Cass. crim., 22 novembre 2005, n° 05-82.200
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. COTTE
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 323-1, 121-3 et 121-7 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Vitantonio X... et Serge Y... coupables d'accès frauduleux au système de traitement automatisé de données de la société SNM 3000 et Pierre Z... et Jean-Marc A... coupables de complicité de cette infraction ;
"aux motifs propres à la Cour qu'il est constant qu'agissant sur ordre de Pierre Z... et conformément aux instructions reçues de celui-ci, Vitantonio X... et Serge Y..., aidés et assistés de Jean-Marc A..., se sont connectés sur le système informatique d'enregistrement et de traitement de fichiers de la Société SNM 3000 à laquelle ils étaient étrangers et en ont consulté et manipulé les données ; qu'il ne peut pas être sérieusement contesté que Jean- Marc A..., non seulement ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de la Société SNM 3000, laquelle se trouvait au surplus alors placée en redressement judiciaire, mais était alors également soumis à l'obligation de rendre compte à son supérieur hiérarchique des opérations qu'il traitait avec la société Bonna Sabla ce que n'ignorait pas Pierre Z... qui, pour entretenir les relations d'affaires de cette dernière société avec l'entreprise SNM 3000, s'adressait fréquemment à ses dirigeants légaux ; qu'il est en conséquence établi de manière très suffisante que Jean-Marc A... ne disposait pas du pouvoir d'autoriser des étrangers à la Société SNM 3000 à s'introduire sur le système informatique de son entreprise qui contenait des données propres à celle-ci ; que le mobile ayant animé les quatre prévenus, à savoir la récupération de données dont la société Bonna Sabla était restée propriétaire, ne les autorisait pas davantage à accéder, à l'insu des dirigeants habilités, au système informatique de la Société SNM 3000 qui contenait les données qu'ils ont de surcroît, récupérées en l'absence de toute revendication conforme aux dispositions du Code de commerce relatives aux entreprises en redressement judiciaire ; que de ces considérations, il résulte de manière très suffisante que sur ordre et instructions de Pierre Z..., leur supérieur hiérarchique, et avec l'aide et l'assistance de Jean-Marc A..., Vitantonio X... et Serge Y..., ont, en pleine connaissance de cause, frauduleusement accédé au système automatisé de traitement de données de la Société SNM 3000 ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que le fait que les plans concernés soient la propriété de la société Bonna Sabla n'autorisait pas les employés de cette société à accéder aux ordinateurs d'une autre société sans y être expressément invités et autorisés ; qu'or, en l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les employés de la Société Bonna Sabla, ils ne peuvent s'appuyer sur l'existence d'une autorisation qui leur aurait été donnée par Jean-Marc A... ; qu'en effet, tous étaient deux ans avant les faits les employés d'une même société ; que les auditions de Jean-Marc A... ainsi que de différents témoins montrent que celui-ci était resté très proche des intérêts de la Société Bonna Sabla pour laquelle il n'a pas contesté qu'il travaille encore à ce jour même si cela est par le biais de relations commerciales entre l'entreprise qui l'emploie et cette société ; que les relations entre la Société Bonna Sabla et la Société SNM 3000 étaient particulièrement tendues ainsi que cela apparaît dans les actes d'instruction ainsi que dans les éléments retenus par le tribunal de commerce, dans sa décision du 27 novembre 2003 ; qu'enfin, Jean-Marc A... a fait état des nombreuses pressions exercées sur lui par ses anciens collègues et collaborateurs de la Société Bonna Sabla afin qu'il organisât pour eux l'accès aux ordinateurs ; qu'il apparaît pour le moins curieux que, dans un tel contexte, les prévenus aient omis de solliciter l'accord des dirigeants de la Société SNM 3000, M. B... ou M. C..., avant de procéder à leurs opérations et qu'ils soient intervenus à un moment où les employés travaillant habituellement sur ces ordinateurs étaient absents de telle sorte que ceux-ci se sont aperçus, par hasard, en allumant l'ordinateur, de l'intrusion ; que les employés de la Société Bonna Sabla ne pouvaient ignorer la structure exacte de leur ancienne filiale et ont admis, à ce sujet, qu'ils connaissaient le rôle de MM. B... et C... ; qu'ils ont délibérément agi en faisant pression sur leur ancien collègue dont ils connaissaient la fidélité à Bonna Sabla ; que cette concertation orale, sans écrit permettant de s'assurer d'une autorisation formelle, s'agissant d'accéder à un système de traitement automatisé de données, établit l'élément moral du délit reproché aux prévenus ;
"alors que, d'une part, le délit d'accès à un système de traitement automatisé de données prévu par l'article 323- 1 du Code pénal, suppose, pour être constitué, que son auteur ait agi frauduleusement ; qu'en l'espèce où les juges du fond ont reconnu que Vitantonio X... et Serge Y... avaient accédé aux ordinateurs de la Société SNM 3000 avec l'autorisation de leur coprévenu Jean-Marc A..., responsable commercial et technique de cette société, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'aspect frauduleux au sens du texte précité de leurs agissements et ont entaché leur décision d'un défaut de motifs en leur reprochant de n'avoir pas sollicité l'accord du Président-Directeur Général de la Société SNM 3000 sans expliquer comment ces prévenus auraient pu savoir que Jean-Marc A... n'était pas habilité à les autoriser à accéder au système automatisé de données de la société susvisée ;
"alors, d'autre part, que la complicité légale n'existant qu'autant qu'il existe un fait principal punissable, la Cour, qui n'a pas constaté la réunion de tous les éléments de l'infraction d'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données dont elle a déclaré Serge Y... et Vitantonio X... coupables, a, de ce fait violé l'article 121-7 du Code pénal et privé de toute base légale le chef de son arrêt déclarant Jean-Marc A... et Pierre Z... coupables de complicité de cette infraction" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 321-1 du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Marc A... coupable d'abus de confiance et Serge Y..., Vitantonio X... et Pierre Z... coupables de recel de cette infraction ;
"aux motifs qu'il résulte de manière probante que Jean-Marc A... a détourné un CD-ROM qui lui avait été remis pour un usage professionnel interne à son entreprise en le transmettant à Vitantonio X..., Serge Y... et Pierre Z..., à qui il n'avait pas pouvoir de le remettre, ce que savaient ces derniers, qui l'ont en conséquence sciemment recelé ;
"alors que, d'une part, le délit d'abus de confiance suppose pour être constitué, un acte de détournement susceptible d'entraîner un préjudice ; qu'en l'espèce où les prévenus contestaient dans leurs conclusions d'appel l'existence de cet élément en expliquant que Jean-Marc A..., qui avait la libre disposition du CD-ROM qu'il leur avait prêté, pour que leur employeur puisse récupérer des plans lui appartenant et où les juges du fond qui ont eux-mêmes constaté que le logiciel litigieux n'avait pu être utilisé, sans expliquer en quoi aurait pu consister le préjudice résultant de son prétendu détournement, ont violé l'article 314-1 du Code Pénal ainsi que l'article 459 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, que le délit de recel n'étant constitué que si la chose détenue provient d'un crime ou d'un délit, les juges du fond, qui n'ont pas caractérisé l'abus de confiance qui serait à l'origine de la détention du CD-ROM litigieux par les exposants, ont violé les articles 321-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale en déclarant, dans ces conditions, Pierre Z..., Vitantonio X... et Serge Y... coupables de recel" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;