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Décisions

Cass. crim., 2 avril 2003, n° 02-82.674

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

M. Di Guardia

Paris, ch. de l'instruction, du 23 janv.…

23 janvier 2002

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 23 janvier 2002, qui, dans l'information suivie des chefs de faux et usage, favoritisme, trafic d'influence, corruption, abus de confiance, complicité et recel d'abus de confiance, abus de biens sociaux, complicité et recel d'abus de biens sociaux, a confirmé l'ordonnance des juges d'instruction ayant déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 4 , du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'Alain X... s'est constitué partie civile, sur le fondement de l'article L. 225-252 du Code de commerce, dans l'information suivie, notamment, des chefs d'abus de biens sociaux et complicité, contre les dirigeants de plusieurs sociétés, dont la société Sogea, ayant passé des marchés pour la construction et la rénovation des lycées de la région Ile-de-France et dont il se disait actionnaire ;

Attendu que, par ordonnance du 4 septembre 2001, les juges d'instruction ont déclaré irrecevable sa constitution de partie civile au motif, notamment, que les seuls délits dont ils sont saisis, pouvant porter préjudice à un actionnaire, l'ont été relativement à des entreprises dont le plaignant n'est pas actionnaire ; que, sur son appel, la chambre de l'instruction a confirmé cette ordonnance ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du Code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 86 et 591 du Code de procédure pénale ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 201 du décret du 23 mars 1967 et 591 du Code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'Alain X... a invoqué devant la chambre de l'instruction la violation du principe de contradiction en faisant valoir qu'il n'avait pas eu connaissance des réquisitions du procureur de la République et que les juges d'instruction avaient rendu leur ordonnance sans l'avoir entendu ni invité à présenter ses observations ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt attaqué énonce qu'aucune disposition du Code de procédure pénale n'impose que les réquisitions du ministère public soient communiquées à la partie civile, l'article 87, alinéa 3, du Code précité disposant que le juge d'instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l'intéressé peut interjeter appel ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes invoqués ;

D'où il suit que les moyens, abstraction faite d'un motif erroné, mais surabondant, relatif à l'absence de mise en cause devant la chambre de d'instruction des sociétés concernées, par l'intermédiaire de leurs représentants légaux, ne peuvent être admis ;

Mais sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 236-3 et L. 225-252 du Code de commerce ;

Vu les articles 2, 3 et 85 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance des juges d'instruction ayant déclaré Alain X... irrecevable à se constituer partie civile, la chambre de l'instruction relève que si, dans sa plainte, l'intéressé indiquait qu'il était actionnaire de diverses sociétés mises en cause dans le cadre de l'information, il ne fait plus état dans son mémoire que de la seule société Vinci qui serait devenue la société mère de sociétés mises en cause par suite d'une fusion-absorption intervenue le 12 décembre 2001, soit postérieurement à la date des faits ; qu'elle énonce que, dans ces conditions, il est difficile de considérer comme possible le préjudice éventuellement subi par la société Vinci, lequel ne pourrait en toute hypothèse qu'être indirect ;

qu'elle ajoute que s'il est indifférent qu'Alain X... ait acquis ses actions postérieurement aux agissements dénoncés, il convient d'observer que les sociétés au préjudice desquelles des abus de biens sociaux auraient été commis ne figurent pas au nombre de celles dont il est actionnaire ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de la fusion intervenue entre la société Vinci, dont Alain X... est actionnaire, et la société Sogea qui aurait été victime d'abus de biens sociaux, la société absorbante est substituée activement et passivement aux droits et obligations de la société absorbée, et qu'en conséquence, les actionnaires de la société Vinci, absorbante, sont recevables, sur le fondement de l'article L. 225-252 du Code de commerce, à demander réparation du dommage résultant d'actes délictueux qui auraient été commis au préjudice de la société Sogea, absorbée, et de ses filiales, les sociétés Croizet-Pourty et Sicra, par leurs dirigeants sociaux, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le cinquième moyen proposé,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 23 janvier 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.