Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-17.779
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Guillou
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 mars 2013), que la société Lyonnaise de banque (la banque) s'est rendue caution à concurrence de 38 115 euros des engagements de la société Etablissements Charles Cuggia (la société Cuggia) envers la société Médis ; que cet engagement était garanti par le nantissement, au profit de la banque, d'un compte à terme d'un montant de 38 000 euros ouvert par la société Cuggia ; que le 30 novembre 2002, la société Distribution Casino France (la société Casino) est venue aux droits de la société Médis par l'effet d'une fusion-absorption ; que le 18 mars 2005, la société Cuggia a été mise en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que la créance de la société Casino au passif de la société Cuggia ayant été fixée à une certaine somme, la banque a payé cette somme et mis en oeuvre le nantissement ; que soutenant que celui-ci ne garantissait pas l'engagement de caution au-delà de la date de fusion-absorption, le liquidateur a demandé restitution de la même somme à la banque, déduction faite de celles dues à la société Médis à cette même date ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le nantissement du compte à terme ouvert dans ses livres par la société Cuggia n'avait pas été affecté à la garantie des sommes dues à la société Casino et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer au liquidateur les sommes qui auraient figuré au crédit de ce compte au jour où cet arrêt serait devenu définitif si elles n'avaient pas été versées à la société Casino, sous déduction de la somme de 1 863, 93 euros, soit la somme de 36 130, 07 euros à parfaire, alors, selon le moyen :
1°/ que la fusion-absorption entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, dans l'état où il se trouve à la date de l'opération ; qu'en relevant néanmoins que la fusion-absorption de la société Medis par la société Casino avait eu pour conséquence de limiter l'engagement de caution de la société Lyonnaise de banque aux dettes de la société Cuggia envers la société Medis à la date de cette fusion-absorption, de sorte que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Casino, bien que le cautionnement garantissant le paiement des sommes dues par la société Cuggia ait été transmis de plein droit à la société Casino par suite de la fusion-absorption de la société Medis, la cour d'appel a violé l'article L. 236-3 du code de commerce ;
2°/ qu'en cas de fusion de sociétés, par voie d'absorption d'une société par une autre, l'obligation de la caution qui s'est engagée envers la société absorbée est maintenue pour la garantie des dates nées postérieurement à la fusion en cas de manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager envers la société absorbante ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour juger que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque pour la garantie des créances de la société Medis n'avait pas été affecté à la garantie des créances de la société Casino, que la société Cuggia n'avait pas donné son accord à ce transfert faute d'avoir été informée avant sa mise en liquidation judiciaire de ce que la société Lyonnaise de banque entendait maintenir sa caution au profit de la société Casino, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la circonstance que la société Cuggia ait continué après la fusion-absorption à payer la commission de caution établissait la volonté de la société Cuggia de voir le cautionnement maintenu au profit de la société Casino, de sorte que la volonté manifestée par la banque, lors de la liquidation judiciaire de la société Cuggia, de s'engager au profit du nouveau créancier emportait le maintien du cautionnement pour la garantie des dettes nées postérieurement à la fusion et, par suite, le transfert du nantissement initialement affecté à la garantie des créances de la société Medis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2292 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce ;
3°/ que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en affirmant néanmoins que le silence du liquidateur faisant suite au courrier lui ayant été adressé le 6 décembre 2005 par la banque pour l'informer qu'elle réglerait, en qualité de caution, à la société Casino la somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme garantissant le cautionnement des sommes dues à la société Medis ne pouvait valoir acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution souscrit par la banque, après avoir pourtant constaté que le liquidateur avait bénéficié d'une information préalable et ne s'était pas opposé au paiement par la banque, ce dont il se déduisait qu'il avait tacitement donné son accord à l'exécution par la banque de son engagement de caution, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu à bon droit que la fusion-absorption de la société Médis, entraînant sa disparition avait eu pour conséquence de limiter l'engagement de caution de la banque aux sommes dues par la société Cuggia à la date de cette fusion-absorption ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que si la banque a accepté de cautionner à l'égard de la société absorbante de nouvelles dettes de la société Cuggia, ce seul engagement n'a pu, à défaut d'accord de celle-ci ou de son liquidateur, avoir pour effet de transférer la garantie dont était assorti le cautionnement antérieurement consenti en faveur de la société absorbée ; qu'il retient encore qu'un tel accord ne saurait se déduire du seul paiement par la société Cuggia des frais afférents à la caution ni du maintien de ses relations commerciales avec la société Casino, dès lors qu'elle n'avait pas connaissance à cette date de la volonté de la banque de maintenir sa caution envers cette dernière, ni du silence du liquidateur à réception du courrier de la banque du 6 décembre 2005 l'informant qu'elle exécuterait son engagement de caution envers la société Casino ; que par ces constatations et appréciations souveraines de la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.