d'autre part qu’aucun grief ne peut, pour les motifs qu’ils invoquent, être légitimement adressé aux mandataires au sujet de la non communication des registres de F.I.B.T. ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Jugement doit être confirmé dans ses dispositions déférées, la suppression de la consignation étant la conséquence de la constatation de la nullité du gage et la demande de l'appelante relative au report du droit de rétention étant devenue sans objet ;

Considérant que la demande d'une indemnité de procédure des mandataires judiciaires sera accueillie à hauteur de 12.000 F. pour les deux ;

PAR CES MOTIFS :

STATUANT par arrêt réputé contradictoire et dans les limites des dispositions du jugement valablement déférées,

CONFIRME le jugement dont appel ; .

REJETTE toute demande ou prétention contraire à la motivation ;

CONDAMNE la société C.D.R. CREANCES à payer à Me PIERREL et à la S.C.P. PAVEC COURTOUX, es qualités, 12.000 francs par application de l‘article 700 N.C.P.C.

La CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la S.C.P. VARIN & PETIT et Me MELON, avoués, conformément à l‘article 699 N.C.P.C.