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Décisions

Cass. 3e civ., 7 juillet 2016, n° 15-16.101

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP de Chaisemartin et Courjon

Aix-en-Provence, du 3 févr. 2015

3 février 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 2015), que Mme X... a donné à bail en renouvellement un local commercial à la société Sea Side ; que, soutenant que le contrat de location-gérance, conclu par celle-ci avec la société Studio Louis, constituait une sous-location violant ses droits, la bailleresse a assigné la société Sea Side et la société Studio Louis en requalification de la convention en sous-bail et en résiliation du bail commercial ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sea Side fait grief à l'arrêt de prononcer à ses torts exclusifs la résiliation du bail commercial, d'ordonner son expulsion sous astreinte et de la condamner solidairement avec la société Studio Louis au payement d'une indemnité d'occupation d'un certain montant, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il n'existe aucune disposition légale traitant du stock de marchandises à l'expiration du contrat de location-gérance ou imposant aux parties de se prononcer à son propos ; qu'ayant relevé que la convention de location gérance « n'envisage pas la reprise du stock, et ce que ce soit à l'entrée dans les lieux de la société Studio Louis ou à la sortie du locataire-gérant précédent » afin notamment d'en déduire « que le fonds de commerce n'avait plus aucune réalité dans ses éléments essentiels », la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, violant l'article L. 144-1 du code de commerce ;

2°/ que l'établissement d'un inventaire en début de contrat de location-gérance ne peut se comprendre comme une exigence légale, mais apparaît uniquement comme une mesure de prudence de la part du loueur qu'il peut donc ne pas réaliser ; qu'ayant décidé que « la SARL Sea Side n'a pas produit l'inventaire de l'achalandage, du mobilier ou des agencements servant à l'exploitation du fonds et censé lui appartenir selon l'acte critiqué […], alors que ce document s'imposait s'il existait réellement un matériel, des stocks, du mobilier ou des agencements propres à la SARL loueuse » afin d'en déduire l'absence d'une véritable location-gérance, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas en violation de l'article L. 144-1 du code commerce ;

3°/ que tout jugement doit être motivé, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motif ; que, dans certaines hypothèses, la situation d'un local à un point de passage obligé pour de nombreux touristes suffit à attirer des clients, le fonds de commerce pouvant exister indépendamment de son mode d'exploitation ou de son enseigne, par le seul fait de son implantation ; qu'au soutien de ses demandes, la société Sea Side faisait notamment valoir que « la clientèle de Sea Side, saisonnière et de passage, se rend dans le magasin uniquement en raison de son emplacement et de son activité et non en raison de son enseigne et des marques vendues » ; qu'en se contentant néanmoins de relever qu'il « résulte des extraits K Bis et des conventions locatives produites par la société Studio Louis qu'elle-même disposait de son propre fonds de commerce de vente de vêtements pour lequel elle bénéficiait antérieurement de locaux sis 49 rue Gambetta à Saint-Tropez en vertu de contrats de location successifs qui se sont terminés le 3 janvier 2005 et pour lequel elle a investi les locaux proposés par la société Sea Side », pour en conclure que celle-ci a amené « sa propre clientèle tropézienne », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la convention de location-gérance portait sur un fonds de commerce de vente d'articles de confection situé 48 rue Allard à Saint-Tropez, que, lors de la conclusion de l'acte, la société Sea Side exploitait un fonds de commerce identique au numéro 46 de la même rue de sorte qu'aucun élément ne démontrait une clientèle distincte, les deux fonds ayant été mis indistinctement en location-gérance depuis plusieurs années par la société Sea Side, qu'il ressortait des extraits K Bis et des conventions locatives produites aux débats que la société Studio Louis avait exploité son propre fonds de commerce de vente de vêtements dans la même station balnéaire jusqu'au 3 janvier 2005 avant de s'installer dans les locaux de la société Sea Side, sous sa propre enseigne Nuna, en apportant sa propre clientèle tropézienne, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et qui n'a pas ajouté à la loi une condition non prévue, a pu en déduire qu'en l'absence de réalité des éléments essentiels du fonds de commerce de la société Sea Side, la location-gérance à la société Studio Louis constituait une sous-location des murs dont elle avait la jouissance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sea Side fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'une inexécution contractuelle, lorsqu'elle présente un lien de causalité avec un dommage, engage la responsabilité de son auteur ; qu'ayant relevé que « la société Studio Louis a débaptisé le magasin dans le mois de la convention pour apposer sa propre enseigne correspondant aux vêtements qu'elle entendait commercialiser » et que ce changement d'enseigne a participé au fait que « le fonds de commerce n'avait plus aucune réalité dans ses éléments essentiels », tout en considérant néanmoins que la résiliation du bail devait être prononcée aux torts exclusifs de la société Sea Side, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, la tolérance par quelqu'un d'une attitude fautive n'est pas constitutive d'un droit pour son auteur ; qu'ayant relevé que « la société Studio Louis a débaptisé le magasin dans le mois de la convention pour apposer sa propre enseigne correspondant aux vêtements qu'elle entendait commercialiser », tout en considérant que « la société Sea Side [n'a] donné aucune suite à sa lettre recommandée du 21 juillet 2005 », pour en déduire « que le changement d'enseigne commerciale Sea Side au profit de Nuna pourtant interdit à l'acte n'avait en réalité aucune incidence dans les relations contractuelles entre les parties », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le fait de ne pas avoir appelé le bailleur à concourir à l'acte du 25 mars 2005 constituait un manquement grave aux droits de la bailleresse dès lors que Mme X... n'avait pas été informée du prix de la sous-location, près de quatre fois et demie plus important que le loyer initial, de sorte qu'elle était en droit de réclamer un réajustement en application des dispositions de l'article L. 145-31 du code de commerce, la cour d'appel en a exactement déduit que cette inexécution fautive par le locataire de ses obligations justifiait la résiliation du bail à ses torts exclusifs ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.