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Décisions

CA Douai, 2e ch., sect. 1, 5 octobre 2017, n° 16/02362

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ab Inbev France (SAS)

Défendeur :

MC (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Vercruysse, Mme Aldigé

T. com. Lille Métropole, du 25 févr. 201…

25 février 2016

MM. Christian et Maxime D. sont les deux associés de la société en nom collectif MC qui exploite un fonds de commerce de bar, tabac, loto, brasserie sous l'enseigne « Le Michelet » situé [...]. Le 19 septembre 2008, la société en nom collectif MC a conclu une convention commerciale avec la brasserie AB Inbev France et avec l'entrepositaire Cefein Paris Ile de France devenue Olivier B. Distribution.

Selon cette convention commerciale, la société AB Inbev France accordait à la société en nom collectif MC une subvention de 11 960 euros TTC, destinée à financer un programme d'investissement dans le fonds de commerce de débit de boisson qu'elle exploite en contrepartie d'un engagement de fourniture exclusive de bière auprès de la société Cafein Paris Ile de France de marque AB Inbev France pendant cinq ans.

Le 10 décembre février 2013, la société AB Inbev France a mis en demeure la société en nom collectif MC de lui régler la somme de 9 062,69 euros au motif qu'elle n'avait commandé que 96,9hl de bière au lieu de 400 sur la période du 19 septembre 2008 au 30 juin 2013. Le 14 mars 2013, la société AB Inbev France a de nouveau mis en demeure la société en nom collectif MC en demandant la somme de 8 814,22 euros au motif que la société en nom collectif MC n'avait commandé que 105,21 hectolitres de bière.

Ces mises en demeure étant restées vaines, la société AB Inbev France a assigné en paiement la société en nom collectif MC et MM. Christian et Maxime D. devant le tribunal de commerce de Lille Métropole par actes d'huissier du 20 et 24 février.

Estimant notamment que la société AB Inbev France ne prouvait pas le manquement de la société en nom collectif MC à ses obligations contractuelles, le tribunal de commerce de Lille Métropole a, suivant un jugement rendu le 25 février 2016 :

Dit irrecevable l'action de la société AB inbev France contre MM. Christian et Maxime D.,

Dit prescrite l'action de la société AB Inbev France pour le quota annuel du 19 septembre 2008 au 18 septembre 2009,

Débouté la société AB Inbev France de l'ensemble de ses demandes,

Ordonné la mainlevée de l'opposition du prix de vente dénoncée le 28 avril 2015

Condamné la société AB Inbev France à verser à la société en nom collectif MC la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné la société AB Inbev France aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 93,60 euros en ce qui concerne les frais de greffe,

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

La société AB Inbev France a interjeté appel de ce jugement.

Les parties ont conclu et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 1er février 2017.

A cette audience, la réouverture des débats a été ordonnée avec rabat de l'ordonnance de clôture. Au visa des articles 12 et 16 du code de procédure civile, la cour a mis aux débats la question de la compétence de la cour d'appel de Paris au vu des dispositions d'ordre public de l'article D 442-3 du code de commerce pour connaître du litige dès lors qu'est invoqué par l'intimé l'application des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce et a enjoint à Me Le R. de conclure avant le 16 mars 2017 et à Me N. de conclure avant le 26 avril 2017.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2017.

Me L. a conclu le 13 février 2017 pour les intimés et Me N. le 15 mai 2017 pour l'appelant.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 mai 2017, la société AB Inbev France demande à la cour, sur le fondement de l'article L.221-1 du code de commerce et 1134 du code civil de :

In limine litis :

A titre principal :

Constater que les consorts D. et la société en nom collectif MC n'émettent aucune demande au titre de l'article L.442-6 du code de commerce et par conséquent, se déclarer compétente pour traiter du présent litige,

A titre subsidiaire :

Déclarer recevable et bien fondée l'appel interjeté par la société AB Inbev France à l'encontre de l'ordonnance du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 25 février 2016, et statuer dans la limite de son pouvoir juridictionnel.

