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Décisions

CA Agen, 1re ch., 28 avril 2003, n° 01/1115

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mutuelle Assurance Artisanale de France (SA)

Défendeur :

Leray (ès qual.), Les Mutuelles du Mans Assurances (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

M. Louiset, Mme Latrabe

Avoués :

Me Tandonnet, Me Burg, Me Brunet

Avocats :

SCP Delmouly-Gauthier-Thizy, Me Lury, SCP Gonelle-Vivier

TGI Agen, du 12 juill. 2001

12 juillet 2001

Le véhicule PONTIAC, assuré auprès de la MAAF, appartenant à Madame X... lui a été volé le 3 mai 1996 et retrouvé 2 jours plus tard en très mauvais état.

A la demande de la MAAF ce véhicule a été remis en état au garage V.. Cependant la propriétaire relève quelque mauvais fonctionnement du moteur et un manque de performance. Après avoir avisé la MAAF, elle confie le véhicule au garage A... qui effectuera quelques interventions non satisfaisantes.

Le 3.04.1997 le véhicule tombera en panne à la suite d'une rupture du joint de culasse diagnostiquée par le garage A... qui effectue la réparation pour 21.475,83F réglés par Madame X...

Le 18.08.1997 le véhicule tombe à nouveau en panne, le bas moteur étant hors service.

Madame X... saisit alors le juge des référés qui désigne Z... Z... en qualité d'expert, lequel dépose son rapport le 22.09.1998, en considérant que l'expertise et les réparations initiales diligentées par la MAAF avaient été incomplètes et que l'intervention du garage A... sur le joint de culasse n'était pas conforme aux règles de l'art. Madame X... a donc assigné la MAAF et Me LERAY es qualités de liquidateur du garage A... devant le Tribunal de Grande Instance d'Agen pour obtenir réparation de ses préjudices ainsi que les MUTUELLES du MANS assureur du garage A..., pour les voir condamner à lui payer 101.070,66F outre les intérêts et 10.000F au titre de l'article 700 du N.C.P.C

Par jugement du 12.07.2002, la juridiction, au visa des articles 1147 du Code Civil et 50 de la loi du 25.01.1985 a :

- constaté que Z... A... placé en liquidation judiciaire ne peut être condamné.

- condamné solidairement la MAAF et les MUTUELLES du MANS à payer à Madame X... 65.570,33F

- condamné les MUTUELLES du MANS à payer à Madame X... 40.500F à titre de dommages et intérêts.

- condamné solidairement la MAAF et les MUTUELLES du MANS à lui payer 5.000F au titre de l'article 700 du N.C.P.C

- débouté Me LERAY de sa demande au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La MAAF a relevé appel de cette décision et demande par conclusions déposées le 6.12.2001 : Au principal

Vu l'article 1147 du Code Civil

Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la MAAF responsable des préjudices subis par Madame X... et l'a condamnée à lui payer 65.570,33F.

Dire et juger que seules les MUTUELLES du MANS (MMA) seront tenues d'indemniser Madame X... B...

Vu le contrat d'assurance automobile (MAAF)

Confirmer la décision en ce qu'elle a reconnu que la MAAF ne garantissait pas les dommages indirects (frais de gardiennage, perte de jouissance, dépravation).

Condamner tout succombant au paiement de 1.524,49ä au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Elle soutient qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les travaux effectués à la suite du vol et la rupture du joint de culasse le 3.04.1997 et par voie de conséquence la nouvelle panne du 18.08.1997. Selon elle le rapport Z... n'apporte pas la preuve de l'imputabilité des désordres constatés le 3.04.1997 au sinistre du 3.05.1996.

Elle estime que la véritable cause de la panne du 3.04.1997 réside probablement dans les interventions successives du garage A... et le garage P..

Elle rappelle que les travaux effectués à la suite du vol se sont élevés à 59.623F et que la panne à l'origine de la procédure est intervenue un an plus tard, alors que le véhicule avait parcouru 33.000Km de plus.

Il lui paraît inconcevable de parcourir 33.000K m avec un problème de culasse, et son expert précise que le problème de culasse eu égard au nombre de kilomètres effectués ne peut être la conséquence du sinistre du 3 mai 1996.

Elle soutient qu'il revient au garagiste professionnel de redéfinir le cas échéant la nature des travaux à effectuer.

Elle s'étonne du défaut de mise en cause du garage V..

Elle souligne que les conditions de conduite du véhicule pendant le vol ne sont pas établies, par la simple nécessité de remplacer les pneus, ce véhicule ayant parcouru 17.000 Km en 7 mois avant le vol.

Elle soutient que les indications de l'expert ont un caractère purement hypothétique, dont on ne peut tirer des conclusions aussi péremptoires.

Elle rappelle que le rôle de l'assureur se limite à désigner un expert pour évaluer la remise en état et l'assureur ne saurait répondre de la défaillance du professionnel. En conséquence, aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée.

L'origine du préjudice allégué ne peut être établie avec certitude.

Elle invoque la faute commise par le garage A... mise en évidence par l'expert.

Elle rappelle les conclusions du cabinet T. retenant la responsabilité du garage A... dès lors c'est à son assureur MMA de supporter l'indemnisation.

