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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 25 octobre 2018, n° 17/02465

CAEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Heijmeijer, Mme Gouarin

T. com. Cherbourg, du 9 juin 2017

9 juin 2017

EXPOSE DU LITIGE

La SNC société d'investissement A., anciennement dénommée SNS société d'investissement L. A. jusqu'à la cession de ses parts par M. L. suivant acte notarié en date du 11-08-2006, était constituée de deux associés en la personne de M. Arnaud A. et M. Marc A..

Par jugement en date du 28-04-2014, le tribunal de commerce de Cherbourg a prononcé sa liquidation judiciaire.

Par acte en date du 23-02-2015, la caisse de Crédit Agricole a assigné en paiement M. Marc A. et M. Arnaud A. en leur qualité d'associés de la SNC aux fins de paiement de divers concours bancaires.

Par jugement en date du 09-06-2017, le tribunal de commerce de Cherbourg a :

- condamné solidairement MM. A. Marc et Arnaud au paiement des sommes suivantes :

. 17 468,21 € au titre du solde débiteur du compte courant professionnel contracté par la Société, avec intérêts au taux légal à compter du 04-02-2015, date du dernier décompte.

. 152 018,03 € au titre du prêt n° 000634088801 contracté par la SNC avec intérêts au taux de 6,90 % à compter du 04-02-2015, date du dernier décompte.

. 1 103,22 € au titre du prêt n°00038055703 contracté par la SNC avec intérêts au taux de 10 % à compter du 04- 02-2015

. 2 245,88 € au titre du prêt n°00016288638 contracté par la SNC, avec intérêts au taux de 7,75 % à compter du 04-02-2015.

- débouté les consorts A. de leur demande formée contre M. L. aux fins de les garantir des condamnations qui pourraient être mises à leur charge au titre du prêt consenti le 29-12-2004.

-condamné solidairement les consorts A. au paiement de la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté M. L. de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné solidairement les consorts A. aux dépens.

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 14-07-2017, les consorts A. ont relevé appel de la décision.

Par ordonnance en date du 13-02-2018, la Cour d'Appel de Caen a arrêté l'exécution provisoire du jugement.

Par conclusions en date du 13-10-2017, les appelants sollicitent l'infirmation du jugement et après avoir rappelé que la créance de la banque a été fixée selon arrêt en date du 15-12-2011rendu par la Cour d'Appel de Caen à la somme principale de 118 338,36 €, ils sollicitent que M. L. soit jugé responsable solidairement des dettes sociales antérieures à la cession de parts du 11-08-2006, soit la somme de 152 018,03 € avec intérêts au titre du prêt du 29-12-2004 outre celle de 5 664,22 € au titre du solde du compte courant professionnel débiteur à la date de cession des parts.

A titre reconventionnel, ils sollicitent la condamnation de la banque au paiement de la somme de 172 835,34 € autre les intérêts au taux légal à compter du 04-02-2015 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Ils sollicitent enfin le paiement par la banque de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 23-04-2018, M. L. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes à son encontre et réclame le paiement de la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 11-12-2017, la caisse de Crédit Agricole sollicite la confirmation du jugement rendu et le paiement par les appelants de la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions pour le plus ample exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20-06-2018.

MOTIFS

Les appelants ne contestent pas en cause d'appel le principe et le montant de la créance de la caisse de Crédit Agricole telle que fixée par le jugement déféré mais présentent une demande reconventionnelle aux fins d'obtenir des dommages et intérêts à l'encontre de la banque à hauteur de 172 835,34 € pour manquement à son obligation d'information.

Ils maintiennent par ailleurs leur demande à l'égard de l'ancien associé au titre du prêt en date du 29-12-2004 et du solde du compte courant arrêté au 11-08-2006.

-Sur la responsabilité de la banque

- M. Arnaud A. lui reproche un manquement à son obligation de l'informer à titre personnel des risques qu'il encourait en qualité d'associé au sein d'une société en nom collectif, et soutient en outre qu'elle aurait dû l'informer des risques encourus lors de l'achat du fonds de commerce en décembre 2004.

Pour sa part, M. Marc A. soutient que la banque a exigé qu'il acquiert des parts dans la société en 2006, sans l'informer des risques encourus en sa qualité d'associé.

-Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts, l'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit à agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

- Pour s'opposer à la demande de M. Arnaud A., la banque invoque l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Caen le 15-12-2011, lequel a statué sur les sommes qui lui étaient dues par la SNC société d'investissement A..

Lors de cette procédure, ladite société, représentée par son liquidateur, avait mis en jeu la responsabilité de la banque au titre des prêt consentis les 14-08-2006 et 16-11-2006 et la cour avait retenu le manquement à l'obligation de mise en garde, le préjudice subi par la société tenant à la perte de la chance de ne pas contracter ces prêts, évaluée à 90 % des sommes dues.