Sur le fond :

Infirmer les dispositions du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 25 février 2016 ;

Statuant à nouveau :

Déclarer recevable l'action de la société AB Inbev France à l'encontre de MM. Christian et Maxime D. sur le fondement de l'article L.221-1 du code de commerce,

Constater l'absence de prescription de l'action de la société AB Inbev France

Dire et juger bien fondées les demandes de la société AB Inbev France,

En conséquence :

Condamner solidairement la société en nom collectif MC, MM. Christian et Maxime D. à lui payer les sommes de :

8 814,22 euros TTC au titre de la partie non-amortie de la subvention avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure en date du 17 mars 2014,

1 000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,

3 000 euros au titre des frais non-compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devant être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 devait être supporté solidairement par la société en nom collectif MC, MM. Christian et Maxime D. ainsi que les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 13 février 2017, la société en nom collectif MC et MM. Christian et Maxime D. demandent à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

Débouter en toutes ses demandes la société AB Inbev France,

Condamner la société AB Inbev France à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l'appelante soutient essentiellement que, concernant la fin de non-recevoir soulevé d'office par la cour appel :

- à titre principal, son appel est recevable dans la mesure où les intimés citent pour une raison purement dilatoire des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce sans formuler de demande de réparation ;

- à titre subsidiaire, au regard du revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation ; il appartient à la cour d'appel de déclarer l'appel recevable de statuer sur l'ensemble des demandes des parties à l'exception de celles qui seraient évoquées au titre de cet article.

Par ailleurs, elle fait essentiellement valoir que ;

- son action est recevable à l'encontre des associés puisqu'elle justifie avoir mis en demeure la société en nom collectif MC par acte extrajudiciaire en date du 26 juin 2014 ;

- dans la mesure où il est contractuellement prévu une exécution de la convention sur 5 ans, il ne s'agit pas d'une obligation successive et son action n'est pas prescrite ;

- elle justifie que la brasserie a manqué à son obligation de réaliser un minimum d'achat d'hectolitres de bières auprès de l'entrepositaire et elle lui est redevable conformément à l'article 4 de la convention de fourniture exclusive des sommes non amorties annuellement de la subvention dont sont solidairement responsables des associés de la société en nom collectif conformément aux dispositions de l'article L 221-1 du code de commerce ;

- l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce à hauteur de la partie non amortie de la subvention est justifiée.

Pour leur part, les intimés soutiennent essentiellement que :

- le litige concerne principalement une action en recouvrement et au subsidiaire un problème d'interprétation d'un contrat de bières et non une pratique commerciale illicite restrictive de concurrence ;

- la responsabilité de la société en nom collectif supposant celle de ses associés, il est surabondant de mettre en cause ces derniers ;

- s'agissant de quotas annuels, l'action est prescrite sur les années 2008 et 2009 ;

- la société AB Inbev France ne prouve pas les quantités de bière commandées et n'établit aucun manquement à l'obligation d'achat minimal ;

- à titre subsidiaire :

* le brasseur a manqué à son obligation de bonne foi découlant de l'article 1134 du code civil en fixant des objectifs quantitatifs manifestement disproportionnés et irréalisables ;

* la convention est disproportionnée,

* elle est fondée à soulever l'exception d'inexécution, la société AB Inbev France ayant commis une faute en soumettant son distributeur à des clauses de quotas irréalisables ;

- à titre très subsidiaire, il y a lieu de limiter par application de l'article 1152 al 2 du code civil les dommages et intérêts à hauteur de 1 euro.

MOTIVATION

A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la fin de non-recevoir fondée sur l'article L. 442-6-I 2°du code de commerce

Selon les dispositions de l'article L. 442-6-I 2°du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »

En application de l'article L. 442-6, III du code de commerce, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. L'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions. Cette règle de compétence spéciale doit recevoir application sans examen au fond du bien-fondé de la demande formulée sur ce fondement.

La cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce lorsqu'elles émanent de juridictions spécialisées, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, de sorte qu'est irrecevable l'appel formé devant une autre cour d'appel et cette fin de non-recevoir doit être relevée d'office. Il n'appartient, selon les arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 mars 2017 aux cours d'appel autres que celles de Paris que de connaître des recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas spécialement désignées.

Sur ce

En l'espèce, la décision déférée a été rendue par le tribunal de commerce de Lille Métropole, juridiction spécialement désignée aux termes de l'annexe 4-2-1 issue du décret n°2012-1444 du 24 décembre 2012.