B..., elle précise qu'elle n'est intervenue que dans le cadre de la garantie vol, qui exclut la prise en charge des dommages indirects.

Enfin Madame X... ne peut demander la condamnation de la MAAF à lui rembourser le prix du véhicule de remplacement, dont l'acquisition n'a aucun lien direct avec le vol du 3.05.1996.

Par conclusions déposées le 16.04.2002, la MMA demande la réformation et le débouté de Madame X... ainsi que 1.500 euro au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

B..., de condamner la Compagnie MAAF au règlement de 6.174,19ä conjointement avec la MMA.

Elle demande la condamnation de la MAAF à lui payer 1.500ä au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Elle demande la réformation partielle du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du garage A... et dès lors la garantie de MMA. B... elle demande sa condamnation solidaire avec la MAAF au règlement de 40.500F

Elle rappelle que le prélèvement de l'huile analysée a été réalisé hors la présence des parties.

De plus elle estime que la migration des liquides a pu se produire à l'occasion des différents démontages ou de la casse du moteur.

Elle se prévaut de l'avis technique du pétrolier.

Selon elle la critique par l'expert de l'intervention du garage A... est injustifiée, l'huile employée n'étant pas critiquable et le changement de la culasse critiqué. Donc la responsabilité de A... doit être écartée et seule doit être retenue celle de la MAAF.

Elle dénonce l'insuffisance de l'intervention du garage V., sous contrôle de la MAAF. L'origine exclusive du désordre provient du défaut de contrôle des organes moteur lors de la réparation de mai 1996. L'expert intervenant pour la MAAF n'a pas pris la mesure des obligations lui incombant.

B... elle demande la réformation en la condamnation de MAAF, avec elle, au règlement de 40.500F.

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Dans ses conclusions déposées le 12.06.2002, Sylvie X... demande, au visa des articles 1147, 1315 alinea 2 du Code Civil et 80 de la loi du 25.01.1985 de :

- débouter la MAAF de son appel principal

- d'accueillir son appel incident

- de confirmer partiellement le jugement et de le réformer pour le surplus en déclarant que Manuel A..., représenté par son liquidateur, et la MAAF ont solidairement engagé leur responsabilité à son égard.

- de constater sa créance à la liquidation judiciaire de Manuel A... pour 15.408,12ä

- de condamner in solidum la MAAF et la MMA à lui payer 15.408,12ä outre les intérêts légaux à compter du 14.12.1998 date de l'assignation.

- de les condamner, sous la même solidarité à lui payer 1.000ä à titre de dommages intérêts complémentaires à raison des désagréments de la procédure d'appel.

De les condamner, sous la même solidarité à lui payer 1.525ä au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Elle souligne que la MAAF, conformément à l'article 1134 du Code Civil était tenue d'indemniser intégralement le sinistre, en garantissant une remise en état complète du véhicule détérioré lors du vol. Il s'agit d'une obligation de résultat. Cette obligation n'a pas été exécutée et il lui revient de justifier qu'elle s'est libérée de cette obligation.

Le préjudice résultant des frais de location et troubles de jouissance , a été causé non par le sinistre lui-même, mais par la MAAF qui n'a pas exécuté son obligation contractuelle de garantie. Ainsi le jugement doit être réformé sur ce point.

D'autre part la responsabilité de Manuel A... résulte clairement de l'expertise qui démontre que l'intervention sur le remplacement de la culasse n'a pas été réalisée dans les règles de l'art.

Z... A..., tenu d'une obligation de résultat, n'a pas exécuté cette obligation.

Elle demande la condamnation solidaire de la MAAF et de la MMA à lui payer 101.070,66F outre les intérêts à compter du 14.04.1998 et des dommages intérêts complémentaires.

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Dans ses conclusions déposées le 8.07.2002, Me LERAY es-qualité de liquidateur de Manuel DF. demande qu'acte lui soit donné qu'il s'en rapporte à justice sur le bien fondé de sa demande de la liquidation de la créance éventuelle de Madame X...; de juger que le montant sera plafonné à 100.000F conformément au montant de la déclaration de créance effectuée.

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MOTIFS

Vu les conclusions déposées les 6.12.2001; 16.04.2002; 12.06.2002 et 8.07.2002, respectivement notifiées le 6.12.2001 pour la MAAF, le 15.04.2002 pour la MMA, le 11.06.2002 pour Madame X... et le 5.07.2002 pour Me LERAY es qualité de liquidateur de Manuel DF.

1°) Sur la mise en cause de la MAAF

Le véhicule de Madame X... lui a été dérobé le 3 mai 1996 alors qu'il sortait de révision et se trouvait, selon l'expert en parfait état, équipé de pneumatiques pratiquement à l'état neuf, ainsi qu'il a pu le vérifier auprès du garage P. qui entretenait régulièrement le véhicule.

Lorsque le véhicule a été retrouvé, 2 jours plus tard, il a fallu remplacer les pneus du train avant. A l'évidence leur état démontrait l'utilisation du véhicule dans des conditions extrêmes, imposées par la course poursuite ayant suivi le braquage.

