CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 7 février 2002, n° 2001/00034
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Saurat & Compagnie (Sté), Saurat & Compagnie le Messidor (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brignol
Conseillers :
M. Richiardi, M. Baby
Avoués :
SCP Boyer Lescat Merle, SCP Sorel Dessart Sorel
Avocats :
Me Gach Fori, SCP Mercie Frances Justice Espenan
Faits et procédure
Les sociétés en nom collectif SAURAT ET Cie et SAURAT et Cie Le Messidor ont été constituées entre M. Alexis SAURAT, qui en est le gérant associé majoritaire avec 52 % des parts, et ses deux enfants Martine SAURAT épouse PONSOT et Patrick SAURAT, qui détiennent chacun 24 % des parts composant le capital social de 100 000 F. Les statuts prévoient que les décisions collectives, et notamment l’approbation des comptes annuels et l'affectation des résultats, sont prises à l’unanimité des associés de la SNC SAURAT ET Cie.
Pour la SNC SAURAT ET Cie Le Messidor, les comptes sociaux sont approuvés ou rejetés à la majorité des 2/3 en nombre des associes.
Ces sociétés ont une activité de construction et promotion immobilière, et ont réalisé au cours de I’exercice 1999 d’importants résultats bénéficiaires, du fait de la vente des immeubles composant leur actif.
Au cours de l'assemblée générale ordinaire annuelle qui s’est tenue pour chacune des deux sociétés le 27 juin 2000, les résolutions relatives à l'approbation des comptes annuels pour 1999 et I‘affectation des résultats, soit en l’espèce leur distribution à chaque associé en proportion de sa participation au capital, ont été rejetées, les deux associés minoritaires ayant voté contre.
Selon exploit en date du 31 aout 2000, Mme PONSOT a assigné les deux sociétés devant le tribunal de commerce de Toulouse, a l'effet d’obtenir le versement d’acomptes sur dividendes pour un montant de 3 302 884,56 F par la SNC SAURAT ET Cie le Messidor et pour un montant de 2 471 398 F par la SNC SAURAT ET Cie, et de les voir condamnée à lui payer chacune 15 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Le tribunal, aux termes d’un jugement en date du 13 novembre 2000, a estimé que les conditions d’application de l'article 347 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 n’étaient pas réunies, et a débouté Mme PONSOT de sa demande, la condamnant à payer 5 000 Fa chacune des sociétés en indemnisation de leurs frais irrépétibles.
Mme PONSOT a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 27 novembre 2000.
Moyens et prétentions des parties
Pour l’appelante, le tribunal a fait une fausse application de la loi en considérant que la clôture des comptes de l'exercice faisait obstacle à la distribution d’acomptes sur dividendes, alors que la seule condition posée par le texte, à savoir l'absence d’approbation des comptes, est bien réalisés en l'espèce, cette approbation ayant été rejetée du fait du vote négatif de l’appelante et de son frère. De plus, une nouvelle vente d’immeuble est intervenue en novembre 2000, dont le produit s’est ajoute au bénéfice de l'exercice 1999, et qui justifie le versement d’acomptes sur dividendes.
Ajoutant que le versement de ces sommes est nécessaire eu égard aux impôts qu'elle doit acquitter en sa qualité d’associée, elle sollicite donc le bénéfice de son acte introductif d’instance, outre la condamnation de chacune des deux sociétés à lui payer 20 000 F en indemnisation de ses frais irrépétibles.
Les intimées concluent à la confirmation du jugement, rappelant qu’une fois le vote des associés intervenu, comme c’est le cas en l’espèce, la décision correspondante (soit ici l'absence de distribution du résultat) s’impose à tous.
Elles ajoutent qu’en refusant l’affectation en compte courant du résultat de l'exercice, Mme PONSOT s’est elle-même privée du droit de percevoir sa part de résultat, d’ailleurs supérieure au montant qu’elle demande en justice, puisque le solde du compte courant constitue une créance de l'associé sur la société, liquides et exigible des l'expiration du neuvième mois suivant la date de clôture de l'exercice auquel se rap porte ce résultat.
