Livv
Décisions

Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-16.339

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Rouen, du 19 févr. 2014

19 février 2014

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 février 2013, pourvoi n° 11-23.895), que par acte du 20 janvier 1998, la société Etablissement MPG (la société MPG) a conclu un contrat de dépôt et de coopération logistique avec la société Générale distribution ; que la société MPG a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires, Mme X... étant désignée en qualité de liquidateur (le liquidateur) ; que la société Générale distribution a déclaré sa créance au passif de la société MPG ; que le 25 juin 2002, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques du stock de marchandises dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de la société MPG ; que la société Générale distribution, invoquant son droit de rétention sur les marchandises, a demandé au liquidateur que le prix de vente soit bloqué entre les mains du commissaire-priseur à due concurrence de sa créance et qu'il lui soit ensuite reversé ; que le stock de marchandises ayant été vendu aux enchères publiques, et le liquidateur ayant refusé de reverser le prix de vente, la société Diderot holding, se présentant comme venant aux droits de la société Générale distribution, l'a assigné en paiement ; que le liquidateur a soulevé l'irrecevabilité de cette action, tirée du défaut de qualité pour agir de la société Diderot holding, en faisant valoir que suivant traité d'apport partiel d'actif du 27 octobre 2004, la société Générale distribution avait transmis à la société Gédis l'intégralité de sa branche d'activité de plate-forme logistique ;

Attendu que la société Diderot holding fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables alors, selon le moyen :

1°/ que les diverses stipulations du traité d'apport partiel d'actif du 27 octobre 2004 exigeaient d'être combinées, ce qui rendait la convention ambigüe ; qu'en effet, si l'article 7.1 de ce traité stipulait que l'apport de la branche d'activité emportait transmission universelle « de tous actifs et profits se rapportant à la branche d'activité » sans distinction, l'article 8 i) du traité stipulait pourtant que les « créances clients et comptes rattachés » étaient transmises pour une valeur brute et nette identique évaluée à une somme de 976 621 euos, stipulation qui impliquait nécessairement que les seules créances transmises étaient celles dont la valeur brute est égale à la valeur nette, c'est-à-dire les créances non douteuses et donc non provisionnées, et qui venait donc apporter une contradiction ou un tempérament à l'article 7.1 prévoyant la transmission de tous les éléments d'actifs ; qu'en écartant pourtant l'avenant interprétatif en retenant que « la société Diderot holding est mal fondée à prétendre qu'existait la nécessité d'un avenant interprétatif, alors que les termes du traité, parfaitement clairs, ne le justifiaient pas », quand le traité d'apport partiel d'actif était en réalité ambigu, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que dans les conventions on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ; qu'il est loisible aux parties, en concluant un avenant interprétatif, de révéler l'esprit de leur convention que la lettre de celle-ci, serait-elle-même claire, n'avait qu'imparfaitement exprimée ; qu'en l'espèce, il était donc loisible aux parties au traité d'apport partiel d'actif du 27 octobre 2004 de révéler leur commune intention d'exclure de la transmission universelle les créances douteuses en concluant un avenant interprétatif, et ce peu important que la lettre de ce traité ait été claire ou obscure ; qu'en effet, à la supposer même claire, la lettre de l'accord pouvait n'exprimer qu'imparfaitement la commune intention des parties, que celles-ci pouvaient donc décider d'élucider ; qu'en écartant pourtant l'avenant interprétatif en retenant que « la société Diderot holding est mal fondée à prétendre qu'existait la nécessité d'un avenant interprétatif, alors que les termes du traité, parfaitement clairs, ne le justifiaient pas », quand les parties pouvaient révéler leur commune intention imparfaitement exprimée en concluant un avenant interprétatif, et ce quand bien même la lettre de l'accord interprété aurait été claire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1156 du même code ;

3°/ que constitue un avenant interprétatif la convention conclue par les personnes morales signataires de l'accord initial, peu important que les personnes physiques les représentant soient différentes ; qu'en l'espèce, en écartant pourtant l'avenant interprétatif au traité d'apport partiel d'actif en retenant que « l'appelante fait justement observer que la volonté des parties telle qu'exprimée en 2004 ne saurait être exprimée ou interprétée en 2013 par des représentants différents de ceux ayant ratifié le traité », quand il importait peu que les personnes physiques représentant les personnes morales signataires du traité d'apport aient changé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que lorsque l'acte initial a été conclu par une société qui, par la suite, a été absorbée par une seconde société à laquelle elle a transmis l'universalité de son patrimoine, la société absorbante, qui vient aux droits de la société absorbée signataire de l'acte initial, a qualité pour conclure l'avenant interprétatif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société Diderot holding « justifie qu'elle vient aux droits de la société Générale distribution signataire du traité d'apport partiel d'actif par suite de la transmission universelle du patrimoine de la société Générale distribution à son actionnaire unique la société Direct manager participations selon délibération du 29 novembre 2004 et de l'absorption de la société Direct manager participations par la société Diderot holding, selon traité de fusion approuvé par délibérations des deux sociétés en date du 31 décembre 2007 » ; qu'il en résultait que la société Diderot holding, venant aux droits de la société Générale distribution, signataire du traité d'apport partiel d'actif, avait qualité pour conclure un avenant interprétatif à ce traité ; qu'en écartant pourtant l'avenant interprétatif au prétexte que la société Diderot holding « n'était pas partie à cet accord initial », quand elle relevait elle-même que la société Diderot holding venait aux droits du signataire de l'accord initial qui lui avait transmis l'universalité de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d'apport, l'apport partiel d'actif emporte, lorsqu'il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle, de la société apporteuse à la société bénéficiaire, de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport ; qu'il résulte des termes des deux premières branches que les parties au traité n'avaient pas eu la volonté d'écarter, par une dérogation expresse, la créance litigieuse des effets attachés à l'apport partiel d'actif ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la créance de la société Générale distribution contre la liquidation judiciaire de la société MPG n'avait pas été exclue de l'apport partiel d'actif du 27 octobre 2004 par la volonté expresse des parties, ce dont il résultait que cette créance était, à cette date, sortie de son patrimoine, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches, que les demandes de la société Diderot holding, venant aux droits de la société Générale distribution, étaient irrecevables ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.