CA Paris, 4e ch. B, 13 mars 2009, n° 07/18278
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Citec Environnement (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mme Regniez, Mme Saint-Schroeder
Avoués :
Me Teytaud, SCP Bommart-Forster - Fromantin
Avocat :
Me Kukulski
La cour est saisie d'un appel interjeté par Monsieur C d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 3 octobre 2007.
Il sera rappelé que la société CITEC Environnement est titulaire de trois brevets européens délivrés sous priorité de brevets français portant mention du nom de Monsieur C en qualité d'inventeur. Soutenant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article L. 661-7-2°), s'agissant d'inventions hors mission, Monsieur C a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d'huissier du 3 juillet 2007 la société CITEC Environnement afin d'obtenir paiement du juste prix relatifs à ces brevets.
Par le jugement déféré, le tribunal a dit que Monsieur C n'est pas l'inventeur salarié des brevets EP 728 680, EP 774 42 et EP 808 729 dont la société CITEC ENVIRONNEMENT est titulaire, l'a déclaré irrecevable faute de qualité à agir et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, ordonné la transcription de la décision sur le registre des brevets et a condamné Monsieur C à payer à la société CITEC la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 9 décembre 2008, Monsieur C demande de rejeter des débats l'attestation de Monsieur B en date du 20 Mars 2008, subsidiairement, d'ordonner l'audition de cette personne et sur le fond, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, de constater le refus de la société CITEC Environnement de communiquer les chiffres des quantités de vente, location et maintenance en France et à l'export, de bacs équipés des inventions litigieuses ainsi que de tarifs de ceux-ci sur la période 1995 à la date de la décision, considérer les chiffres avancés par Monsieur C, notamment celui de 500 000 unités par an, comme pertinents, dire que la société CITEC Environnement doit, à titre de compensation, verser le juste prix des inventions de Monsieur C relatives au dispositif anti-bruit ayant fait l'objet des brevets européens EP 728680 et EP 808 729, fixer le juste prix des inventions de Monsieur C entre 0,24 et 0,48 euros par bac, sauf à parfaire, condamner en conséquence la société CITEC Environnement à payer à Monsieur C la somme correspondant au juste prix, comprise entre 1 320 000 et 2 640 000, sur la base de ventes estimées à 5 500 000 bacs entre 1996 et 2006, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'acte introductif d'instance, et à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 10 décembre 2008, la société CITEC Environnement prie la cour de débouter Monsieur C de ses demandes relatives à l'attestation de Monsieur B, sur le fond, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner Monsieur C à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'il est en premier lieu demandé d'écarter le témoignage de Monsieur B, ancien chef des produits de la société CITEC en date du 20 mars 2008 qui est en contradiction avec une première attestation qu'il avait rédigée en faveur de Monsieur C ou de procéder à son audition ;
Considérant qu'il n'apparaît pas nécessaire à la cour de procéder à l'audition de Monsieur B ; qu'il convient, en revanche, d'écarter des débats les deux attestations émanant de cette personne qui, en raison de leurs contradictions, sont dénuées de toute valeur probante ;
Considérant en second lieu que Monsieur C insiste sur le fait que sa qualité d'inventeur n'a jamais été remise en question avant la présente procédure ; qu'il en est légalement présumé l'inventeur en raison de la mention de son nom en cette qualité sur les brevets déposés par la société CITEC Environnement ; que, contrairement à ce qu'a dit le tribunal, la technicité de ces inventions, quoique extrêmement ingénieuses ne sont pas d'une technicité telle que seul un ingénieur plasticien particulièrement qualifié aurait pu les imaginer ; qu'il souligne qu'il a lui-même commencé sa carrière chez SOMMER- ALL1BERT en qualité d'ingénieur économiste du service recherche et développement de la division manutention, a exercé son activité dans le secteur de la transformation par injection des matières plastiques, de telle sorte qu'il avait une parfaite connaissance des particularités techniques des produits fabriqués par cette société ainsi que des spécificités des matériaux de fabrication des produits et a créé au sein de CITEC Environnement le poste de "responsable marketing produit" dont le titulaire était placé sous son autorité hiérarchique directe ;
Qu'il observe encore principalement que l'exercice des fonctions de président et d'animateur commercial n'est pas incompatible avec son aptitude à développer une activité créative et qu'en l'espèce l'activité inventive des brevets est certaine ; que l'ensemble des discussions qui ont eu lieu dans le cadre des "comités produits" ne portent que sur l'adaptation technique et l'industrialisation des inventions aux différents bacs fabriqués par GIDI PRODUCTION (société du groupe OTTO auquel appartient la société CITEC Environnement) et donc seulement sur la mise au point et non sur l'activité inventive ;
