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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 27 juin 2017, n° 15/02639

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire de l'Ouest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mme Andre, Mme Emily

Avocat :

SCP Avolitis

CA Rennes n° 15/02639

26 juin 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

La Banque populaire de l'Ouest (la BPO) a consenti à la SNC W., constituée par M. Thierry W. et Mme Delphine L. :

- le 7 juin 2011, deux prêts d'un montant de 30 000 euros chacun,

- le 16 mars 2012, un prêt d'un montant de 10 000 euros.

Le tribunal de commerce de Saint-Brieuc ayant le 4 mars 2014 ouvert la liquidation judiciaire de cette société, la BPO a déclaré sa créance et assigné Mme L. et M. W., sur le fondement de l'article L221-1 du code de commerce, en paiement de diverses sommes dont était débitrice la SNC W..

Par jugement réputé contradictoire en date du 15 septembre 2014, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a condamné solidairement Mme L. et M. W. à payer à la BPO les sommes suivantes :

- 5 350,90 euros, montant du solde débiteur du compte de la société outre les intérêts au taux de 0,04 % à compter du 15 janvier 2014,

- 7 339 euros au titre du prêt du 16 mars 2012, outre les intérêts au taux de 4,4 % à compter du 15 janvier 2014,

- 21 342,88 euros au titre du prêt de 30 000 euros outre les intérêts au taux de 3 % à compter du 15 janvier 2014,

- 21 374,02 euros au titre du prêt d'installation de 30 000 euros outre les intérêts au taux de 2,2 % à compter du 15 janvier 2014,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. W. et Mme L. ont relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

- déclarer recevable leur appel ;

- prononcer la nullité du jugement rendu le 15 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc ;

- subsidiairement, infirmer le dit jugement, de dire que la BPO a commis une faute et de la condamner à leur payer la somme de 56 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- ordonner la compensation des créances réciproques,

- condamner la BPO à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, la BPO conclut à la validité de l'assignation introductive d'instance du 2 juillet 2014, à l'irrecevabilité de l'appel et au paiement par chacun des appelants de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle conclut au débouté de l'action en responsabilité intentée à son encontre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les appelants le 29 mars 2017 et pour l'intimée à l'encontre de chacun d'eux le 28 août 2015.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

Par ordonnance en date du 24 février 2016 non déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a jugé que la signification du jugement effectuée le 13 novembre 2014 n'avait pas fait courir le délai d'appel de sorte que les appels de M. W. et de Mme L. étaient recevables.

Le conseiller de la mise en état étant seul compétent jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur la recevabilité de l'appel et sa décision ayant acquis force de chose jugée, la même demande formée par l'intimée devant la cour est irrecevable.

Sur la validité de l'assignation introductive d'instance

L'assignation introductive d'instance en date du 2 juillet 2014 a été délivrée, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, à l'adresse commune de la gérante associée et de l'associé figurant au mois de février 2014 sur l'extrait Kbis de la SNC W. au registre du commerce et des sociétés. Les appelants soutiennent qu'à cette date, la banque connaissait leur nouvelle adresse, sise depuis le 1er février 2014, [...].

Cependant ils n'apportent pas la preuve de cette allégation puisque le premier relevé de compte bancaire portant cette nouvelle adresse est le relevé n° 8 daté du 1er septembre 2014 et donc postérieur à l'assignation critiquée. La BPO démontre au contraire que sur le relevé de compte n°7 émis le 1er août 2014, Mme L. était encore domiciliée, dans les livres de la banque, [...], étant précisé sur le dit document que cette adresse n'était plus valable.

Il s'en infère qu'à la date de l'assignation, les appelants n'avaient pas encore communiqué à la BPO leur nouvelle adresse. C'est dès lors à juste titre que la SNC étant en liquidation judiciaire, l'huissier de justice a considéré, à défaut d'autres éléments d'information, que la dernière adresse connue des deux associés était leur adresse personnelle figurant toujours sur l'extrait Kbis de cette société. Il s'en déduit que l'assignation critiquée a valablement saisi le tribunal de commerce de sorte qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement dont appel.

Sur le fond

L'article L. 221-1 du code de commerce énonce que les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Cependant, les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire.

Dès lors que la société débitrice fait l'objet d'une procédure collective, cette diligence n'est plus nécessaire, la déclaration de créance préalable à l'assignation des associés, qui vaut demande en justice et mise en demeure de la société débitrice, rendant inutile la délivrance d'un acte extrajudiciaire.

Les appelants ne discutent pas les affirmations adverses selon lesquelles les créances déclarées par la banque ont été définitivement admises au passif de la procédure de la société débitrice, cette admission ayant force de chose jugée à leur égard dès lors qu'ils ne soutiennent pas avoir formé une réclamation à l'encontre de l'état des créances.

Cependant, les associés ne peuvent être tenus qu'au paiement des sommes dues par la société. Or il n'est pas justifié que malgré l'arrêt du cours des intérêts consécutif à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SNC W., le solde débiteur du compte continuait à produire intérêts. Par ailleurs la capitalisation des intérêts lorsqu'elle est sollicitée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne peut concerner que les intérêts échus pour une année entière. Le montant des condamnations prononcées par les premiers juges sera donc rectifié conformément au décompte présenté par la banque.

Sur l'action reconventionnelle en responsabilité

Mme L. et M. W. qui n'ont pas la qualité d'emprunteurs à titre personnel ne peuvent invoquer une méconnaissance par la banque de son devoir de mise en garde à leur égard. Ils n'ont pas non plus qualité pour agir en responsabilité au nom de la société emprunteuse laquelle est représentée par son liquidateur judiciaire. Leur action en responsabilité ne peut dès lors prospérer.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Déclare irrecevable le moyen tenant à l'irrecevabilité de l'appel ;

Confirme le jugement rendu le 15 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc en ce qu'il a condamné solidairement M. Thierry W. et Mme Delphine L. à payer à la société Banque populaire de l'Ouest la somme de 5 350,90 euros au titre du solde débiteur du compte de la SNC W. ;

Le réformant pour le surplus :

Condamne solidairement M. Thierry W. et Mme Delphine L. à payer à la société Banque populaire de l'Ouest :

- la somme de 7 287,34 euros outre les intérêts au taux de 4,4 % à compter du 25 septembre 2013 ;

- la somme de 21 252,38 outre les intérêts au taux de 3 % à compter du 25 septembre 2013 ;

- la somme de 21 307,47 euros outre les intérêts au taux de 2,2 % à compter du 25 septembre 2013 ;

Déboute M W. et Mme L. de leur action en responsabilité à l'égard de la société BPO ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. W. et Mme L. aux dépens de première instance et d'appel.