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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 21 janvier 2014, n° 12/04716

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Soubiron, Sorbe

Défendeur :

Les Albères (SNC), Oceanis Promotion (SAS), Oceanis JV (SAS), Oceanis Participation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, M. Prouzat

Avocats :

Me Tribillac, Me Auche-Hedou, Me Argellies, Me Legros

T. com. Montpellier, du 16 mai 2012, n° …

16 mai 2012

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 7 février 2007, faisant suite à trois compromis de vente du 22 juin 2006, Jean-Luc Soubiron et Isabelle Sorbe épouse Soubiron ont fait l'acquisition auprès de la SNC Les Albères de trois unités d'hébergement formant les lots n° 965, 973 et 1016 de l'ensemble immobilier dénommé « Les Albères » situé à Argelès-sur-Mer (66), pour le prix global de 470 875 €.

Il est stipulé dans l'acte, page 22, que « tous les frais, droits et émoluments des présentes, et ceux qui en seront la suite ou la conséquence, seront, par dérogation à l'article 1593 du code civil, supportés par le vendeur, à l'exception des frais de prêt s'il y a lieu » et que « le montant de ces frais s'élève à la somme de trente mille deux cents euros (30 200 €) ».

Après diverses mises en demeure de régler les frais exposés, liés à la vente et à l'inscription d'une hypothèque, M. et Mme Soubiron ont, par acte du 6 juillet 2011, fait assigner la SNC Les Albères, ainsi que les SAS Océanis Promotion et Océanis J.V. prises en leurs qualités d'associés de la société Les Albères, devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de la somme de 30 656 € en principal.

La SARL O. Participation est intervenue à l'instance comme venant aux droits de la société Les Albères par suite d'une transmission universelle de patrimoine, après avoir indiqué que les parts sociales détenues par les sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V. dans la société Les Albères lui avaient été cédées.

Par jugement du 16 mai 2012, le tribunal a statué en ces termes :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu les stipulations contractuelles,

Valide le plan de cession des parts sociales Océanis J.V. et Océanis Promotion à O. Participation et met hors de cause Océanis J.V. et Océanis Promotion dans le présent litige,

Déboute de l'ensemble des demandes, fins et conclusions M. et Mme Soubiron à l'encontre des sociétés SNC Les Albères aux droits de qui vient la société O. Participation, Océanis SNSPF et Océanis Promotion,

Condamne in solidum les époux Soubiron à payer la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme Soubiron ont régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Ils demandent à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 5 septembre 2013) de condamner solidairement les sociétés Les Albères, Océanis SNSPF et Océanis Promotion à leur payer la somme de 30 656 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2010, date de la mise en demeure, outre les sommes de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement, ils concluent à la condamnation solidaire des sociétés Les Albères et O. Participation à leur payer les mêmes sommes.

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

-à deux reprises, lors de la signature des compromis de vente et de l'acte notarié, la société Les Albères a pris l'engagement de prendre en charge les frais d'acte et d'hypothèque, dont ils ont sollicité, en vain, le remboursement,

-ces frais ont été en réalité incorporés au prix d'acquisition de 470 875 €, qualifié de « prix contrat en mains », à concurrence de la somme de 30 200 €, ainsi qu'il ressort des énonciations de l'acte notarié, page 6,

-la cour devra considérer soit que l'accord des parties, tel que résultant des compromis de vente initiaux, était que les frais de la vente soient supportés par la société Les Albères, soit qu'ils ont été victimes d'une tromperie du vendeur, qui leur a fait croire que le prix payé était un prix hors frais de vente, donnant lieu à l'octroi de dommages et intérêts,

-anciens associés de la SNC Les Albères, les sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion restent tenues à leur égard du passif social, antérieur à la cession de leurs parts sociales intervenue le 14 novembre 2011, qui leur est inopposable.

La société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. concluent, pour leur part, à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à leur payer à chacune la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 15 octobre 2012).

Elles exposent en substance que :

-la SNC Les Albères a fait l'objet, après la cession des parts sociales détenues par les sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion, d'une transmission universelle de patrimoine, en application de l'article 1844-4 du code civil, au profit de la société O. Participation et d'une dissolution anticipée,

-M. et Mme Soubiron ne sont pas recevables à agir à l'encontre des sociétés Océanis SNSPF et Océanis Promotion en leurs qualités d'anciens associés de la société Les Albères à défaut d'avoir obtenu, préalablement, un titre exécutoire à l'encontre de celle-ci et de l'avoir vainement mis en demeure par acte extrajudiciaire,

-les intéressés ne se sont acquittés, conformément aux stipulations contractuelles, que du prix de biens immobiliers « contrat en mains », sans aucun frais en sus, et ne peuvent dès lors solliciter du juge une modification du prix convenu,

-ils ne rapportent pas la preuve que les frais, dont ils sollicitent le remboursement, ont été acquittés par eux, alors qu'ils étaient contractuellement à la charge de la société Les Albères.