En revanche la cour n'était pas saisie d'une demande au titre du prêt souscrit le 29-12-2004.

Il s'en suit qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée concernant la demande afférente à ce prêt ni pour celle concernant le manquement à l'obligation d'informer l'associé sur les risques pris par lui au sein d'une SNC.

La banque invoque alors l'irrecevabilité de la demande pour cause de prescription.

En matière d'action en responsabilité, la prescription court à compter de la réalisation du dommage.

Dans le cas d'un manquement à l'obligation de mise en garde, le dommage qui en résulte consiste en la perte d'une chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste dès la conclusion du contrat dans la mesure où la possibilité de ne pas contracter disparaît le jour de la conclusion effective de la convention.

La prescription applicable au cas d'espèce est fixée par l'article L110-4 du code de commerce.

La réforme entrée en vigueur le 18-06-2008 a ramené à 5 ans la durée fixée antérieurement à 10 ans.

Sous l'empire de la loi ancienne le délai de prescription afférent au prêt du 29-12-2004 prenait fin le 29-12-2014 et sous l'empire de la loi nouvelle, il a pris fin dès le 18-06-2013.

Il en est de même pour le manquement à l'obligation d'information quant aux risques encourus en qualité d'associé d'une société en nom collectif, la banque ne pouvant exercer son devoir de conseil qu'à l'occasion de l'octroi du prêt.

Dans le cas présent, la responsabilité de la banque n'a été recherchée que le 05-11-2015 par conclusions devant le tribunal de commerce, de sorte que la demande doit être déclarée irrecevable.

- Concernant M. Marc A., il a acquis la qualité d'associé de la SNC le 24-08-2006 et la banque soulève la prescription de sa demande pour les mêmes raisons que ci-dessus.

Le délai pour agir débutait à compter de la souscription des prêts en date des 14-08-2006 et 16-11-2006.

Du fait de la réforme du 17-06-2008, il prenait fin à l'expiration d'un délai de 5 ans, soit le 18-06-2013 et les conclusions établies le 05-11-2015 rendent la demande irrecevable.

La demande reconventionnelle présentée en cause d'appel et tendant au paiement par la banque de la somme de 172 835,34 € à titre de dommages et intérêts est donc déclarée irrecevable.

-Sur les demandes à l'égard de M. L.

Le tribunal a débouté les consorts A. de leur demande tendant à obtenir la garantie de M. L. pour le prêt en date du 29-12-2004 et le solde débiteur du compte courant à la date du 11-08-2006 au motif que la société était à jour de ses règlements lors de la cession des parts.

Cet appel en garantie est fondé sur sa qualité d'associé au sein de la société en nom collectif, qui s'est poursuivie du jour de la création de la société en décembre 2004 jusqu'à la cession de ses parts en date du 11-08-2006.

L'article L221-1 du code de commerce dispose que les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Il s'en suit qu'un associé ne peut, par une cession de ses droits, même régulièrement publiée, se décharger, sans l'accord des créanciers sociaux, de l'obligation solidaire lui incombant à raison des dettes sociales.

Il reste notamment débiteur du ou des prêts souscrits par la société alors qu'il en était associé, même si le remboursement de ce prêt n'a pris fin qu'après son départ et donc même si la déchéance du terme a été notifiée postérieurement à la cession.

Il importe peu dans ces conditions que la créance de remboursement intégral de la banque soit née postérieurement à la cession de parts du 11-08-2006, régulièrement publiée le 18-08-2006.

Le prêt ayant été souscrit le 29-12-2004 et l'autorisation de découvert datant du 17-03-2005, M. L. est tenu au paiement, solidairement avec les appelants, des sommes suivantes :

. 152 018,03 € au titre du prêt en date du 29-12-2004, avec intérêts au taux de 10% à compter du 04-02-2015, date du dernier décompte.

. 5 664,22 € au titre du solde débiteur du compte courant à la date du 11-08-2006 outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en intervention forcée en date du 01-06-2015.

Le jugement déféré est par conséquent infirmé sur ce point.

L'équité commande d'allouer à la caisse de Crédit Agricole la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Parties succombâtes, les consorts A. et L. sont condamnés aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne ses dispositions afférentes à la garantie solidaire de M. L., lesquelles sont infirmées.

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne M. L. solidairement avec MM. Arnaud et Marc A. au paiement des sommes suivantes :

- 152 018,03 € avec intérêts au taux de 10 % à compter du 04-02-2015, au titre du prêt en date du 29-12-2004.

- 5 664,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 01-06-2015 au titre du solde débiteur du compte courant ouvert le 17-03-2015 et arrêté à la date du 11-08-2006.

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par les consorts A. à l'encontre de la caisse de Crédit Agricole.

Condamne les consorts A. à payer à la caisse de Crédit Agricole la somme de

1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les consorts A. et M. L. aux dépens de l'appel.