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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 22 janvier 2015, n° 13/02295

AMIENS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Saint Schroeder

Conseillers :

M. Bougon, Mme Bideault

T. com. Soissons, du 14 mars 2013

14 mars 2013

Vu le jugement du tribunal de commerce de SOISSONS en date du 14 mars 2013 qui a constaté que les apports en compte courant d'associés constituent une contribution anticipée au règlement des dettes sociales et par conséquent a débouté Madame C. de ses demandes en remboursement dudit compte, l'a condamnée au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de Madame C., appelante, en date du 28 août 2014 qui sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de Monsieur B. au paiement de la somme de 20 210,47 euros ainsi qu'au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs d'une part qu'elle n'a plus la qualité d'associé de la SNC B. et C., qu'elle a la qualité de tiers et qu'en conséquence, elle a droit au remboursement de son compte courant et d'autre part que Monsieur B. est solidairement responsable des dettes de la SNC en sa qualité d'associé;

Vu les dernières écritures de Monsieur B., intimé, en date du 30 mai 2014 qui demande la confirmation du jugement et le débouté de Madame C. de l'ensemble de ses demande aux motifs que les apports en compte courant d'associés constituent une contribution anticipée au règlement des dettes sociales, qu'il convient de se reporter au jour où la dette a été contractée par la société et qu'enfin la réunion de toutes les parts sociales d'une SNC entre les mains d'une seule personne entraîne d'office la dissolution de cette dernière, qu'il sollicite, à titre subsidiaire, qu'il soit constaté qu'il dispose également d'un compte courant d'associé à hauteur de 20 306,67 euros et qu'en conséquence, Madame C. doit être condamnée à lui verser cette somme et qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre ces deux créances; qu'il requiert enfin qu'il soit constaté que Madame C. a perçu la somme de 7072,50 euros suite à la répartition par le liquidateur judiciaire des fonds provenant de la réalisation des actifs de la société et demande que l'appelante soit condamnée à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Sur ce

Suivant acte sous seing privé en date du 21 avril 2008, Monsieur B. et Madame C. ont constitué une société en nom collectif dénommée la SNC B. C. au capital social de 1200 euros divisé en 100 parts sociales de 12 euros chacune réparties à hauteur de 51 parts pour Monsieur B. et 49 parts pour Madame C., société ayant pour objet l'acquisition et l'exploitation d'un fonds de commerce.

Suivant acte sous seing privé en date du 15 janvier 2010, Madame C. a cédé la totalité de ses 49 parts sociales à Monsieur B. moyennant la somme de 588 euros.

Madame C. disposait également dans les livres de la SNC B. C. d'un compte courant d'associé créditeur à hauteur de 27 282,97 euros, montant non contesté par Monsieur B..

Par jugement du 26 novembre 2010, le tribunal de grande instance de SOISSONS a condamné la SNC B. C. à payer à Madame C. la somme de 27 282,97 euros au titre de son compte courant.

Par acte sous seing privé en date du 2 mai 2011, la SNC B. C. a cédé son fonds de commerce moyennant la somme de 75 000 euros.

Par jugement du 29 novembre 2011, le tribunal de commerce de SOISSONS a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SNC B. C. et le liquidateur a réparti les fonds provenant de la réalisation des actifs de la société, Madame C. ayant à ce titre perçu la somme de 7072,50 euros.

Madame C. a déclaré sa créance le 4 janvier 2012 et précise n'avoir perçu aucune autre somme que celle versée par le liquidateur (7072,50 euros).

Madame C. sollicite la condamnation de Monsieur B. au paiement de son compte courant d'associé considérant d'une part qu'elle n'a plus la qualité d'associé de la SNC B. C., qu'elle a la qualité de tiers et qu'à ce titre elle a droit au remboursement de son compte courant et d'autre part que Monsieur B. est solidairement responsable des dettes de la SNC en sa qualité d'associé.

