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Décisions

Cass. crim., 7 mai 2002, n° 01-84.492

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

M. Marin

Avocat :

SCP Bachellier et Potier de la Varde

Bordeaux, du 16 mai 2001

16 mai 2001

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 432-10 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Max Y... des fins de la poursuite exercée contre lui du chef de concussion ;

" aux motifs que la décision du 9 décembre 1994 par laquelle Max Y... a rejeté la réclamation contentieuse présentée par M. X... le 17 octobre 1994 tendant au dégrèvement d'office d'impôts concernant les années 1980 à 1983 n'est pas un acte consistant à recevoir, exiger ou ordonner de percevoir ; qu'ainsi l'élément matériel du délit n'est pas constitué ; que pour justifier sa décision Max Y... avait invoqué la forclusion et s'était appuyé notamment sur l'arrêt de la cour administrative d'appel en date du 16 juillet 1991 qui avait rétabli les impositions précédemment dégrevées par le tribunal administratif ; qu'aucun grief de mauvaise foi ne saurait être retenu à l'encontre de Max Y... qui s'est référé à la décision de la cour administrative d'appel, seul ordre compétent en matière d'établissement de l'impôt ; qu'enfin Alain X... ne saurait utilement invoquer l'autorité de la chose jugée concernant l'ensemble des motivations de la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 28 juin 1994, laquelle autorité n'est attachée qu'aux motivations qui constituent le support nécessaire de la décision et que tel n'est pas le cas de celles relatives à la méthode de calcul utilisée par les agents des Impôts pour déterminer les stocks de bois détenus par Alain X... qualifiée dans l'arrêt de non conforme aux usages professionnels plus précis et plus exacts alors que cet arrêt renvoyait Max Y... des fins d'une poursuite du chef de concussion initiée par André X... ;

" 1° alors, sur l'élément matériel du délit de concussion, que ce délit peut résulter du refus du fonctionnaire compétent d'ordonner le dégrèvement d'une imposition après que celui-ci a pourtant été informé du caractère indu de sa mise en recouvrement ; qu'en retenant que le fait de refuser d'accéder à une demande tendant au dégrèvement d'impôts n'était pas susceptible de caractériser l'élément matériel du délit de concussion, bien qu'un tel refus soit seul de nature à révéler l'infraction, la cour d'appel, qui a commis une erreur de droit, a violé les dispositions susvisées ;

" 2° alors que la forclusion du délai de réclamation contentieuse, eût-elle été encourue, n'aurait pas fait obstacle à ce qu'il fût fait droit à la demande tendant, selon les constatations de l'arrêt, au dégrèvement d'office des impositions mises à la charge de M. X... ; que, dès lors, en se fondant, pour dire que l'élément matériel du délit de concussion reproché à Max Y... n'était pas caractérisé, sur la circonstance qu'il avait invoqué la forclusion pour justifier sa décision de rejeter la réclamation présentée par M. X..., la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

" 3° alors que l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 16 juillet 1991, bien qu'ayant rétabli les impositions litigieuses précédemment dégrevées par le tribunal administratif, ne faisait pas davantage obstacle à ce que fût prononcé d'office le dégrèvement des impositions litigieuses en considération de la circonstance nouvelle constituée par la décision rendue par la cour d'appel de Bordeaux le 28 juin 1994 qui a constaté la surévaluation manifeste du bénéfice imposable en raison de la mise en oeuvre de méthodes de calcul erronées ; qu'en se fondant encore, pour dire que l'élément matériel du délit de concussion reproché à Max Y... n'était pas caractérisé, sur la circonstance, inopérante, qu'il s'était appuyé, dans sa décision du 9 décembre 1994 portant refus de dégrèvement des impositions litigieuses, sur la décision rendue par la cour administrative de Bordeaux le 16 juillet 1991 sans rechercher quelle était l'incidence de la décision correctionnelle postérieure du 28 juin 1994 sur l'élément matériel du délit de concussion poursuivi, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

" 4° alors, sur l'élément intentionnel du délit de concussion, qu'en se fondant de nouveau, pour dire, cette fois, que l'élément intentionnel de ce délit n'était pas caractérisé, sur la circonstance, elle aussi inopérante, que Max Y... s'était référé, dans sa décision du 9 décembre 1994, à l'arrêt rendu par la cour administrative de Bordeaux le 16 juillet 1991, au lieu de rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions d'appel de M. X..., si la connaissance du caractère indu des impositions perçues, dont le dégrèvement était demandé, ne résultait pas nécessairement de la décision rendue par la cour d'appel de Bordeaux le 28 juin 1994 ayant relaxé Max Y... du chef du délit de concussion, non pas parce que les impositions perçues n'auraient pas été indues, mais uniquement parce que, selon elle, il n'était pas démontré que ce fût sciemment, et non par ignorance, que les méthodes de calcul erronées avaient été mises en oeuvre et soutenues ensuite devant le juge de l'impôt, la cour d'appel a, une fois encore, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Max Y..., directeur des services fiscaux, a été cité devant la juridiction correctionnelle, pour concussion, par Alain X... qui lui reprochait d'avoir rejeté, le 9 décembre 1994, la demande de dégrèvement des impôts sur le revenu, au titre des années 1980 à 1983, formée par son père, André X..., exploitant forestier, décédé ;

Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, les juges retiennent que l'élément matériel du délit de concussion fait défaut, le rejet d'une demande tendant au dégrèvement d'office d'impôts n'étant pas un acte consistant à recevoir, exiger ou ordonner de percevoir ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 472, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à verser à Max Y... une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile ;

" aux motifs qu'"il est constant qu'Alain X... n'a pas déféré à la juridiction administrative la décision du 9 novembre 1994 prise par Max Y..., rejetant sa réclamation contentieuse mais a délibérément choisi de le faire citer directement devant la juridiction pénale ; que cette attitude caractérise la mauvaise foi de la partie civile et l'intention de nuire au prévenu qui justifie l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du Code de procédure pénale" ;

" alors que la circonstance que la partie civile disposât, à l'encontre du prévenu, parallèlement à l'action civile portée devant le juge répressif, d'une autre voie de droit, de nature civile, commerciale ou administrative, ne saurait conférer un caractère abusif à sa citation directe dès lors, du moins, que le législateur n'a pas subordonné la recevabilité de l'action civile à l'exercice préalable de ces autres recours ; que, dès lors, la cour d'appel a ajouté à la loi pénale une condition qu'elle ne comporte pas en se fondant, pour juger abusive la citation directe que M. X... a fait délivrer à Max Y... du chef de concussion, sur la circonstance qu'il n'avait pas préalablement attaqué devant le juge administratif la décision prise par ce fonctionnaire des Impôts le 9 novembre 1994 rejetant sa demande tendant, selon ses constatations, au dégrèvement d'office des impositions litigieuses qu'il estimait indues " ;

Attendu qu'en condamnant Alain X... à la somme de 10 000 francs, en application de l'article 472 du Code de procédure pénale, après avoir relevé, par des motifs procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, que la partie civile avait agi de mauvaise foi et dans l'intention de nuire au prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.