Cass. crim., 11 février 2009, n° 07-86.705
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
Mme Desgrange
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 321-1 et 321-4 du code pénal, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a refusé de prononcer l'annulation de la mise en examen de Maurice X..., en date du 25 octobre 2006, du chef d'escroquerie au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable et en bande organisée et de la procédure subséquente ;
" aux motifs qu'au moment où le juge d'instruction a prononcé la mise en examen de Maurice X... du chef de recel d'escroquerie au préjudice de personne particulièrement vulnérable en bande organisée, les indices réunis dans le dossier tenaient à ce que le chèque n° 335 remis par Mme Y..., sans ordre, avait été déposé sur le compte de Me Z..., que celle-ci avait déclaré le tenir de Me X... pour lequel elle avait fait une vacation qu'elle n'était cependant pas en mesure de préciser ; que Me X... était constitué dans le dossier et qu'il avait été désigné par Joseph A... dès sa garde à vue ; qu'une conversation téléphonique ayant eu lieu le 5 avril 2005 (D 209, conversation 425) faisait état de ce que Joseph A... avait remis des chèques à un avocat qui devait se charger de faire payer la gadji des quatre pans ; qu'une expertise établissait que les travaux n'étaient pas nécessaires, qu'ils avaient été facturés à des prix sans relation avec leur réalité ; qu'il était également établi que les victimes étaient incitées autant que faire se peut à payer en espèces ou, à défaut, à laisser le chèque sans ordre ; que Me X... n'avait pas fourni d'explications de nature à contrecarrer ces éléments ; que le fait qu'une expertise, figurant au dossier au moment de la mise en examen, ait conclu que Mme Y... n'était pas une personne particulièrement vulnérable au sens pénal du terme n'était pas de nature à empêcher le juge, qui n'est pas lié par les conclusions des expertises, de retenir la circonstance aggravante de vulnérabilité ; qu'à cet égard, il sera relevé que Luciano B..., mis en examen, a déclaré au juge que les personnes âgées étaient choisies parce qu'elles étaient plus faciles à convaincre (D 433, p. 3) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'au moment où le magistrat instructeur a procédé aux mises en examen de Maurice X... du chef de recel d'escroquerie au préjudice de personne particulièrement vulnérable commis en bande organisée, il existait à son encontre des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pris part à la commission des infractions dont le juge était saisi ;
" 1°) alors que doivent être annulées les décisions des chambres de l'instruction qui ne répondent pas aux conclusions dont elles sont régulièrement saisies ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 80-1 du code de procédure pénale, à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; qu'il résulte de ce texte que le juge d'instruction ne peut mettre en examen une personne contre laquelle il n'existe dans le dossier qui lui est soumis aucun indice qu'elle ait participé avec intention aux faits dont il est saisi ; que dans son mémoire régulièrement déposé, Maurice X... faisait valoir que l'élément intentionnel du délit de recel d'escroquerie pour lequel il avait été mis en examen n'apparaissait nullement dans les différentes pièces du dossier transmis au juge d'instruction et qu'en rejetant sa demande de nullité fondée sur la violation des dispositions d'ordre public de l'article 80-1 du code de procédure pénale sans s'expliquer sur ce chef péremptoire de conclusions, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 321-1 du code de procédure pénale que l'élément intentionnel du délit de recel doit exister au cours du recelé ; que la cour d'appel a énoncé « que Maurice X... était constitué dans le dossier et qu'il avait été désigné par Joseph A... dès sa garde à vue » ; que, cependant, il résultait sans ambiguïté du dossier soumis au juge d'instruction, qu'à supposer que cette intervention dans la procédure ait été de nature à amener l'avocat à connaître l'origine frauduleuse du chèque qui lui avait été remis par son client quatre mois auparavant ce qu'au demeurant l'arrêt attaqué n'a pas constaté le juge d'instruction ne pouvait pas ne pas savoir, à la date où il a mis Maurice X... en examen, au vu du dossier qui lui était soumis, que cette connaissance hypothétique intervenait à une date où l'avocat n'était plus, depuis plusieurs mois, en possession de ce chèque, en sorte que ce magistrat ne disposait lors de la première comparution de Maurice X... devant lui d'aucun indice que celui-ci ait participé avec intention aux faits de recel d'escroquerie dont il était saisi et qu'en cet état, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure qui lui étaient soumises, refuser de prononcer l'annulation qui lui était demandée sur le fondement de l'article 80-1 du code de procédure pénale ;