Elles demandent en outre la condamnation de l’appelante à payer à chacune d’entre elles une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles d’appel.
Sur quoi
Seule la disposition du jugement relative à l’application de l’article 347 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 (article L. 232-12 du nouveau code de commerce) est critiquée devant la cour.
La cour observe tout d’abord que l’appelante lit “après approbation des comptes courants et contestation de l'existence de sommes distribuables...” là où l’article L 232-12 du nouveau code de commerce prévoit “après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables" ce qui peut contribuer à une compréhension erronée de l’alinéa 2 de ce texte, dont l'objet est de déroger au pouvoir des associés en matière d’affectation des résultats en donnant au gérant de la société en nom collectif (qui a seule qualité pour prendre une telle décision, conformément à l’article 245-1 du décret du 23 mars 1967) la faculté de distribuer un acompte sur dividendes.
II tombe sous le sens qu’une telle faculté, sauf à denier toute valeur aux délibérations de l'assemblée des associés, ne peut être exercée qu’à un moment où les associés eux-mêmes ne se sont pas encore prononcés sur l'affectation des résultats de l'exercice au cours duquel ont été réalisés les bénéfices dont il s’agit, peu important d’ailleurs que les comptes correspondants aient été ou non clôturés au sens comptable ou fiscal du terme : une fois la décision des associés prise, elle est souveraine et s’impose au gérant, qui ne peut la remettre en cause en prenant une décision contraire.
En l'espèce, Mme PONSOT, par son rejet de la résolution relative à l'affectation du résultat de l'exercice 1999, a directement fait obstacle au vote de cette résolution par l'assemblée de la SNC SAURAT et Cie Le Messidor, et participé au rejet de la résolution équivalente par l'assemblée de la SNC SAURAT Et Cie: elle ne peut venir ensuite demander à la justice d’imposer aux sociétés une décision différente au seul visa d’un texte accordant à un tiers, d’ailleurs absent de la cause, une faculté qu’il avait la liberté de ne pas exercer et à l'exercice de laquelle la décision collective prise fait désormais obstacle.
S’agissant des bénéfices prétendument réalisés en 2000, la cour observe qu’elle ne dispose d’aucun élément comptable, ignore quelle société a procédé à la vente de l'immeuble “Apollo”, et surtout qu’elle ne peut, là encore, exercer aux lieu et place du gérant une faculté qui est exclusivement la sienne et qui cesse avec le vote de l'assemblée sur les comptes de l'exercice en cause.
Surabondamment, il sera observé que l'affectation des résultats aux comptes courants d’associés, comptes qui, en l'espèce, existaient depuis plusieurs années, ainsi qu’il résulte des documents de synthèse annuels et de l'expertise judiciaire produits devant la cour, constitue un mode de mise à disposition des fonds : sauf convention de blocage dont l'existence n’est nullement démontrée en l’espèce, le soIde du compte courant d’associé constitue, selon le cas, une créance ou une dette liquide et exigible vis à vis de la société, et figure d’ailleurs à ce titre au bilan parmi les créances ou les dettes à moins d’un an.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme PONSOT de ses demandes d’acomptes sur dividendes, au titre des exercices 1999 et 2000.
II apparait dès lors équitable d’allouer à chacune des sociétés intimées, tenues de se faire représenter devant la cour, une somme complémentaire de 1 200 euros (7.871,48 Frs) en indemnisation de leurs frais irrépétibles.
Par ces motifs.
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l’appel régularisé par Mme Martine SAURAT épouse PONSOT,
L’en déboutant,
Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Condamne Mme Martine SAURAT épouse PONSOT à payer à chacune des intimées une somme complémentaire de 1 200 € (7.871,48 Frs) en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,
La condamne aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCR SOREL - DESSART - SOREL,
Rejette toutes autres demandes.