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Décisions

Cass. crim., 11 janvier 2001, n° 00-80.830

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. COTTE

Paris, du 02 déc. 1999

2 décembre 1999

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 433-2, 433-22, 433-23 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de trafic d'influence ;

" aux motifs que, contrairement à ses affirmations, le rôle de Guy A... dans ce trafic d'influence est clairement défini, puisqu'il avait accepté de se charger de constituer des dossiers pour des candidats à la naturalisation, alors que, de son propre aveu, il n'avait aucune compétence particulière en ce domaine, et que les clients ne remplissaient pas les conditions légales pour obtenir cette mesure ; qu'il a admis avoir reçu certains d'entre eux y compris à plusieurs reprises au cabinet de Me C..., et avoir perçu une rémunération, tout en la minimisant par rapport aux déclarations de Jacques D...; qu'il confortait par l'utilisation des locaux et du papier à en-tête du cabinet C... les affirmations fallacieuses de Guy A...et d'Aline F... sur la qualité des intervenants, et qu'il a lui-même déclaré avoir présenté Daniel H... à Jacques D..., en raison du pouvoir qu'il lui prêtait ; que les premiers juges ont exactement caractérisé les prestations intellectuelles fournies par l'intéressé auprès d'au moins trois des clients qui lui étaient adressés et qu'il reconnaît avoir reçus ; que, loin de se contenter de leur donner de vagues conseils, il constituait leurs dossiers et les conseillait en vue de réunir les pièces nécessaires ;

" 1) alors que le trafic d'influence suppose la sollicitation ou l'agrément d'avantages quelconques pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une décision favorable ;

que, ne saurait constituer un trafic d'influence le fait, pour un collaborateur travaillant au sein d'un cabinet d'avocat, d'instruire des dossiers contre rémunération et de renseigner des clients sur les démarches à effectuer pour obtenir certaines décisions administratives ; qu'en constatant, pour retenir Guy A... dans les liens de la prévention qu'il avait accepté de se charger de constituer des dossiers pour des candidats à la naturalisation alors qu'il n'avait pas de compétence en ce domaine et que les clients ne remplissaient pas les conditions légales pour bénéficier de cette mesure, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" 2) alors que le fait de se charger d'examiner certains dossiers alors même que l'on ne disposerait pas de compétence particulière en ce domaine ne saurait être constitutif d'un trafic d'influence ; qu'en se fondant sur un tel élément pour retenir la culpabilité de Guy A..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" 3) alors qu'en reprochant à Guy A... d'avoir accepté de se charger de constituer des dossiers pour des candidats à la naturalisation tout en admettant qu'il n'avait aucune compétence particulière en ce domaine et en reconnaissant, par ailleurs, que loin de donner de vagues conseils à ses clients, Guy A... constituait leurs dossiers et les conseillait en vue de réunir les pièces nécessaires, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé les textes susvisés ;

" 4) alors que le trafic d'influence suppose la sollicitation ou l'agrément d'avantages quelconques pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une décision favorable ;

que ne saurait être constitutif du délit de trafic d'influence le fait pour Guy A... d'avoir présenté Daniel H... à Jacques D... ; qu'en se fondant sur un tel motif pour retenir la culpabilité du demandeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Guy A..., ancien avocat radié du barreau de Paris et ayant conservé une activité de rédaction d'actes et de préparation de dossiers au cabinet de Maître C..., où il disposait d'un bureau, a accepté, à la demande de son ami Jacques D..., qui se targuait de ses relations et de son influence, en réalité supposées, auprès de la préfecture de police de Paris et du titre usurpé d'avocat international, pour faciliter à des ressortissants étrangers, moyennant rétribution, l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de se charger de l'établissement des dossiers ;

Qu'il a présenté à ce dernier Daniel H..., se disant ancien policier et membre de la DGSE, qui était susceptible de faciliter l'aboutissement des démarches moyennant versement de la somme de 250 000 francs et qui leur a fourni pour 150 000 francs des passeports belges provenant d'un lot de documents vierges dérobés en Belgique ;

que les juges, qualifiant de capital le rôle tenu par Guy A... aux côtés de Jacques D..., dont il confortait les allégations mensongères par l'utilisation des locaux et du papier à en tête du cabinet C..., précisent encore que sa rémunération, fixée par lui à 50 000 francs, a été de 250 000 francs selon Jacques D... ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé le délit reproché en tous ses éléments ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy A... coupable de faux en écritures ;

" aux motifs qu'il est reproché à ce titre à Guy A...d'avoir établi et signé pour ordre sur du papier à en-tête du cabinet d'avocat C...des accusés de réception des documents remis pour constituer les dossiers de demande de naturalisation ;

qu'en outre, un recours gracieux devant le préfet de police a été adressé le 19 juillet 1996 pour Nourdin G... sur le même papier ;

qu'il se contente d'invoquer un doute sur sa culpabilité à cet égard ;

mais considérant qu'aucun doute ne peut être conçu quant à la réalité des faits qui sont reprochés, que Me C... a toujours affirmé n'avoir pas connu les activités personnelles développées par son collaborateur au sein de son cabinet, et que Guy A... n'a pas contesté avoir établi les documents incriminés ;