Considérant que l'article L. 611-7 2°) définit les conditions dans lesquelles le droit au titre de propriété industrielle est reconnu, à défaut de stipulation contractuelle, à l'inventeur salarié ; qu'il est donc nécessaire pour pouvoir invoquer les dispositions de cet article d'être salarié et non pas mandataire social ;
Or considérant qu'en l'espèce, ainsi que l'a retenu le tribunal, Monsieur C avait certes la qualité de salarié, mais avait également d'autres fonctions puisqu'il a été nommé en 1991 à la tête de la société CITEC Environnement et était, tout à la fois Président et Directeur général lors des dépôts des brevets,(fonctions pour lesquelles il a perçu au cours de l'année 2001 la somme de 142 519,72 euros); qu'il a démissionné de ses mandats d'administrateur et de président à l'occasion des délibérations du Conseil d'administration de CITEC du 26 octobre 2001 ; qu'il existait, ainsi, en l'espèce une confusion dans les rôles d'employeur et de salarié inventeur, la qualité d'inventeur étant octroyée non par un tiers mais par l'employeur lui-même, ce qui, de ce fait, ne permet pas à Monsieur C d'établir avec certitude la réalité de son activité inventive et de se prévaloir de la présomption légale ;
Considérant que par ailleurs, l'absence d'observations par les actionnaires sur cette mention ne permet pas de tirer la conclusion qu'ils auraient reconnu sa qualité d'inventeur ; qu'il n'est, en effet, pas démontré que ceux-ci auraient eu leur attention attirée sur l'attribution à Monsieur C de la qualité d'inventeur des trois brevets en cause ;
Considérant qu'en outre, la société CITEC Environnement établit que les inventions pour lesquelles le nom de Monsieur C a été mentionné, résultent en réalité d'un travail d'équipe au sein de l'entreprise, sans qu'il soit possible d'attribuer à Monsieur C un rôle particulier ; qu'en effet, aucun des comptes-rendus de réunions des "comités produits" de 1994 à 1996 (réunions des 13 décembre 1994, 16 février 1995,27 avril 1995, et 23 juin 1995) ne mentionne que ce dernier aurait eu un rôle actif dans l'élaboration des brevets, alors que le nom d'autres personnes sont parfois indiquées, notamment celle de Monsieur T AU, de Monsieur B pour le programme : réduction du bruit des bacs et Monsieur F pour les bossages ; que la société CITEC Environnement fait valoir exactement que la société GIDI PRODUCTION qui dépend également du groupe OTTO transmettait des dessins techniques élaborés et mis au point par son bureau d'études à Monsieur BURGESS qui assurait la liaison avec le cabinet de conseil en brevet et que cette société GIDI PRODUCTION est seule à l'origine d'une note "Etudes pour anti-bruits sur bacs roulants-avril 1997" ; qu'enfin, il n'est mis aux débats aucun croquis, compte- rendu ou document qui émanerait de la main de Monsieur C et qui serait ainsi susceptible de lui attribuer la paternité de l'invention ; qu'il sera, par ailleurs, souligné que sa formation et sa compétence relèvent davantage de l'analyse et des besoins du marché que d'une étude technique des produits; qu'il verse aux débats une attestation de Monsieur M, qui témoigne des connaissances techniques de Monsieur C sur les matières plastiques et les techniques de moule ; que toutefois, selon les termes de cette attestation, il est seulement dit que Monsieur C avait des connaissances lui permettant de faire des propositions, jeter des idées et imaginer des solutions, mais il n'est donné aucune précision sur les connaissances techniques apportées par Monsieur C qui permettraient de conclure que ce dernier a réalisé techniquement les inventions en cause ;
Qu'il a encore été relevé avec pertinence que Monsieur C qui se prétend inventeur n'a aucunement respecté la procédure prévue par les articles L. 611-7 3°) et R 611-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle par laquelle le salarié doit faire une déclaration à son employeur de ses inventions afin de déterminer les sommes qui pourraient lui revenir en tant qu'inventeur et qui auraient pu être débattues et fixées par le Conseil d'Administration ;
Que c'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont constaté que les conditions d'application de l'article L. 611-7 2°) n'étaient pas remplies et ont rejeté les demandes formées par Monsieur C en lui refusant la qualité d'inventeur salarié qu'il s'est attribuée ; que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que des raisons d'équité commandent d'allouer à la société CITEC Environnement la somme complémentaire de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Ecarte des débats les attestations de Monsieur B en date des 10 décembre 2007 et 20 mars 2008 ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Rejette toutes autres demandes ;
Condamne Monsieur C à payer à la société CITEC Environnement la somme complémentaire de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour les dépens d'appel, par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.