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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 21 janvier 2014, n° 12/04705

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Daidie, Mourot

Défendeur :

Les Albères (SNC), Oceanis JV (SAS), Oceanis Promotion (SAS), Oceanis Participation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, M. Prouzat

Avoué :

Me Auche

Avocats :

Me Auche-Hedou, Me Tribillac, Me Argellies, Me Legros

T. com. Montpellier, du 16 mai 2012, n° …

16 mai 2012

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 11 décembre 2006, Alain Daidie et Danièle Mourot épouse Daidie ont fait l'acquisition auprès de la SNC Les Albères de trois unités d'hébergement formant les lots n° 975, 983 et 1001 de l'ensemble immobilier dénommé [...], pour le prix global de 447 900 € ; cet acte faisait suite à trois compromis de vente sous seing privé en date du 22 juin 2006, chacun comportant, en annexe, une attestation du vendeur par laquelle celui-ci s'engageait à prendre en charge les frais d'acte de vente et les frais d'hypothèque occasionnés par la souscription du prêt principal.

M. et Mme Daidie ont également acquis, par un second acte notarié du 29 décembre 2006, l'unité d'hébergement formant le lot n° 992 du même ensemble immobilier au prix de 152 915 €, ledit acte constituant la réitération d'un compromis de vente signé à la même date du 22 juin 2006.

Il est stipulé dans l'acte notarié, page 21, que « tous les frais, droits et émoluments des présentes, et ceux qui en seront la suite ou la conséquence, seront, par dérogation à l'article 1593 du code civil, supportés par le vendeur, à l'exception des frais de prêt s'il y a lieu » et que « le montant de ces frais s'élève à la somme de dix mille cinq cent quarante euros (10 540 €) ».

Après diverses mises en demeure de régler les frais exposés, liés à la vente et à l'inscription d'une hypothèque, M. et Mme Daidie ont, par acte du 6 juillet 2011, fait assigner la SNC Les Albères, ainsi que les SAS Océanis Promotion et Océanis J.V. prises en leurs qualités d'associés de la société Les Albères, devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de la somme de 39 912 € en principal, correspondant aux frais de vente (39 340 €) et aux frais d'hypothèque (572 €).

La SARL O. Participation est intervenue à l'instance comme venant aux droits de la société Les Albères par suite d'une transmission universelle de patrimoine, après avoir indiqué que les parts sociales détenues par les sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V. dans la société Les Albères lui avaient été cédées.

Par jugement du 16 mai 2012, le tribunal a statué en ces termes :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu les stipulations contractuelles,

Dit que les sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion sont hors de cause,

Déboute de l'ensemble des demandes, fins et conclusions M. et Mme Daidie à l'encontre des sociétés SNC Les Albères aux droits de qui vient la société O. Participation, Océanis SNSPF et Océanis Promotion,

Condamne in solidum les époux Daidie à payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme Daidie ont régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Ils demandent à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 12 novembre 2013) de condamner solidairement les sociétés Les Albères, Océanis SNSPF et Océanis Promotion à leur payer la somme de 39 912 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2010, date de la mise en demeure, outre les sommes de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement, ils concluent à la condamnation solidaire des sociétés Les Albères et O. Participation à leur payer les mêmes sommes.

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

-à deux reprises, lors de la signature des compromis de vente et des actes notariés, la société Les Albères a pris l'engagement de prendre en charge les frais d'acte et d'hypothèque, dont ils ont sollicité, en vain, le remboursement,

-ces frais ont été en réalité incorporés au prix d'acquisition de 600 815 €, qualifié de « prix contrat en mains », à concurrence de la somme de 30 200 €, ainsi qu'il ressort des énonciations des actes notariés, page 6 et 7,

-la cour devra considérer soit que l'accord des parties, tel que résultant des compromis de vente initiaux, était que les frais de la vente soient supportés par la société Les Albères, soit qu'ils ont été victimes d'une tromperie du vendeur, qui leur a fait croire que le prix payé était un prix hors frais de vente, donnant lieu à l'octroi de dommages et intérêts,

-anciens associés de la SNC Les Albères, les sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion restent tenues à leur égard du passif social, antérieur à la cession de leurs parts sociales intervenue le 14 novembre 2011, qui leur est inopposable.

La société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. concluent, pour leur part, à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à leur payer à chacune la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 15 octobre 2012).

Elles exposent en substance que :

-la SNC Les Albères a fait l'objet, après la cession des parts sociales détenues par les sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion, d'une transmission universelle de patrimoine, en application de l'article 1844-4 du code civil, au profit de la société O. Participation et d'une dissolution anticipée,

-M. et Mme Daidie ne sont pas recevables à agir à l'encontre des sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion en leurs qualités d'anciens associés de la société Les Albères à défaut d'avoir obtenu, préalablement, un titre exécutoire à l'encontre de celle-ci et de l'avoir vainement mis en demeure par acte extrajudiciaire,

-les intéressés ne se sont acquittés, conformément aux stipulations contractuelles, que du prix de biens immobiliers « contrat en main », sans aucun frais en sus, et ne peuvent dès lors solliciter du juge une modification du prix convenu,

-ils ne rapportent pas la preuve que les frais, dont ils sollicitent le remboursement, ont été acquittés par eux, alors qu'ils étaient contractuellement à la charge de la société Les Albères.

