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Décisions

Cass. 2e civ., 27 février 2014, n° 13-11.865

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Rapporteur :

Mme Lemoine

Avocat général :

M. Mucchielli

Avocats :

Me Le Prado, SCP Ortscheidt

Paris, du 23 févr. 2012

23 février 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2012) que condamnée solidairement avec la société Crédit industriel et commercial de Paris (le CIC), par une cour d'appel à payer à la société Esso, une certaine somme, la société Jan dont M. et Mme X... étaient co-gérants, a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt ; que parallèlement, le CIC a réglé en sa qualité de caution à la société Esso les sommes dues en vertu de cet arrêt ; qu'un tribunal de commerce a condamné M. X... à rembourser au CIC ces sommes ; que le CIC a bénéficié d'une hypothèque définitive sur les biens immobiliers de M. et Mme X... et s'est fait subroger au créancier hypothécaire de premier rang, le Comptoir des entrepreneurs, afin de poursuivre la saisie immobilière, ce qui a permis la vente du bien sur adjudication ; que le CIC, n'ayant rien perçu, sur le produit de la vente, a engagé une procédure de saisie sur les rémunérations de M. X... qui a été autorisée par un tribunal d'instance ; que l'arrêt de la cour d'appel a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation (Com. 19 novembre 1996, pourvoi n° 92-12.450 ), qui a renvoyé l'affaire devant une autre cour d'appel, qui a finalement condamné la société Esso à payer à la société Jan certaines sommes ; qu'enfin, un tribunal d'instance a ordonné la mainlevée de la saisie des rémunérations pratiquée au préjudice de M. X... et a condamné le CIC à restituer les sommes saisies, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée par ce premier ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt confirmatif de les débouter de leur demande en paiement d'une somme de 275 000 euros au titre de la restitution par équivalent à laquelle la société est tenue à leur égard, alors, selon le moyen :

1°/ que l'exécution d'une décision ultérieurement cassée donne lieu à restitution, laquelle ne se borne pas aux sommes reçues en exécution de la décision anéantie mais tend à remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant la décision cassée ; que la cour d'appel, pour débouter M. et Mme X... de leur demande en restitution de la valeur de leur bien vendu par adjudication, a décidé que l'obligation de restitution mise à la charge du CIC, dont le titre du 8 septembre 1992 se trouve annulé du fait de la cassation de l'arrêt du 5 décembre 1991, ne pouvait porter que sur les fonds obtenus par le CIC en exécution du jugement précité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile, ainsi que l'article L.111-11 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que l'exécution d'une décision ultérieurement cassée donne lieu à restitution, laquelle tend à remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant la décision cassée ; que si la restitution ne peut se faire en nature, elle doit se faire en valeur ; qu'en déboutant M. et Mme X... de leur demande en restitution de la valeur de leur bien vendu par adjudication, tout en relevant que le bien saisi sur le fondement d'un titre ultérieurement annulé avait été vendu, ce dont il ressortait qu'il ne pouvait être restitué en nature et qu'il devait donc l'être en valeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 625 du code de procédure civile et de l'article L.111-11 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le CIC n'avait perçu aucun fonds à la suite de la procédure de saisie immobilière et que le produit de la vente avait été attribué au Comptoir des entrepreneurs, créancier hypothécaire de premier rang étranger au litige entre les parties, faisant ainsi ressortir que les sommes dont la restitution était demandée n'avaient pas été versées en exécution de l'arrêt cassé, c'est à bon droit, que la cour d'appel a débouté M. et Mme X... de leur demande dirigée contre le CIC au titre de la restitution par équivalent ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice né de la saisie abusive de leur immeuble, alors, selon le moyen, que si le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution de sa créance, il commet une faute en mettant en oeuvre une mesure dont il est manifeste qu'elle ne lui permettra pas de recouvrer, même partiellement, cette créance ; que la cour d'appel, après avoir relevé que le CIC « n'avait perçu aucun fonds suite à la procédure de saisie immobilière et que la somme à distribuer à la suite de l'adjudication a été attribuée au Comptoir des entrepreneurs », a néanmoins jugé qu'aucune faute du CIC n'était démontrée, dès lors que celui-ci « pouvait croire se trouver en rang utile pour être désintéressé» et que « la saisie ne peut être qualifiée d'inutile puisqu'elle a permis de rembourser la dette de M. et Mme X... à l'égard du Comptoir des entrepreneurs, créancier hypothécaire de premier rang » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la saisie avait été utile et, partant, non fautive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le CIC n'était pas à l'origine de la procédure de saisie immobilière qui avait été initiée par le Comptoir des entrepreneurs, que le jugement par lequel le CIC avait été subrogé au Comptoir des entrepreneurs, mentionnait que le Comptoir des entrepreneurs n'avait pas donné suite aux poursuites initialement engagées par lui et s'en rapportait à justice sur la demande de subrogation du CIC qui pouvait dès lors croire se trouver en rang utile pour être désintéressé, que, devant le tribunal de commerce de Meaux, M. X... ne s'était pas opposé à la demande du CIC, malgré le pourvoi en cassation, formé par la société Jan en se bornant à solliciter des délais qui lui ont été accordés et qu'il n'avait pas respectés, qu'il ne pouvait être reproché dans ces conditions au CIC titulaire d'un titre exécutoire de tenter de recouvrer sa créance, et retenu que la procédure de saisie immobilière ne pouvait être qualifiée d'inutile puisqu'elle avait permis de rembourser la dette de M. et Mme X... à l'égard du Comptoir des entrepreneurs, créancier hypothécaire de premier rang, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de faute du créancier, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de débouter M. X... de sa demande en paiement d'une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice né du maintien abusif de la procédure de saisie des rémunérations, alors, selon le moyen :

1°/ que la faute caractérisée consistant, pour un créancier, à poursuivre pendant neuf années la saisie de salaires, malgré la disparition de son titre exécutoire, cause nécessairement au saisi un préjudice moral dont il appartient au juge d'assurer la réparation ; qu'en se bornant à relever, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts, que celui-ci, « a obtenu le remboursement des sommes saisies avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2005 » et qu'il « ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui déjà réparé par les sommes allouées par le tribunal d'instance », tout en constatant que le CIC avait « laissé perdurer la saisie des salaires de M. X... durant plus de neuf ans malgré l'arrêt de cassation du 19 novembre 1996 et l'absence d'effet de son titre exécutoire », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que les intérêts dus par la partie condamnée à restituer une somme courent à compter de la signification de l'arrêt de cassation qui a annulé, par voie de conséquence, le titre en vertu duquel la somme a été payée ; qu'en jugeant que M. X... « ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui déjà réparé par les sommes allouées par le tribunal d'instance », tout en relevant que les intérêts moratoires alloués à M. X... par le jugement du tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine du 6 avril 2006 avaient été calculés à compter « du 31 mai 2005 », date de la mise en demeure, et non à compter de la signification de l'arrêt de cassation rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 novembre 1996, ce dont il résultait l'existence d'un préjudice subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., qui avait obtenu devant un tribunal d'instance le remboursement des sommes saisies avec intérêts au taux légal, ne communiquait aucun élément à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a exactement décidé que M. X... ne rapportait pas la preuve d'un préjudice autre que celui déjà réparé par les sommes qui lui avaient été allouées ;

Et attendu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que M. X... avait critiqué, devant la cour d'appel, le point de départ des intérêts moratoires retenu par le tribunal d'instance ;

D'où il suit que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.