Cass. com., 18 janvier 2017, n° 15-12.723
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Lecaroz
Avocats :
Me Haas, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 juillet 2014), que M. X... a acquis en 2005 la majorité des parts de la société Frigestion, société holding propriétaire de 100 % des actions de la société Crigent ; que par acte du 30 juin 2005, la société Frigestion, représentée par M. X..., son gérant, a emprunté la somme de 460 000 euros auprès de la société Crédit coopératif (le Crédit coopératif), avec la garantie partielle de la société Oséo et celle de M. X... en qualité de caution solidaire à concurrence de 92 000 euros ; que la société Frigestion ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 février 2010, le Crédit coopératif a assigné M. X... en exécution de son engagement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au Crédit coopératif la somme principale de 92 000 euros alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant, pour exclure toute disproportion de l'engagement de caution, que M. X... ne contestait pas percevoir des revenus nets mensuels de 3 000 euros au moment où il a souscrit son engagement de caution et faisait seulement état d'une période de chômage antérieure, quand, au contraire, celui-ci avait clairement indiqué qu'il était au chômage depuis 2002 et qu'il percevait, à ce titre, des indemnités mensuelles d'un montant de 1 655, 40 euros, y compris lorsqu'il a, en 2005, fait l'acquisition de la société Crigent, acquisition à l'issue de laquelle il a procédé à l'emprunt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. X... était propriétaire en indivision d'un bien immobilier, pour exclure toute disproportion de son engagement de caution, au prétexte que ce bien constituait un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes, après avoir pourtant constaté qu'un tel bien, qui constituait sa résidence principale, était, aux termes des conditions générales de l'assurance attachée au prêt litigieux, insaisissable par la banque pour le recouvrement de la créance garantie, ce dont il résultait que le bien devait être nécessairement exclu de l'assiette d'évaluation de la capacité contributive de la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Mais attendu, d'une part, que c'est sans méconnaître l'objet du litige que l'arrêt constate que M. X... n'a pas contesté que, dans la fiche de renseignements patrimoniaux qu'il avait signée et dont il avait certifié la sincérité, il avait déclaré des revenus mensuels de 3 000 euros ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que l'article 10 des conditions générales de la garantie Oséo liant cette société au Crédit coopératif stipule que « le logement servant de résidence principale au Bénéficiaire, s'il s'agit d'un entrepreneur individuel, ou aux dirigeants sociaux qui animent effectivement l'entreprise si le Bénéficiaire est une société, ne peut en aucun cas faire l'objet d'une hypothèque conventionnelle ou judiciaire en garantie du crédit ni d'une saisie immobilière pour le recouvrement de la créance garantie » ; que l'arrêt retient encore que cette garantie du prêt par la société Oséo a été consentie au Crédit coopératif sous la condition du cautionnement solidaire de M. X... et que le bien immobilier déclaré dans la fiche de renseignement constitue un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes à concurrence des engagements de caution de M. X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que l'article 10 des conditions générales de la garantie de la société Oséo avait pour seul objet d'interdire au Crédit coopératif le recours à certaines procédures d'exécution forcée sans modifier la consistance du patrimoine de la caution pouvant être prise en compte, la cour d'appel a exactement retenu que cette interdiction était sans influence sur l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que doit être considérée comme une caution non avertie, à l'égard de laquelle l'établissement prêteur est débiteur d'une obligation de mise en garde, la caution qui ne dispose pas des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par son engagement ; qu'en déduisant des seules compétences techniques et commerciales de M. X... et de sa qualité de dirigeant de la société débitrice principale celle de caution avertie, sans rechercher si celui-ci disposait des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par les cautionnements auxquels il s'engageait à titre personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le parcours professionnel de M. X... démontre qu'il a assumé des fonctions de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, qu'il a suivi une formation spécifique à la reprise d'entreprise, qu'il s'est personnellement chargé de la constitution et du suivi des dossiers de financement en vue de l'opération de reprise complexe qu'il a montée ainsi que des négociations nécessaires à l'obtention des financements ; qu'en l'état de ces motifs, dont elle a déduit que M. X... était une caution avertie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.