La société Les Albères n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui ayant été signifiées par acte d'huissier de justice du 11 septembre 2012 remis à une personne, qui a déclaré à l'huissier être habilitée à recevoir l'acte pour le compte de la personne morale.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 novembre 2013.

MOTIFS de la DECISION :

Après que la société O. Participation fut devenue propriétaire de toutes les parts sociales de la société Les Albères, la dissolution de cette société, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique, a été décidée par déclaration de celui-ci du 21 novembre 2011, publiée le 1er décembre 2011 dans un journal d'annonces légales ; en l'absence d'opposition des créanciers dans le délai de trente jours suivant cette publication, la transmission à la société O. Participation du patrimoine de la société Les Albères s'est opérée en application de l'article 1844-5 du code civil, ce dont est résulté la disparition de la personne morale ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la société O. Participation se substituait à la société Les Albères.

Selon l'article L. 221-1 du code de commerce, les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ; il est ainsi de principe que les associés en nom collectif qui cèdent la totalité des parts sociales, qu'ils détiennent dans la société, restent tenus à l'égard des créanciers sociaux de la totalité du passif antérieur à leur retrait, sauf décharge expresse des créanciers ; en l'occurrence, la cession par les sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V. à la société O. Participation, suivant acte sous seing privé du 14 novembre 2011, de la totalité de leurs parts sociales de la société Les Albères ne saurait avoir pour effet de décharger les sociétés cessionnaires des dettes éventuelles ayant pour fait générateur les ventes litigieuses, effectuées les 11 et 29 décembre 2006, au profit de M. et Mme Daidie, antérieurement à la cession ; par ailleurs, force est de constater que deux mises en demeure successives ont été adressées par ces derniers à la société Les Albères, la seconde par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'une sommation de payer, dénoncée aux sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V., lui a été délivrée par acte d'huissier de justice du 8 avril 2011 visant une somme de 68 492 € ramenée aujourd'hui à 39 912 €.

Sur le fond, il est constant que chacun des quatre compromis de vente signé le 22 juin 2006 entre la société Les Albères et M. et Mme Daidie comporte en annexe une attestation du vendeur par laquelle celui-ci s'engage à prendre en charge les frais d'acte de vente et les frais d'hypothèque occasionnés par la souscription du prêt principal, l'acte notarié du 29 décembre 2006, réitératif de l'une des quatre ventes, stipulant également que par dérogation à l'article 1593 du code civil, le vendeur supportera tous les frais, droits et émoluments, à l'exception des frais de prêt éventuels.

Les ventes à M. et Mme Daidie des quatre unités d'hébergement formant les lots n° 975, 983, 1001 et 992 de l'ensemble immobilier « Les Albères » ont été réalisées pour un prix convenu dit « contrat en mains » de 447 900 € pour la première vente portant sur trois lots et de 152 915 € pour la seconde portant sur un lot, soit 138 530 € pour le lot n° 975, 154 685 € pour le lot n° 983, 154 685 € pour le lot n° 1001 et 152 915 € pour le lot n° 992 ; il ressort cependant des énonciations de l'acte du 11 décembre 2006 , pages 7 et 8, que pour le calcul de l'impôt sur la mutation, l'assiette des droits a été chiffrée à la somme de 419 100 €, soit le prix de la vente égal à 447 900 € diminué des frais de la présente vente, contrat en mains, constitutif d'une charge venant en déduction du prix, et évalués à la somme de 28 800 € ; l'acte du 29 décembre 2006 comporte, page 6, une disposition analogue indiquant que pour le calcul de l'impôt, l'assiette des droits a été chiffrée à la somme de 142 375 €, soit le prix de la vente égal à 152 915 € diminué des frais de la présente vente, contrat en mains, constitutif d'une charge venant en déduction du prix, et évalués à la somme de 10 540 € ;

Or, la société Les Albères, vendeur, a contracté l'obligation de prendre en charge, par dérogation à l'article 1593 du code civil, tous les frais, droits et émoluments des ventes, à l'exception des frais de prêts éventuels, dont le montant s'élève à 28 800 € + 10 540 € = 39 340 € ; en incluant dans les prix « contrat en mains » ces frais de vente, que M. et Mme Daidie ont donc indirectement payés, alors qu'elle aurait dû les prendre en charge, la société Les Albères n'a pas exécuté l'obligation, qu'elle avait contractée, et a ainsi engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; le préjudice de M. et Mme Daidie correspond à l'avantage financier, dont ils ont été privés du fait de l'inexécution par le vendeur de son obligation, résultant de l'exonération des frais inhérents à la vente à concurrence de ladite somme de 39 340 € ; en revanche, les intéressés ne justifient pas s'être acquittés du salaire du conservateur des hypothèques, d'un montant total de 572 €.

Il convient en conséquence de condamner solidairement la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. à payer à M. et Mme Daidie la somme de 39 340 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2011, date de réception de la seconde mise en demeure.

M. et Mme Daidie n'établissent pas avoir subi un préjudice supplémentaire, distinct du simple retard dans le paiement.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. doivent être condamnées, avec la même solidarité, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme Daidie la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Condamne solidairement la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. à payer à Alain Daidie et Danièle Mourot épouse Daidie la somme de 39 340 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2011,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne, avec la même solidarité, la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme Daidie la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.