Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Spinosi, SCP Fabiani et Luc-Thaler
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 janvier 2013), que M. X..., associé de la société par actions simplifiée Socoldis (la société), a été exclu de celle-ci par délibération de l'assemblée générale des associés du 10 février 2010 ; que M. X..., faisant notamment valoir qu'elle avait été prise en application d'une clause des statuts devant être réputée non écrite, a demandé en justice l'annulation de cette délibération et sa réintégration en qualité d'associé ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 11.2 des statuts de la société Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter de la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » ; qu'en l'espèce, pour écarter le jeu de la clause d'exclusion, la cour d'appel s'est fondée sur la seule résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de son employeur, la société Socoldis, prononcée par un arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai du 19 juin 2012, et en a déduit que la perte, par M. X..., de sa qualité de salarié serait exclusivement imputable à la faute de son employeur et que celui-ci ne pourrait donc s'en prévaloir à l'appui d'une décision d'exclusion d'associé ; que, dès lors, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation, à intervenir, de l'arrêt du 19 juin 2012 entraînera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt infirmatif présentement attaqué ;
2°/ que dans les conditions qu'ils déterminent, les statuts d'une SAS peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions ; qu'en l'espèce, l'article 11.2 des statuts de la SAS Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter de la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » ; que la cour d'appel a retenu que cette stipulation était licite et valable ; que, dès lors, en se fondant sur la seule circonstance, inopérante, tirée de ce que la perte, par M. X..., de sa qualité d'associé serait, en définitive, imputable à faute à la société Socoldis, pour écarter le jeu de cette clause statutaire et pour annuler la décision d'exclusion prise sur son fondement, quand le caractère éventuellement illicite de cette rupture ne pouvait, cependant, atteindre la validité de la décision d'exclusion, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a violé, par refus d'application, les articles 1134 du code civil et L. 227-16 du code de commerce ;
3°/ que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, d'abord, rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément rappelé que, dans le volet prud'homal du litige ayant opposé M. X... à la société Socoldis, il avait été fait application de ces règles spécifiques, de sorte qu'en définitive, aucun grief n'avait pu être retenu contre M. X... ; que c'était donc uniquement en raison du fait qu'elle avait accueilli la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail formée par M. X..., lequel avait ainsi pris l'initiative de la rupture de ce contrat, que la chambre sociale de la cour d'appel de Douai n'avait pas pu examiner les griefs que l'employeur avait reprochés à son salarié à l'appui de la mesure de licenciement ; qu'en conséquence, en ayant affirmé que la rupture du contrat de travail et la perte, corrélative, de la qualité de salarié de M. X... serait « exclusivement imputable » à la société Socoldis et à la « faute » de celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 227-16 du code de commerce, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, l'article 11.2 des statuts de la société Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter de la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » et que la cour d'appel a retenu que cette stipulation était licite et valable ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, tirée de ce que la faute de la société Socoldis, en sa qualité d'employeur, serait à l'origine de la rupture du contrat de travail de M. X... et de la perte, corrélative, de sa qualité de salarié pour estimer que la société Socoldis cherchait à « se prévaloir de sa propre turpitude » et, ainsi, pour écarter le jeu de cette clause sans constater que la rupture dudit contrat de travail aurait été mise en oeuvre par la société Socoldis dans le but précis de procéder, ensuite, à l'exclusion de M. X... en sa qualité d'associé et, partant, d'ourdir une fraude à ses droits ou, à tout le moins, d'agir avec mauvaise foi à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 227-16 du code de commerce et L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu, en premier lieu, que le pourvoi formé contre l'arrêt visé par la première branche ayant fait l'objet d'une décision de non-admission, la critique est sans portée ;
Et attendu, en second lieu, qu'il résulte de l'article 1844, alinéas 1 et 4, du code civil que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi ; qu'il résulte encore de l'article 1844-10, alinéa 2, du même code que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite ; que l'arrêt constate qu'aux termes de l'article 11 des statuts de la société, « dans tous les cas, l'associé objet de la procédure d'exclusion ne peut prendre part au vote de la résolution relative à son exclusion et les calculs (de quorum) et de majorité sont faits sans tenir compte des voix dont il dispose » ; qu'il s'ensuit qu'ayant été prise sur le fondement d'une clause réputée non écrite, la décision d'exclusion de M. X... est nulle, peu important que ce dernier ait été admis à prendre part au vote ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par les trois dernières branches, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.