Même si les intimés, qui avaient déjà excipé de l'article L. 442-6 du code de commerce devant les juges du fond, n'ont pas expurgé leurs conclusions après la réouverture des débats ordonnée par la cour d'appel de toute référence à cet article, ils concluent expressément que le litige ne concerne pas une pratique commerciale illicite restrictive de concurrence qui supposerait une juridiction spécialisée mais seulement une action en recouvrement et au subsidiaire un problème d'interprétation d'un contrat de bières. D'ailleurs, les intimés sollicitent exclusivement le débouté de l'appelant de ses demandes en paiement sans formuler aucune demande indemnitaire au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce ni invoquer de préjudice causé par le fait d'avoir été soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il s'excipe des dernières conclusions des intimés qu'ils admettent eux-mêmes avoir invoqué de manière non-sérieuse cet article sans vouloir en tirer une quelconque conséquence procédurale, ni même d'ailleurs rechercher la responsabilité civile de la partie adverse.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le litige dont est saisi la cour n'est pas relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, de sorte que l'appel est recevable.

Sur la recevabilité de l'action de la société AB Inbev France à l'encontre de MM. Christian et Maxime D.

L'article L. 221-1 du code de commerce énonce : « Les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire ».

En l'espèce, par acte extrajudiciaire en date du 18 juillet 2014, la société AB Inbev France a mis en demeure la société en nom collectif MC de lui payer la somme de 9 002,04 euros. L'huissier de justice, après plusieurs tentatives infructueuses, a dressé un procès-verbal de recherches décrivant avec précision ses diligences conformément aux dispositions de l'article 659 du code procédure civile. Les appelantes produisent l'accusé de réception prescrit par ce même article.

Il est ainsi établi que la société AB Inbev France a vainement mis en demeure la société en nom collectif MC par acte extrajudiciaire avant de poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés.

Au surplus, c'est à tort que les intimés prétendent qu'il est « surabondant » de les mettre dans la cause alors même que l'obtention d'un titre exécutoire à l'encontre d'une société n'emporte pas titre exécutoire à l'encontre des associés, fussent-ils tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut de titre exécutoire pris contre eux.

Au vu de ces éléments, l'action intentée par la société AB Inbev France à l'encontre des associés est parfaitement recevable. La décision du tribunal de commerce sera donc infirmée en ce qu'elle a dit irrecevable l'action de la société AB inbev France contre MM. Christian et Maxime D.

Sur la prescription

En application de l'article 2224 du code civil tel qu'issu de la réforme du 17 juin 2008 d'application immédiate aux actions civiles introduites après le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi, les actions en responsabilité civile contractuelles se prescrivent selon le délai de droit commun de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière contractuelle, la prescription court à compter de l'exigibilité de la dette. À l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ces fractions à compter de son échéance.

Sur ce

En l'espèce, le contrat intitulé « subvention » qui a été conclu le 18 septembre 2008 entre la société AB Inbev France et la société en nom collectif MC met à la charge de cette dernière, en contrepartie d'une subvention accordée par la brasserie, une obligation d'un minimum d'achat de bières de 80 hl par an auprès d'un entrepositaire sur une durée de 5 ans à compter de la conclusion du contrat, soit jusqu'au 18 septembre 2013. Les parties ont prévu à l'article 4-1 de ce contrat, qu'en « cas de non-respect par le client de son engagement d'achat annuel en bières du fournisseur, celui-ci sera redevable des sommes non amorties annuellement de la subvention. La valeur non amortie de la subvention s'appréciera au choix de la brasserie en fonction des hectolitres restant à livrer conformément au contrat, sur base des factures émises par l'entrepositaire désigné ou prorata temporis, de façon linéaire. Les volumes de vente restant à livrer seront alors déterminés en multipliant le nombre de mois entiers restant à courir jusqu'à la fin du contrat par le volume mensuel promis, obtenu en divisant le volume annuel minimum promis par douze. »

Il s'excipe de ces dispositions que la brasserie pouvait exiger du client le paiement des sommes non amorties annuellement de la subvention en cas de manquement de celui-ci à son obligation minimum d'achat annuel d'hectolitres de bière sans attendre le terme des cinq années.

Ainsi, l'obligation annuelle d'achat d'hectolitres de bières s'analyse comme une dette payable par termes successifs exigibles annuellement, de sorte que la prescription court à compter de chaque échéance annuelle et non pas à compter du terme du contrat.

La brasserie n'ayant agi en paiement à l'encontre du client que par assignation en date du 20 février 2015, c'est de manière parfaitement justifiée que le tribunal de commerce a estimé que son action était prescrite pour le quota annuel du 19 septembre 2008 au 18 septembre 2009, et il sera confirmé de ce chef.

Sur l'action en paiement intenté par la brasserie à l'encontre du client

En application de l'article 1315 du code civil selon lequel celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, il incombe à la brasserie de prouver l'existence et le montant de sa créance c'est-à-dire l'existence d'un manquement du client à son obligation d'achat minimum auprès de l'entrepositaire et dans quelle proportion.