" alors que le faux, à le supposer démontré, doit avoir pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que ne saurait être constitutif d'un faux le fait pour un collaborateur d'avocat d'établir sur papier à en-tête du cabinet où il travaille des accusés de réception de documents ou pièces remis pour constituer un dossier, un tel acte n'établissant pour son auteur la preuve d'aucun droit ; qu'en estimant en l'espèce que Guy A... se serait rendu coupable de faux en utilisant le papier à en-tête du cabinet où il exerçait son activité pour accuser réception de certains documents ou pour adresser une lettre de recours gracieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer Guy A... coupable de faux et usage, les juges relèvent qu'il a utilisé pour ses propres affaires le papier à en-tête du cabinet C..., avocat, qui avait mis à sa disposition un bureau, à l'insu de ce dernier, pour délivrer à divers particuliers des reçus ou encore pour rédiger un recours gracieux ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les écrits signés par le demandeur au nom de Me C... avaient des effets probatoires quant à la remise de documents contre reçu et des conséquences juridiques pour l'avocat dont le nom était usurpé, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de recel de faux documents administratifs ;

" aux motifs que les premiers juges ont exactement caractérisé à la charge de Guy A... le délit de recel de faux documents administratifs relatifs aux passeports belges fournis par Daniel H... ;

" et aux motifs adoptés qu'il n'est pas contesté que des passeports belges provenant d'un lot de documents vierges dérobés en Belgique seront introduits au cours de l'année 1997 par Daniel H... ; que, pour prix de leur rémunération, Jacques D... remettra à Daniel H... 150 000 francs par l'intermédiaire de Guy A... ; que la responsabilité pénale de chacun est ici engagée, y compris celle de Guy A..., intermédiaire entre Daniel H... et Jacques D... ;

" alors que le recel suppose que son auteur ait détenu, transmis ou bénéficié du produit de choses en sachant que celles-ci provenaient d'un délit ; qu'il ne résulte d'aucun des motifs de l'arrêt ou du jugement que Guy A... ait détenu, transmis ou bénéficié du produit des passeports belges ; qu'en déclarant cependant le demandeur coupable de recel, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et du jugement que Guy A... a servi d'intermédiaire dans l'introduction des passeports vierges d'origine belge et la rémunération de Daniel H... qui les lui avait proposés ;

Attendu que c'est, dès lors, à bon droit que les juges l'ont déclaré coupable de recel, cette infraction ne nécessitant pas nécessairement la détention matérielle de l'objet recélé ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 433-17 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'usurpation du titre d'avocat ;

aux motifs que les premiers juges ont exactement caractérisé l'usage habituel qu'il avait fait du titre d'avocat, en se référant aux déclarations constantes et convergentes des clients qui lui étaient adressés par Jacques D... ;

" et aux motifs adoptés que des déclarations constantes et convergentes des " clients " à lui adressés par Jacques D..., il résulte que Guy A... soit s'est présenté, soit a accepté en sa présence d'être présenté comme étant avocat ;

que l'usurpation de titre est donc parfaitement établie en ce qui le concerne ;

" alors qu'en retenant, pour établir la culpabilité de Guy A..., que soit il se serait présenté soit il aurait accepté d'être présenté comme avocat, la cour d'appel a statué par des motifs alternatifs et hypothétiques et violé les textes susvisés " ;

Sur le cinquième moyen proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 54, 66-2, 72 de la loi du 31 décembre 1971, 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'avoir délivré des consultations juridiques sans avoir le titre d'avocat ;

" aux motifs que les premiers juges ont exactement caractérisé les prestations intellectuelles fournies par l'intéressé auprès d'au moins trois des clients qui lui étaient adressés et qu'il reconnaît avoir reçus ; que, loin de se contenter de leur donner de vagues conseils, il constituait leurs dossiers et les conseillait en vue de réunir les pièces nécessaires ;

" alors que la constitution de dossiers et les conseils donnés aux clients en vue d'effectuer des démarches administratives ne sauraient constituer la délivrance de consultations juridiques relevant du monopole de l'avocat ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Sur le moyen unique de cassation d'Alain E..., pris de la violation des articles 121-7, 432-2, alinéas 1 et 2, 433-22 et 433-23 du Code pénal ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'usurpation du titre d'avocat et de consultations juridiques illégales ainsi que la complicité de trafic d'influence dont elle a déclaré les prévenus respectivement coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Guy A..., pris de la violation des articles 132-19 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Guy A...à la peine de 2 ans d'emprisonnement ;

" aux motifs que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la gravité des faits, de la participation des prévenus à ceux-ci, et de leur personnalité et que les peines prononcées à leur encontre seront confirmées ;

" et aux motifs adoptés qu'il sera fait à chacun une application de la loi pénale proportionnée à leur degré d'implication dans le trafic et à leurs personnalités ; que, sur ce point, le tribunal prendra en compte notamment les antécédents judiciaires de certains ou les responsabilités occupées par d'autres dans l'ordre social (tel d'Alain E..., fonctionnaire de police) ;

" alors que la juridiction correctionnelle ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; que, ne répond pas à cette exigence la motivation collective faisant état des antécédents judiciaires de certains ou des responsabilités occupées par d'autres ; que la cour d'appel, qui se borne à adopter les motifs insuffisants des premiers juges n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;

Attendu que, pour condamner Guy A... à une peine d'emprisonnement sans sursis, les juges retiennent notamment ses antécédents judiciaires et le rôle capital qu'il a joué au sein du réseau ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations répondant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;