Cass. crim., 27 juin 2001, n° 00-83.739
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Challe
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 80, 81, 171, 173, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué du 12 janvier 1995 a déclaré régulière la procédure et dit n'y avoir lieu à annulation de pièces ;
" aux motifs que, à les supposer établis, les faits tels qu'ils résultent des procès-verbaux de l'enquête préliminaire du SRPJ de Nantes intégralement visée au réquisitoire introductif du 12 octobre 1994 sont susceptibles de caractériser le délit de concussion et entrent bien dans la saisine in rem du juge d'instruction de Nantes, quelles que soient les qualifications retenues pour ces faits par le procureur de la République dans son réquisitoire introductif ; qu'ainsi, le juge d'instruction était fondé à notifier à X... sa mise en examen du chef de concussion ;
" alors que si le juge d'instruction dispose d'une entière liberté pour qualifier les faits qui lui sont déférés, il ne peut informer que sur des faits tels que délimités par le cadre fixé dans le réquisitoire introductif ; que, dans son réquisitoire du 12 octobre 1994, le procureur de la République demandait uniquement, et nonobstant les résultats de l'enquête préliminaire, qu'il soit informé du chef d'abus de confiance et recel, c'est-à-dire sur l'utilisation des subventions, tandis que le juge d'instruction, retenant la qualification de concussion, a entendu informer sur les conditions d'attribution de ces subventions ; qu'ainsi, le juge d'instruction est sorti du cadre fixé par le réquisitoire introductif, et a excédé sa saisine, de sorte que la procédure était irrégulière et devait être annulée " ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité de l'information proposé par X... qui soutenait que le juge d'instruction aurait excédé sa saisine en informant sur des faits qu'il a qualifiés de concussion alors qu'il était saisi de faits d'abus de confiance, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
II. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 11 mai 2000 :
Sur le pourvoi en ce qu'il concerne Z... ;
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Sur le pourvoi en ce qu'il concerne les autres demandeurs ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60, 174 et 460 du Code pénal abrogé, 121-6, 121-7, 321-1 et 432-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué du 11 mai 2000 a déclaré U..., coupable de concussion, déclaré X..., B..., R..., A..., E..., F..., G..., Q... et V..., ainsi que C..., et K..., coupables de complicité de concussion, et déclaré H..., I..., J... M..., N..., S... et W..., ainsi que D..., L..., O..., P..., T..., et Y..., coupables de recel de concussion, et les a condamnés de ces chefs ;
" aux motifs que le maire, ayant qualité d'officier public et de dépositaire de l'autorité publique, est l'auteur principal du délit de concussion, pour avoir signé les ordres de paiement mensuels de 800 francs au profit des conseillers municipaux, droits auxquels ces derniers ne pouvaient prétendre du fait de leur mandat électif gratuit ; que les adjoints, membres de la majorité municipale, ont assisté le maire en connaissance de cause, en participant activement à l'association fictive, ou en votant la subvention chaque année ; que les conseillers municipaux ayant touché ces indemnités à titre de droits, sans texte le prévoyant, avec connaissance du caractère bénévole de leur mandat, ont commis le recel du délit de concussion ;
" alors, d'une part, que la concussion n'est pas le fait de signer un ordre de paiement, mais celui de donner un ordre de percevoir ; qu'en l'espèce, le fait pour le maire de signer les ordres de paiement mensuels de 800 francs au profit des conseillers municipaux ne constituait pas un ordre de perception de droits ou de contributions ; qu'il s'ensuit que le délit de concussion ne pouvait être retenu, pas plus que la complicité ou le recel de ce délit ;
" alors, d'autre part, que le délit de concussion exige que les sommes aient été reçues ou réclamées à titre de "droits ou contributions, impôts ou taxes publics" ; que si les indemnités de fonction d'un maire, dont l'attribution est réglementée par l'autorité publique, sont perçues à titre de droits au sens de l'article 432-10 du Code pénal, tel n'est pas le cas des indemnités versées en l'espèce aux conseillers municipaux, qui n'ont pas été perçues à titre de droits ; que, dès lors, le délit de concussion n'était pas constitué, pas plus que la complicité ou le recel de ce délit ;
" alors, de surcroît, que le délit de concussion n'est constitué que si la personne dépositaire de l'autorité publique a elle-même exigé ou reçu les fonds litigieux ; qu'en l'espèce, les fonds ayant été perçus par des tiers n'ayant pas cette qualité, le délit de concussion ne pouvait être retenu, pas plus que la complicité ou le recel de ce délit ;
" alors, enfin, et en toute hypothèse, faute de préciser en quoi les prévenus concernés avaient personnellement conscience de s'associer à une opération frauduleuse ou avaient connaissance de l'origine délictueuse des fonds perçus, la cour d'appel n'a pas, en toute hypothèse, caractérisé, à l'égard de chacun des prévenus concernés, l'élément intentionnel de la complicité ou du recel " ;
Vu l'article 432-10 du Code pénal ;
Attendu que le délit de concussion n'est constitué que si une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public a reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due ou excéder ce qui est dû ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. L..., maire de Saint-Sébastien-sur-Loire, a ordonné, courant 1992 et 1993, le paiement mensuel d'une indemnité de 800 francs au profit de l'ensemble des conseillers municipaux, perpétuant ainsi un procédé d'indemnisation mis en place par son époux après les élections de 1989 ; que les sommes versées provenaient d'une subvention de 250 000 francs accordée chaque année par la ville à l'association sébastiénaise pour la formation civique (ASFC), présidée par X..., premier adjoint, laquelle a eu pour seule activité la perception de subventions servant à indemniser les conseillers municipaux ;
Attendu que, pour déclarer M. L... coupable de concussion, les adjoints membres de la majorité municipale, fondateurs de l'ASFC ou ayant voté la subvention, coupables de complicité de concussion et les conseillers municipaux, bénéficiaires des indemnités, coupables de recel de concussion, les juges d'appel énoncent notamment que le maire, ayant la qualité de dépositaire de l'autorité publique, est l'auteur principal du délit pour avoir signé des ordres de paiement mensuels de 800 francs au profit des conseillers municipaux, droits auxquels ceux-ci ne pouvaient prétendre en raison de la gratuité de leur mandat ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, le délit de concussion n'est constitué que s'il y a eu un ordre de percevoir et non un ordre de paiement, que, d'autre part, n'entrent pas dans la catégorie des droits, visés par les articles 174 ancien, alors applicable, et 432-10 du Code pénal, les indemnités librement attribuées à des conseillers municipaux, qu'enfin ces indemnités ont été perçues par des personnes qui n'étaient ni dépositaires de l'autorité publique, ni chargées d'une mission de service public au sens des articles précités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation ;
I. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 12 janvier 1995 :
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 11 mai 2000 :
En ce qu'il concerne Z... ;
Le REJETTE ;
En ce qu'il concerne les autres demandeurs ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.