La société Les Albères n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui ayant été signifiées par acte d'huissier de justice du 12 septembre 2012 remis à une personne, qui a déclaré à l'huissier être habilitée à recevoir l'acte pour le compte de la personne morale.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 novembre 2013.

MOTIFS de la DECISION :

Après que la société O. Participation fut devenue propriétaire de toutes les parts sociales de la société Les Albères, la dissolution de cette société, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique, a été décidée par déclaration de celui-ci du 21 novembre 2011, publiée le 1er décembre 2011 dans un journal d'annonces légales ; en l'absence d'opposition des créanciers dans le délai de trente jours suivant cette publication, la transmission à la société O. Participation du patrimoine de la société Les Albères s'est opérée en application de l'article 1844-5 du code civil, ce dont est résulté la disparition de la personne morale ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la société O. Participation se substituait à la société Les Albères.

Selon l'article L. 221-1 du code de commerce, les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ; il est ainsi de principe que les associés en nom collectif, qui cèdent la totalité des parts sociales, qu'ils détiennent dans la société, restent tenus à l'égard des créanciers sociaux de la totalité du passif antérieur à leur retrait, sauf décharge expresse des créanciers ; en l'occurrence, la cession par les sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V. à la société O. Participation, suivant acte sous seing privé du 14 novembre 2011, de la totalité de leurs parts sociales de la société Les Albères ne saurait avoir pour effet de décharger les sociétés cessionnaires des dettes éventuelles ayant pour fait générateur la vente litigieuse, effectuée le 7 février 2007, au profit de M. et Mme Soubiron, antérieurement à la cession ; par ailleurs, force est de constater que trois mises en demeure successives ont été adressées par ces derniers à la société Les Albères, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'une sommation de payer, dénoncée aux sociétés Océanis Promotion et Océanis J.V., lui a été délivrée par acte d'huissier de justice du 8 avril 2011 visant une somme de 53 086 € ramenée aujourd'hui à 30 656 €.

Sur le fond, il est constant que chacun des trois compromis de vente signés le 22 juin 2006 entre la société Les Albères et M. et Mme Soubiron comporte en annexe une attestation du vendeur par laquelle celui-ci s'engage à prendre en charge les frais d'acte de vente et les frais d'hypothèque occasionnés par la souscription du prêt principal et que l'acte notarié du 7 février 2007, réitératif de la vente, stipule également que par dérogation à l'article 1593 du code civil, le vendeur supportera tous les frais, droits et émoluments, à l'exception des frais de prêt éventuels, le montant de ces frais s'élevant à la somme de 30 200 €.

La vente à M. et Mme Soubiron des trois unités d'hébergement formant les lots n° 965, 973 et 1016 de l'ensemble immobilier « Les Albères » a été réalisée pour un prix convenu dit « contrat en mains » de 470 875 €, soit 140 575 € pour le lot n° 965, 175 615 € pour le lot n° 973 et 154 685 € pour le lot n° 1016 ; il ressort cependant des énonciations de l'acte, page 6, que pour le calcul de l'impôt sur la mutation, l'assiette des droits a été chiffrée à la somme de 440 675 €, soit le prix de la vente égal à 470 875 € diminué des frais de la présente vente, contrat en mains, constitutif d'une charge venant en déduction du prix, et évalués à la somme de 30 200 €.

Or, la société Les Albères, vendeur, a contracté l'obligation de prendre en charge, par dérogation à l'article 1593 du code civil, tous les frais, droits et émoluments de la vente, à l'exception des frais de prêts éventuels, dont le montant s'élève à 30 200 € ; en incluant dans le prix « contrat en mains » ces frais de vente, que M. et Mme Soubiron ont donc indirectement payés, alors qu'elle aurait dû les prendre en charge, la société Les Albères n'a pas exécuté l'obligation, qu'elle avait contractée, et a ainsi engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; le préjudice de M. et Mme Soubiron correspond à l'avantage financier, dont ils ont été privés du fait de l'inexécution par le vendeur de son obligation, résultant de l'exonération des frais inhérents à la vente à concurrence de ladite somme de 30 200 € ; en revanche, les intéressés ne justifient pas s'être acquittés du salaire du conservateur des hypothèques, d'un montant de 441 €.

Il convient en conséquence de condamner solidairement la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. à payer à M. et Mme Soubiron la somme de 30 200 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010, date de réception de la première mise en demeure.

M. et Mme Soubiron n'établissent pas avoir subi un préjudice supplémentaire, distinct du simple retard dans le paiement.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. doivent être condamnées, avec la même solidarité, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme Soubiron la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Condamne solidairement la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. à payer à Jean-Luc Soubiron et Isabelle Sorbe épouse Soubiron la somme de 30 200 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne, avec la même solidarité, la société O. Participation, la société Océanis Promotion et la société Océanis J.V. aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme Soubiron la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.