" 3°) alors que, dans le dispositif de son mémoire régulièrement déposé, Maurice X... contestait les deux circonstances aggravantes du délit de recel d'escroquerie retenu contre lui par le juge d'instruction lors de sa mise en examen à savoir la particulière vulnérabilité de la victime et la commission de l'escroquerie en bande organisée en faisant valoir qu'il n'existait pas, à la date de cette mise en examen, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblables ces circonstances aggravantes ; que, pour rejeter ce moyen, la chambre de l'instruction aurait dû constater, compte tenu des dispositions impératives de l'article 321-4 du code pénal, qu'à la date où Maurice X... a été mis en examen, le juge d'instruction disposait à son encontre dans le dossier d'indices graves ou concordants mettant en évidence la connaissance par lui des deux circonstances aggravantes susvisées du délit d'escroquerie et que faute par elle d'avoir procédé à cette constatation, sa décision de rejeter le moyen susvisé n'est pas légalement justifiée " ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à la requête en annulation de la mise en examen de Maurice X..., du chef de recel aggravé, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que celui-ci a pu participer à la commission de l'infraction pour laquelle il a été mis en examen, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 11 juin 2008 :
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 321-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Maurice X... coupable de recel d'escroquerie ;
" aux motifs qu'il incombe à la cour de constater la matérialité de l'infraction de recel et l'existence de l'élément intentionnel du délit, Maurice X... ayant dû avoir clairement conscience que le chèque litigieux provenait d'un délit, en l'occurrence d'escroquerie ; qu'à cet égard, il est établi que Marie-Thérèse Y... a notamment émis le 17 février 2006 un chèque bancaire représentant la somme de 1 000 euros, sans indiquer d'ordre, à la demande de Luciano B..., qu'elle a remis à ce dernier ainsi que d'autres chèques, donc dans le cadre de l'escroquerie en bande organisée qui a donné lieu à diverses plaintes en février 2006 ; que l'enquête préliminaire permettait au procureur de la République d'ouvrir une information le 7 mars 2006 ; qu'il s'ensuit que le chèque bancaire susvisé constitue bien l'objet mobilier provenant du délit initial commis au préjudice de Marie-Thérèse Y... qui, ayant par ailleurs pris conscience un peu plus tard qu'elle avait été escroquée, a fait opposition auprès de sa banque ; que, s'agissant d'un délit commis en bande organisée, ce chèque avait été remis par Luciano B... à Joseph A..., qui devait lui-même le remettre à Maurice X..., son avocat depuis de nombreuses années, au motif d'une interdiction bancaire résultant d'une condamnation ancienne ; que ce chèque était remis à Maurice X... à l'occasion d'un rendez-vous donné à Joseph A... dans le cadre des procédures dont il faisait l'objet début mars 2006, et alors que l'enquête portant notamment sur l'escroquerie commise au préjudice de Marie-Thérèse Y... était en cours même si Joseph A..., en effet, n'avait pas encore été mis en examen ni Luciano B... d'ailleurs ; que reste donc à déterminer si Maurice X... a reçu ce chèque en sachant qu'il provenait d'un délit, condition nécessaire pour que celui-ci soit constitué dans tous ses éléments ; que, sur ce point, la cour constate que Maurice X... a essayé de dissimuler l'existence de ce chèque bancaire puisqu'il ne l'a pas perçu directement, ce qu'il pouvait faire en apposant son ordre et en l'enregistrant dans sa comptabilité ; que, bien au contraire, Maurice X... a donné ce chèque bancaire à une jeune avocate travaillant, de temps en temps, pour son cabinet, afin