Dès lors et comme le relève encore l'expert un contrôle approfondi du moteur avec essai était d'une absolue nécessité.

Or ce contrôle n'a pas été préconisé par l'expert, ni réalisé par le réparateur. Or, commençant par le circuit de refroidissement il aurait très certainement permis de déceler des anomalies qui auraient dès lors engendré des investigations profondes pouvant aller jusqu'au démontage du moteur pour en déterminer l'usure interne de ses composants.

Ainsi, comme le retient l'expert, ce constat aurait permis d'imputer l'usure constatée au sinistre ou dans le cas contraire le rejeter avec une argumentation technique. En tout état de cause, l'état du véhicule au moment de la découverte imposait un tel contrôle.

C'est avec pertinence que l'expert judiciaire, en réponse à l'expert T., fait valoir sur ce point, qu'"en commençant par vérifier le circuit de refroidissement, voire si le moteur chauffé et poussé des investigations plus profondes, auraient permis de diagnostiquer une fragilisation du moteur après vol."

Or, selon l'expert, si contrôle il y a eu, il a été des plus sommaires et les défauts de fonctionnement et de puissance ont été constatés par Madame X... dès la reprise du véhicule, désordres que ni le garage P., ni le garage A... n'ont su résoudre et qui ont abouti au remplacement de la culasse, puis à l'immobilisation complète du véhicule suite à la mise hors service de la partie basse du moteur.

Le rapport de l'expert judiciaire repose sur des observations complètes, et des explications techniques objectives qui ne sont pas utilement contredites. Les éléments de preuve qu'il réunit démontrent que la MAAF tenue d'indemniser intégralement le sinistre en garantissant une remise en état complète du véhicule détérioré lors du vol, n'a pas exécuté son obligation.

De plus et comme le fait valoir Madame X... la responsabilité de Z... A... n'est pas de nature à exonérer la MAAF, puisque c'est l'insuffisance de l'intervention de celle-ci qui a rendu nécessaires les interventions ultérieures.

C'est vainement que la MAAF tente de tirer argument du défaut de mise en cause du garage V. puisque c'est la MAAF qui doit répondre des insuffisances de son expert et du garagiste auquel elle a confié les réparations.

Dans ces conditions c'est par des motifs pertinents qui méritent confirmation que le tribunal a retenu que la responsabilité de la MAAF était engagée à l'égard de Madame X... sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil et qu'elle lui devait réparation.

Cependant, c'est à juste titre que l'intimée fait valoir que ses frais de location et les troubles de jouissance, dont l'indemnisation a été refusée, avaient été causés, non pas par le sinistre lui-même mais par le manquement de la MAAF à son obligation contractuelle de garantie.

La décision déférée sera donc réformée sur ce point, alors que le montant de ce poste apparaît justifié.

2°) Sur la mise en cause de Manuel A... et l'obligation de la MMA

Les manquements de Manuel A..., assuré par la MMA sont clairement établis par le rapport d'expertise qui retient que son intervention suite au remplacement de la culasse n'a pas été réalisé dans les règles de l'art, d'où la mise rapide hors service du moteur qui s'en est suivie.

Ici également, les constatations et conclusions de l'expert, qui a pris soin d'interroger le constructeur ne sont pas valablement contredites et c'est à juste titre que Madame X... fait observer que ce n'est pas parce que les réparations premières ont été incomplètes que Manuel A... serait exonéré. En effet, il restait de sa responsabilité de mener sa propre intervention dans le respect des règles de l'art, ce qu'il n'a pas fait.

Comme l'a justement retenu le tribunal Manuel A... également tenu d'une obligation de résultat ne l'a pas exécutée.

Enfin le montant du préjudice sera réformé pour tenir compte de l'indemnisation des frais de location et de la perte de jouissance et il sera observé qu'il n'est pas justifié de l'admission définitive de la créance de Madame X...

La décision déférée sera donc confirmée pour l'essentiel et l'appelante condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à Madame X... la somme de 1.500ä au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La demande de dommages intérêts complémentaires présentée par Madame X... sera rejetée, faute pour elle d'établir la réalité de ce préjudice et d'en justifier.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Reçoit l'appel jugé régulier; le déclare mal fondé.

Confirme partiellement le jugement du 12.07.2001 et le réformant pour le surplus.

Déclare que Manuel A... représenté par son liquidateur Me LERAY et la MAAF, ont solidairement engagé leur responsabilité à l'égard de Madame X...

Constate la créance de Madame X... à la liquidation judiciaire de Manuel A... pour 15.408,12Euros (quinze mille quatre cent huit Euros douze cents) .

Donne acte à Me LERAY de ce qu'il s'en rapporte à justice.

Condamne in solidum les sociétés MAAF et MMA à payer à Madame X... la somme de 15.408,12 Euros (quinze mille quatre cent huit Euros douze Cents) outre les intérêts légaux à compter du 14.12.1998 date de l'assignation.

Les condamne, sous la même solidarité aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP TANDONNET et Me BURG, avoués conformément à l'article 699, ainsi qu'au paiement à Madame X... de 1.500 Euros (mille cinq cents Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.