Sur ce

En l'espèce, la société en nom collectif MC s'était engagée à consommer au moins 80 hl de bières de marque AB Inbev France par an pendant 5 ans auprès de l'entrepositaire désigné à la convention, lequel était la société Cafein Paris Ile de France. Il incombe donc à la société AB Inbev France de prouver le manquement du client à son obligation d'achat.

À titre liminaire, il sera observé que le fait que la société l'entrepositaire Cafein Paris Ile de France, société par actions simplifiées à associé unique, ait changé de dénomination sociale pour s'appeler « Olivier B. Distribution de France » tout en conservant son numéro de Siren, son adresse de siège social et sa forme juridique n'a pas entraîné de création d'une personne morale nouvelle, et est sans incidence sur l'obligation du client de se fournir auprès de cet entrepositaire.

La société soutient que la société en nom collectif MC a consommé seulement 105.21 hl de bière au cours des cinq années sans spécifier devant la cour d'appel les quantités annuellement achetées alors même que le tribunal de commerce avait justement observé que l'engagement étant annuel, son suivi devait s'évaluer par année et ce d'autant plus que l'action au titre de la première année était prescrite.

Concernant la méthode de calcul, les parties ont prévu à l'article 4-1 précité du contrat de subvention deux méthodes de calcul alternatives au choix de la brasserie pour déterminer la valeur non amortie de la subvention : soit « en fonction des hectolitres restant à livrer conformément au contrat sur la base des factures émises par l'entrepositaire désigné », soit prorata temporis, de façon linéaire. C'est donc de manière particulièrement pertinente que le tribunal de commerce a estimé que la brasserie ayant fait le choix de la première méthode de calcul, elle devait se fonder, conformément aux stipulations contractuelles, sur des factures émises par l'entrepositaire.

Or, pour établir que la société en nom collectif MC a manqué à son obligation annuelle d'achat d'hectolitres de bières, la société AB Inbev France se fonde exclusivement sur sa pièce n° 4 laquelle comprend, outre un tableur récapitulatif établi par l'intéressée et dénué de toute valeur probatoire, deux états informatiques sur deux pages séparés aux en-têtes de la société Olivier B. distribution intitulés « statistiques rentabilité pour les périodes N et n-1 » présentant des données classées en trois colonnes intitulées « Cols » , « Chiffre d'affaire » et « Evolution en pourcentages ». Chaque listing comporte plusieurs lignes de détail, constituées de bières en futs de 30 litres, de bières en bouteilles de 25 cl groupées en packs de 24 et de verres publicitaires groupés par 4, le tout exprimé en nombre de cols, dont le total divisé par 100 serait les hectolitres de bières consommés par la société en nom collectif MC pendant la durée du contrat du 19 septembre 2008 au 18 septembre 2013.

C'est de manière tout à fait justifiée que le tribunal de commerce a estimé que ce document qui n'a aucunement valeur de factures ne saurait constituer la preuve du non-respect de ses obligations contractuelles par la société en nom collectif MC.

La brasserie échouant à prouver l'existence et le montant de sa créance à l'encontre de la société en nom collectif MC, il y a lieu de confirmer le tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société AB Inbev France de son action en paiement à l'encontre de la société en nom collectif MC et a ordonné la mainlevée de l'opposition du prix de vente dénoncée le 28 avril 2015 ; et y ajoutant de débouter l'appelante de son action en paiement en ce qu'elle est dirigée à l'encontre des associés de cette société, MM. Christian et Maxime D..

Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive

Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l'espèce, l'appelante étant déboutée de son action en paiement à l'encontre des intimés, il y a lieu de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont débouté la société AB Inbev France de sa demande en paiement au titre de la résistance abusive à l'encontre de la société en nom collectif MC, et, y ajoutant, de la débouter de cette même demande en ce qu'elle est formulée à l'encontre de MM. Christian et Maxime D..

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombant, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles et de condamner la société AB Inbev France aux dépens d'appel et à verser à la société en nom collectif MC la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel formé par la société AB Inbev France à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 25 février 2016 ;

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit irrecevable l'action de la société AB inbev France contre MM. Christian et Maxime D.,

Statuant à nouveau, déclare recevable l'action de la société AB inbev France contre MM. Christian et Maxime D. ;

Confirme la décision déférée pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute la société AB Inbev France de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de MM. Christian et Maxime D. ;

Condamne la société AB Inbev France aux dépens d'appel et à verser à la société en nom collectif MC la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.