Cass. crim., 9 mars 2016, n° 14-86.795
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Avocats :
SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Florian Y... est poursuivi pour avoir modifié, sur la base de données de l'université Paris 2, les notes obtenues par lui ainsi que par sa soeur, Mme Rebecca Y..., et par son amie, Mme Laure Z..., au cours de leurs années d'études ; que le tribunal l'a déclaré coupable des faits reprochés après avoir rejeté une exception de nullité de procédure tirée du manque d'impartialité du ministère public, le prévenu faisant valoir que les deux procureurs près le tribunal devant lequel il était poursuivi dispensaient des enseignements à Paris 2 ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, du principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité de l'ensemble de l'enquête préliminaire, en raison de la partialité du ministère public et de l'absence d'égalité des armes ;
" aux motifs que le ministère public ne décidant pas du bien-fondé de l'accusation en matière pénale, il ne saurait être reproché à un magistrat du parquet son impartialité à l'occasion de l'exercice des poursuites ;
" alors que M. Y... avait soulevé dans ses conclusions un moyen tiré de l'absence de partialité des procureurs de la République près le tribunal de grande instance de Melun, en raison des liens professionnels qui les unissaient avec l'antenne de Melun de l'université Panthéon-Assas Paris 2, ce qui avait eu pour conséquence une violation de l'égalité des armes ; qu'en écartant ce moyen de nullité, au seul motif inopérant qu'il ne peut être reproché à un magistrat du parquet son impartialité à l'occasion de l'exercice des poursuites, au lieu de vérifier si une telle partialité existait ou non et si elle avait pu entacher l'ensemble de l'enquête préliminaire de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Attendu que, le ministère public ne décidant pas du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité supposée de ce magistrat est inopérant ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 323-1, 323-5, 441-1, 441-10, 441-11, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable d'accès frauduleux à tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données, faux et usage de faux, en répression l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, au paiement d'une amende de 3 000 euros, ordonné la publication de la décision ainsi que l'interdiction de toute fonction ou emploi public pour une durée de cinq ans et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs propres que, c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause exactement rapportés dans la décision critiquée que les premiers juges ont, sur la base des actes non annulés, caractérisé les infractions d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et de faux et usage de faux, amplement établis par les constatations opérées dans les données informatiques concernant les notes attribuées aux étudiants, ne correspondant pas aux notes antérieurement et régulièrement attribuées à M. Y..., et par les témoignages concordants des salariés de l'université quant aux possibilités d'intervention de ce dernier, connu comme particulièrement compétent en informatique, lors de ses passages observés à proximité de postes sur lesquels les modifications pouvaient être saisies, lui seul, par ailleurs pouvant tirer avantage de telles opérations et ayant produit les relevés de notes frauduleux dans des dossiers d'inscription ; le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité du prévenu ;
" aux motifs adoptés que, sur l'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données ; qu'il était constaté des différences entre les notes résultant des délibérations manuscrites du jury et les notes portées dans le système de traitement automatisé de données de l'université de droit de Paris 2, antenne de Melun ; que sur la totalité des notes contrôlées de 2003 à 2008, portant sur plusieurs milliers de notes, seules celles de M. Florian Y..., de sa soeur, Mme Rebecca Y... et de son amie, Mme Laure Z..., présentaient des différences entre les notes résultant des délibérations manuscrites du jury et les notes portées dans le système de traitement automatisé de données ; que le nombre important de notes erronées toujours à la hausse et le fait qu'elles ne concernaient que ces trois étudiants unis par des liens de famille ou d'affection, exclut une erreur de saisie informatique ; que l'altération frauduleuse est donc établie ; que cinq postes informatiques de l'antenne de Melun, seulement dont celui de la responsable du laboratoire de langue permettaient d'accéder au logiciel de saisie des notes Périclès ; que M. Y... dont il est établi qu'il avait d'excellentes connaissances informatiques était vu à de nombreuses reprises à proximité du poste informatique d'accès Périclès du laboratoire de langues ; qu'il est, par ailleurs, démontré que M. Y... était parfois seul dans le bureau où se trouvait ce poste informatique et qu'en l'absence provisoire de la responsable, l'accès au logiciel Périclès pendant certaines périodes de saisine de notes de langue était possible malgré les codes d'accès confidentiels ; que la responsable du laboratoire de langue précisait aux enquêteurs que M. Y... était déjà intervenu à sa demande sur son poste informatique pour l'aider ;
" 1°) alors que l'accès frauduleux à tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données, suppose que l'auteur des faits ait pénétré frauduleusement dans un système de traitement automatisé de donné ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi par les motifs propres et adoptés que M. Y... ait forcé l'accès du logiciel Périclès, et cela d'autant plus qu'il était relevé que l'accès au logiciel Périclès pendant certaines périodes de saisine de notes de langue était possible malgré les codes d'accès confidentiels ; que dès lors, en confirmant la déclaration de culpabilité de M. Y..., sans justifier l'accès frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que les juges qui se sont bornés à relever que M. Y... fréquentait un local possédant des ordinateurs permettant l'accès au logiciel Périclès, mais sans établir que l'accès frauduleux avait eu lieu d'un de ces postes, ni que M. Y... en était l'auteur, n'ont pas établi avec certitude la culpabilité de M. Y... ; que dès lors, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer M. Y... coupable des faits reprochés, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine des faits de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, se rend coupable de l'infraction prévue à l'article 323-1 du code pénal la personne qui, sachant qu'elle n'y est pas autorisée, pénètre dans un système de traitement automatisé de données ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Y... devra payer à l'Université Panthéon-Assas (Paris 2) au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mars deux mille seize ;