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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 18 octobre 2016, n° 15/00502

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

Mme Ecochard, M. Marcel

T. com. Besançon, du 28 janv. 2015, n° 2…

28 janvier 2015

Faits et prétentions des parties

Messieurs X et Y sont associés au sein de la Snc 'Au Petit Villarceau', placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Besançon en date du 2 mai 2011 par suite de la résolution du plan de redressement judiciaire qui avait a été arrêté le 15 décembre 2008.

M. Z, désigné en qualité de liquidateur, les a fait assigner en contribution aux pertes sociales devant le tribunal de commerce de Besançon qui, par jugement du 28 janvier 2015, a :

- fixé les pertes sociales de la société Au Petit Villarceau à la somme de 103.278.66 € outre 14.805,82 €, sauf à parfaire, au titre des frais de procédure de la liquidation,

- condamné M. X à payer à M. Z ès qualités la somme de 51.122,94 €,

- condamné M. Y à payer à M. Z ès qualités la somme de 52.155,72 €,

- condamné messieurs X et Y à payer à M. Z ès qualités, au titre des frais de justice, la somme de 14.805,82 € sauf à parfaire, dans la proportion de 49,5 %, soit 7.328,88 € pour le premier, et de 50,5%, soit 7.476,94 € pour le second,

- condamné les défendeurs, dans les mêmes proportions, à payer à M. Z ès qualités, la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les défendeurs dans les mêmes proportions aux entiers dépens liquidés à la somme de 93,60 €.

Par déclaration transmise au greffe le 6 mars 2015, M. Y et M. X ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation et, au dernier état de leurs écrits du 11 septembre 2015, ils demandent à la cour de débouter M. Z ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions et de le condamner à leur payer la somme de 1.500 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils font principalement valoir que :

- les sociétés en nom collectif sont régies exclusivement par le code de commerce de sorte que l'article 1832 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer,

- M. Z n'a aucune compétence pour poursuivre le paiement des dettes sociales à la place des créanciers,

- M. Z qui produit un état du passif annoté et barré par lui, lequel ne tient aucun compte des règlements qu'il a lui-même effectués au profit des créanciers dans le cadre du plan, ne justifie pas des pertes sociales qu'il invoque,

- la comptabilité démontre que le décompte de ses frais de procédure est inexact,

- dans tous les cas, les sommes apportées par les associés doivent être déduites des montants réclamés,

- le total des apports de messieurs X et Y étant supérieur au montant de la condamnation prononcée contre eux en première instance, ces derniers ne sont redevables d'aucune somme.

M. Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Au Petit Villarceau a transmis à la cour des conclusions le 5 août 2015 lesquelles ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état des causes en date du 26 octobre 2015.

La cour se reportera donc à ses derniers écrits et pièces déposés devant le tribunal de commerce de Belfort.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 août 2016.

Motifs de la décision

L'article 1832 du code civil dispose in fine que 'les associés [de la société] s'engagent à contribuer aux pertes'.

L'obligation aux dettes concerne les rapports entre les créanciers sociaux et les associés de sorte que le liquidateur ne peut se prévaloir de sa qualité de représentant des créanciers pour l'exercer (Cass. com., 24 janv. 2006, n° 04-19.061)

En revanche, la contribution aux pertes qui concerne les rapports entre la société et les associés, est une obligation que l'article 1832 alinéa 3 sus-rappelé met à la charge des associés de toute société, quelque soit sa forme.

Dans les sociétés à risques limités (type SA ou Sarl), cet engagement est plafonné au montant des apports et n'ouvre donc une action à la société que dans la mesure où ces apports n'ont pas été intégralement libérés.

Mais dans les sociétés à risques illimités, telles qu'en la cause une Snc, cet engagement ouvre à la société, respectivement à son liquidateur lorsqu'elle est en liquidation judiciaire, une action destinée à combler son insuffisance d'actif dès lors que le-dit liquidateur précise, comme il l'a fait en l'espèce, qu'il agit en qualité de représentant de la société, exerçant les droits et actions du débiteur dessaisi sur le fondement de l'article 1832 du code civil, et non en qualité de représentant des créanciers sur le fondement de l'article 1857.

Il s'ensuit que le liquidateur judiciaire est recevable à agir à l'encontre des associés d'une société pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre du montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs (en ce sens pour une société civile de moyens Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-24.888)

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré M. Z ès qualités, bien fondé en son action formée contre les associés par application de l'article 1832 du code civil afin que ces derniers contribuent aux pertes sociales à proportion de leur participation dans la société, à savoir, de 49,50 % pour M. X titulaire de 99 parts et de 50,50 % pour M. Y, titulaire de 101 parts, chacune d'une valeur nominale de 1 €.

Les pertes sociales sont égales au montant net de l'insuffisance d'actifs après liquidation de l'ensemble des éléments d'actifs de la société.

Contrairement aux affirmations péremptoires des appelants, les pièces comptables versées aux débats devant les premiers juges justifient pleinement du quantum, tant de l'insuffisance d'actifs, que des frais de procédure.

En effet :

- la comptabilité du mandat n° 14998 de la SNC Au petit Villarceau (pièce n° 5) révèle que la procédure collective a engrangé 103.368,87 € de recettes en remboursement de créances, intérêts, cessions de stocks et du fonds de commerce, et a engagé pour 71.246,26 € de dépenses en paiement de l'Urssaf, l'Arrco-Ags, l'Unedic, des salaires dus à Mme Martine K., des frais d'inventaire et d'avocats, des créances fiscales de la SIE et de la Trésorerie de Besançon et de la créance privilégiée de la Banque Populaire, de sorte qu'il reste un solde créditeur disponible de 32.122,11 €,

- l'état des créances (pièce n° 4), actualisé en fonction du paiement en cours de procédure des créances fiscales et de celle privilégiée de la Banque Populaire majorée des intérêts contractuels démontre qu'il reste dû les sommes de 24.189,08 € à titre privilégié, de 103.529,45 € à titre chirographaire et de 7.682,24 € à échoir, soit un total encore à payer aux créanciers admis de 135.400,77 €,

- il s'en déduit une insuffisance nette d'actif de 135.400,77 € - 32.122,11 € = 103.278,66 €,

- les frais de la seconde procédure, non encore réglés, sont justement évalués à la somme de 11.749,76 ht soit 14.805,82 € ttc comprenant le droit :

* fixe de l'article R.663-18/19 du code de commerce : ht : 2.500,00 €

* de l'article R.663-22 sur le passif : ht : 360,00 €

* de l'article R.663-24 sur les créances salariales : ht : 120,00 €

* de l'article R663-29/30 sur la réalisation des actifs : ht : 3.989,91 €

* sur la répartition : ht : 4.685,00 €

* les débours de l'article R.663-23 : ht 94,85 €

Aucune pièce versée au dossier par les appelants ne venant accréditer la thèse selon laquelle ils seraient titulaires, au titre de leur compte-courant d'associé, d'une créance sur la société qui n'apparaît pas sur l'état des créances vérifiées, c'est dès lors par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit à la demande M. Z ès qualités.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et les appelants qui succombent en leur recours supporteront 'in solidum' les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 janvier 2015 par le tribunal de commerce de Besançon.

Condamne in solidum Messieurs X et Y aux dépens d'appel.