qu'elle l'encaissé elle-même auprès de sa banque sans se soucier d'ailleurs des risques qu'il lui faisait encourir et qui n'ont d'ailleurs pas manqué de se produire puisqu'elle a dû être entendue par les services de police ; que cette manoeuvre manifestement illicite aux plans comptable et fiscal, constitue la preuve de la volonté de dissimulation du chèque émis par Marie-Thérèse Y... et, par conséquent, de la connaissance que Maurice X... avait de l'origine frauduleuse du chèque susvisé ; que, dès lors, les faits reprochés à Maurice X... tels que qualifiés à la prévention sont suffisamment établis puisqu'il a lui-même détenu le chèque litigieux et l'a fait encaisser à son propre profit afin d'en dissimuler l'origine. Il y a lieu, en conséquence, d'entrer en voie de confirmation sur la culpabilité ;
" 1°) alors que l'élément matériel du délit de recel doit être constaté par des motifs dépourvus de contradiction et que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, constater que le chèque litigieux avait été transmis par Maurice X... à une collaboratrice afin qu'elle l'encaisse elle-même et affirmer cependant que celui-ci l'avait fait encaisser à son propre profit ;
" 2°) alors que la transmission d'une chose n'est constitutive du délit de recel qu'autant que la personne qui a procédé à cette transmission savait que cette chose provenait d'un crime ou d'un délit ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure et des constatations de l'arrêt que Maurice X... a reçu, à titre d'honoraires, de son client Joseph A..., un chèque dont celui-ci n'était pas le tireur, en raison du fait que ce client était sous le coup d'une interdiction bancaire ; que le nom du bénéficiaire avait été laissé en blanc et que Maurice X..., devant des honoraires à titre de rétrocession à une collaboratrice, a transmis ce chèque à celle-ci qui y a apposé son nom et l'a présenté à l'encaissement et qu'en déduisant la connaissance que Maurice X... pouvait avoir de l'origine frauduleuse de ce chèque de la seule transmission dudit chèque à sa collaboratrice, c'est-à-dire du seul élément matériel du recel, sans relever aucune circonstance distincte susceptible de caractériser la connaissance de l'origine frauduleuse du chèque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et 321-1 du code pénal ;
" 3°) alors qu'une décision de condamnation ne saurait reposer sur des motifs hypothétiques et qu'à supposer que la transmission directe par un avocat d'un chèque de 1 000 euros dont l'ordre est en blanc reçu d'un client à sa collaboratrice en règlement des honoraires dus à celle-ci puisse caractériser une dissimulation de recettes (minime) au regard de l'administration fiscale, cette circonstance ne permet pas de caractériser la connaissance par l'avocat de l'origine frauduleuse de ce chèque et qu'en retenant ce fait pour caractériser l'élément intentionnel du délit de recel d'escroquerie, la cour d'appel a statué par un motif purement hypothétique ;
" 4°) alors que l'avocat n'ayant pas accès à la procédure lors de l'enquête préliminaire, la circonstance, relevée par l'arrêt, qu'un client habituel du cabinet de Maurice X... lui ait remis un chèque provenant d'un délit concerné par une enquête préliminaire en cours, est en soi insusceptible de caractériser la connaissance par l'avocat de l'origine frauduleuse de ce chèque " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que Maurice X..., avocat, a reçu d'un client, qui faisait l'objet d'une enquête portant notamment sur des escroqueries commises au préjudice de personnes âgées et qui était venu le consulter sur les procédures le concernant, un chèque d'un montant de 1 000 euros, établi par l'une des victimes de ces agissements et ne comportant pas d'ordre ; que Maurice X... a remis ce chèque, en règlement de vacation, à une avocate, travaillant occasionnellement pour son cabinet ; que, transmis à l'encaissement, le chèque a été rejeté en raison d'une opposition ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de recel aggravé, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que le prévenu a détenu le chèque litigieux, en toute connaissance de cause, et l'a fait encaisser par un tiers pour en dissimuler l'origine frauduleuse, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne saurait être admis ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;