Monsieur B. s'oppose à cette demande considérant que les apports en compte courant d'associés constituent une contribution anticipée au règlement des dettes sociales.

Il observe que la réunion de toutes les parts sociales de la SNC entre ses mains a entraîné d'office la dissolution de la société.

Enfin, il considère que si Madame C. ne fait plus partie de la société, elle n'a pas réellement la qualité de tiers et qu'il convient de se reporter, pour apprécier ses droits et ses obligations, au jour où la dette a été contractée par la société.

Ceci exposé, il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article 1844-5 du code civil, la réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an.

En l'espèce, la SNC B. C. n'a par conséquent pas été dissoute de plein droit par la cession des parts de Madame C. à Monsieur B..

Par acte sous seing privé en date du 15 janvier 2010, Madame C. a cédé la totalité de ses parts sociales à Monsieur B. mais n'a pas cédé son compte courant à ce dernier.

La cession de parts sociales n'emporte pas transfert de plein droit à l'acquéreur du compte courant d'associé du cédant. Le compte courant trouve son origine dans le prêt fait à la société et confère à l'associé la qualité de créancier social, distincte de celle d'associé.

Madame C., en cédant ses parts sociales, n'a plus la qualité d'associée mais demeure créancière à l'égard de la société et se trouve fondée à solliciter le remboursement des fonds détenus à son nom sur ce compte.

En effet, en considérant que Madame C. ne pouvait solliciter le remboursement de ce compte aux motifs que les apports en compte courant d'associé constituent une contribution anticipée au règlement des dettes sociales, les premiers juges ont omis le fait que Madame C. n'est plus associée de la SNC C. B. depuis le 15 janvier 2010.

L'article L 221-1 du code de commerce dispose que les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extra-judiciaire.

Si un associé d'une société en nom collectif placée en redressement judiciaire n'a pas lui-même été placé en redressement judiciaire, le créancier de la SNC peut agir à l'encontre de cet associé, débiteur subsidiaire de la société, à compter de la déclaration de sa créance au passif de la SNC.

En l'espèce, Madame C. a saisi le tribunal de commerce de SOISSONS qui a condamné la SNC B. C. par jugement du 26 novembre 2010 à lui payer la somme de 27 282,97 euros au titre de son compte courant.

Madame C. a déclaré sa créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SNC le 4 janvier 2012.

L'existence du compte courant de Madame C. à hauteur de la somme de la somme de 27 282,97 euros n'est pas contestée par Monsieur B..

Il ressort des éléments du dossier que Madame C. a perçu la somme de 7 072,50 euros dans le cadre des opérations de liquidation de la société.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement du tribunal de commerce et de condamner Monsieur B. à lui régler la somme de 20 210,47 euros.

Sur la demande de compensation :

Monsieur B. considère que l'associé qui se retire de la société en nom collectif reste tenu de la totalité des dettes sociales antérieures à son départ, qu'au jour du départ de Madame C. il disposait lui aussi d'un compte courant d'associés pour un montant de 20 306,67 euros et qu'en conséquence cette dernière lui est redevable de cette somme qui doit être compensée avec la dette de l'appelante.

Cependant, Monsieur B. a toujours conservé la qualité d'associé de la SNC C. B..

En application de l'article L 221-1 alinéa 1er du code de commerce il répond indéfiniment et solidairement des dettes sociales et ne peut solliciter le remboursement de son compte courant dans la mesure où l'intégralité des dettes sociales n'a pas été apurée.

En conséquence, Monsieur B. sera débouté de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

Monsieur B., qui succombe en appel, sera condamné aux dépens s'y rapportant, le sort des dépens de première instance étant infirmé, ceux-ci étant également mis à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau :

Condamne Monsieur B. à payer à Madame C. la somme de 20 210,47 euros ;

Déboute Monsieur B. de sa demande à l'égard de Madame C.;

Dit n'y avoir lieu à compensation ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Monsieur B. aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.