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Décisions

Cass. 1re civ., 10 juin 1986, n° 84-13.673

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joubrel

Rapporteur :

M. Viennois

Avocat général :

M. Charbonnier

Avocats :

SCP Waquet, Me Choucroy

Paris, du 26 mars 1984

26 mars 1984

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Caourep, en difficultés financières, a sollicité du président du tribunal de commerce la désignation en qualité d'administrateur judiciaire de M. X..., auquel elle avait déjà confié une mission d'organisation et de gestion, en demandant que lui soient donnés les pouvoirs les plus étendus pour assurer le redressement de l'entreprise ; que, par ordonnance du 27 juillet 1981, le magistrat consulaire a désigné M. X... en qualité de mandataire de justice de la société pour une durée d'une année, renouvelable ; que, le même jour, M. Y..., gérant de la société, a adressé à M. X... une lettre l'informant que ses honoraires étaient fixés à la somme mensuelle de 75 000 francs pendant la durée de sa mission ; que, par une seconde lettre du 1er octobre 1981, le montant de cette rémunération était confirmé, étant précisé que, dans l'hypothèse où " la mission définie par l'ordonnance viendrait à être écourtée ou modifiée et quel qu'en soit le motif ", la société resterait redevable des honoraires convenus " jusqu'au terme des douze mois " et que le rôle de M. X... " implique une intervention minimale d'une année, quel qu'en soit le statut juridique " ; que M. Y... s'est porté caution de la société à concurrence de la somme de 450 000 francs ; que, le 22 janvier 1982, M. X... a informé la société de sa démission de son mandat judiciaire, tout en se disant disposé à l'assister " en tant que conseil " ; que, n'ayant reçu aucune réponse, M. X... a assigné la société Caourep et M. Y... en paiement de la somme de 450 000 francs, représentant le solde de ses honoraires ; que la société et M. Y... ont résisté à cette demande en faisant valoir que M. X... ayant mis fin volontairement à sa mission ne pouvait prétendre à une rémunération après le 22 janvier 1982 et que la lettre du 1er octobre 1981 ne prévoyait aucune rétribution pour des fonctions de conseil exercées sans mandat judiciaire ;

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande aux motifs que les deux lettres fixant le montant de sa rétribution se référent expressément à l'ordonnance du 27 juillet 1981 et précisent qu'il s'agit d'honoraires en qualité d'" administrateur " ou de " mandataire de justice ", qu'il n'a pas été dans l'intention des parties d'inclure dans les cas de cessation de fonctions avant le terme convenu donnant droit au maintien de la rétribution la démission volontaire, que seule une nouvelle ordonnance pouvait mettre fin au mandat confié et que si la lettre du 1er octobre 1981 précise que le rôle de M. X... implique une intervention d'au moins une année quel que soit le statut juridique, ce statut ne pouvait être qu'un mandat judiciaire ou, à défaut, être défini par un nouveau contrat, alors, selon le moyen, d'une part, que la clause très générale prévoyant le maintien des honoraires convenus n'excluait pas l'hypothèse de la démission volontaire et qu'en recherchant la prétendue volonté des parties pour l'application d'un acte clair et précis la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que le mandataire, même désigné en justice, peut mettre fin volontairement à son mandat pour une juste cause et qu'en déniant cette possibilité au mandataire " ad hoc "

désigné par le président du tribunal de commerce, la Cour d'appel a violé l'article 2007 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en ne s'expliquant pas sur le fait expressément invoqué que la démission de M. X... était intervenue avec l'approbation du magistrat qui l'avait désigné, fait caractérisant une intervention suffisante de l'autorité judiciaire, l'arrêt attaqué est privé de base légale au regard du même article ; alors, de quatrième part, que le maintien des honoraires pour une année entière constituait la rémunération forfaitaire de l'intervention du mandataire de justice, de sorte qu'en considérant que ce maintien serait subordonné à la conclusion d'un nouveau contrat en cas de cessation du mandat de justice, la Cour d'appel a dénaturé la lettre du 1er octobre 1981 ; et alors, de cinquième part, et enfin, qu'à supposer que cette dernière lettre ait effectivement subordonné le maintien des honoraires à la poursuite de relations contractuelles, elle caractérisait d'ores et déjà l'accord des parties sur le principe de cette continuation sans s'attacher à la qualification du contrat à venir ; que l'inexécution par la société de son obligation de maintien des relations contractuelles avec M. X... ne pouvait la dispenser de l'exécution de son obligation de paiement ;

Mais attendu, d'abord, que les juges du second degré se sont trouvés dans la nécessité d'interpréter, en raison de l'ambiguïté de leurs termes, les lettres des 27 juillet et 1er octobre 1981, en prenant en considération tant la commune intention des parties que la circonstance que M. X... avait été investi d'un mandat judiciaire par une ordonnance du président du tribunal de commerce ; que cette interprétation est, par sa nécessité, exclusive des dénaturations alléguées ;

Attendu, ensuite, que si le mandataire au sens des articles 1984 et suivants du Code civil peut renoncer au mandat qui lui a été confié pour une cause valable, le mandataire désigné par autorité de justice ne peut mettre fin lui-même à ses fonctions sans y avoir été expressément autorisé par une décision de l'autorité qui l'a désigné ; que la Cour d'appel qui énonce que la cessation volontaire de fonctions de la part de M. X... avant le terme convenu, " en l'absence de toute décision judiciaire ", ne pouvait donner droit au maintien de la rétribution convenue dès lors qu'il avait été désigné par une ordonnance du président du tribunal de commerce " qui seul pouvait mettre fin " aux fonctions dont il avait été chargé " par une nouvelle ordonnance " et que M. X... ne justifiait pas d'une convention par laquelle la société lui en aurait confié de nouvelles, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses cinq branches, le moyen n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.