CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 2 octobre 2015, n° 14/16494
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
La société Kadant L. (antérieurement à 2001 dénommée E & M L., actionnaire de la société Thermo Black Clawson SA et qui a bénéficié, en 1997, d'une transmission universelle du patrimoine de cette société, elle-même cessionnaire d'une partie des actifs de la société Black Clawson France) qui a pour activité la fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, notamment des accessoires pour machine à papier et systèmes de préparation de pâtes à papier recyclé pour l'industrie papetière, a déposé le 12 septembre 2002 une demande de brevet français, n°2 844 532 délivré le 05 novembre 2004 (FR 02 11314), puis, le 05 septembre 2003, sous priorité du brevet français, un brevet européen EP 1398410 ayant pour titre « désintégrateur papetier » et exploités par la commercialisation d'un désintégrateur équipé d'un rotor dénommé Vorto.
Dans ces deux brevets était notamment cité comme co-inventeur Monsieur Jacques V., embauché par la société Black Clawson France en 1970 en qualité d' « ingénieur d'étude débutant » puis nommé, en 1985, « directeur réalisations industrielles » et qui, postérieurement aux diverses cessions précitées, a été salarié avec la qualité de directeur technique de la société Kadant L. jusqu'à son licenciement, en octobre 2010, à la suite d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Exposant qu'il en est l'inventeur, avec Monsieur Christian L., alors directeur de l'établissement de Mérignac où il exerçait des fonctions telles que modifiées à la suite de la prise de contrôle par la société Kadant L., que cette dernière a exercé son droit d'attribution sur ce qu'il qualifie d'invention hors mission attribuable et qu'il n'a jamais reçu le juste prix auquel il prétend du fait de ses importantes retombées économiques et commerciales, il a saisi la Commission Nationale de Inventions de Salariés (la CNIS) le 03 novembre 2011, laquelle, par décision rendue le 21 juin 2012, a considéré qu'il s'agissait d'une invention de salarié, propriété de la société Kadant L. et proposé la somme de 30.000 euros bruts au titre de la rémunération supplémentaire, puis il a assigné cette société aux fins de voir qualifier son invention, principalement, d'invention hors mission attribuable, subsidiairement, d'invention de mission, avec désignation d'un expert et condamnation en paiement provisionnel, ceci selon acte du 18 juillet 2012.
Par jugement contradictoire rendu le 16 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
- dit que Monsieur V. a la qualité de co-inventeur du brevet FR 2 844 532 qui est une invention de mission et condamné la société Kadant L. à lui payer la somme de 25.000 euros bruts au titre de sa rémunération supplémentaire,
- déclaré prescrite la demande reconventionnelle en responsabilité civile formée à l'encontre de Monsieur V. du fait de sa désignation en qualité de co-inventeur du brevet français précité et, par ailleurs, débouté la société défenderesse de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,
- condamné la société Kadant L. à verser au requérant la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2015, Monsieur Jacques V., appelant, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 611-6, L. 611-7 et suivants du code de la propriété intellectuelle :
sur l'appel incident de l'intimée, de la déclarer mal fondée et de la débouter de ses entières prétentions,
sur son appel principal, de confirmer le jugement en ce qu'il lui a reconnu la qualité d'inventeur, de le réformer pour le surplus et :
* en constatant que l'intimée ne prouve pas qu'elle l'a investi d'une mission inventive antérieurement aux recherches et développements qu'il a entrepris avec Monsieur L. en 2001 et 2002 pour inventer un nouveau rotor de pulpeur pour vieux papiers, qu'il s'agit donc d'une invention hors mission et qu'elle présente un caractère attribuable, de condamner la société Kadant L. à lui verser une somme provisionnelle de 150.000 euros à valoir sur le montant définitif du juste prix qui lui sera versé et d'ordonner une expertise de nature à permettre de l'évaluer, ceci aux frais partagés des parties,
* subsidiairement, de condamner la société Kadant L. à lui payer la somme de 300.000 euros en contrepartie de l'attribution de l'invention, objet du brevet français FR 2844532,
* plus subsidiairement, si la cour venait à qualifier l'invention d'invention de mission, de condamner l'intimée à lui verser la somme de 80.000 euros bruts à titre de rémunération supplémentaire,
* de condamner la société Kadant L. à lui verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 20.000 euros pour les frais engagés devant la CNIS et devant le TGI de Paris, outre celle de 15.000 euros pour les frais engagés devant la présente cour d'appel, et à supporter les entiers dépens,
étant précisé que par décision du 02 juillet 2015, jour de la clôture, le conseiller de la mise en état a joint au fond un incident de communication de pièces comptables relatives à l'exploitation de l'invention dont l'appelant l'a saisi par conclusions d'incident notifiées le 23 juin 2015.
Par dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2015, la société par actions simplifiée Kadant L., visant le Livre VI du code de la propriété intellectuelle et plus particulièrement l'article L. 611-7, ainsi que les articles 1382 et 1383 du code civil, 32-1 du code de procédure civile, prie en substance, la cour :
sur l'appel principal de Monsieur V., de le déclarer mal fondé et de le débouter de toutes ses prétentions,
sur son propre appel incident, d'infirmer le jugement et :
* à titre principal,
d'écarter la présomption simple attachée à la désignation de Monsieur V. en tant que co-inventeur dans les brevets, français et européen, précités, de dire que celui-ci n'a pas la qualité de co-inventeur et de débouter Monsieur V. de toutes ses demandes ; de juger que sa demande indemnitaire reconventionnelle n'est pas prescrite et qu'elle est fondée, de considérer qu'en se faisant désigner en tant que co-inventeur, Monsieur V. a engagé sa responsabilité civile délictuelle à son préjudice et de le condamner à lui verser la somme indemnitaire de 20.000 euros outre intérêts « du jour de la demande » au jour du paiement ou subsidiairement « à compter du jour du jugement à intervenir » (sic) ; de la déclarer, en outre, recevable et fondée en sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure en condamnant l'appelant à lui payer cette même somme de 20.000 euros assortie de ces mêmes intérêts,
* à titre subsidiaire,
de dire que l'invention est une invention de mission, de rejeter la demande d'expertise et de fixer la rémunération supplémentaire à un montant symbolique n'excédant pas 500 euros,
* plus subsidiairement,
si la cour venait à qualifier l'invention d'invention hors mission attribuable, de rejeter la demande d'expertise en fixant le juste prix à un montant symbolique n'excédant pas 500 euros,
en tout état de cause, de débouter Monsieur V. de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en le condamnant à lui verser à ce titre la somme de 15.000 euros et à supporter tous les dépens.
SUR CE,
Sur la qualité d'inventeur de Monsieur V.
Considérant que, formant appel incident, la société Kadant L. approuve le tribunal en ce qu'il énonce, rappelant l'article L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle selon lequel « L'inventeur, salarié ou non, est mentionné comme tel dans le brevet (...) », qu'il s'agit d'une présomption simple mais lui reproche de n'avoir pas tiré les conséquences qu'imposaient les éléments de preuve qu'elle produisait sur la genèse et le déroulement des travaux ayant conduit au dépôt des brevets, lesquels établissent que Monsieur V. n'a pas développé d'activité inventive qui aurait permis la conception de l'invention et qu'est indue l'attribution de la qualité d'inventeur ; que, de surcroît, ajoute-t-elle, celui-ci a profité de sa situation d'unique interlocuteur du conseil en propriété industrielle bordelais (CPI) lors du dépôt pour se faire désigner en qualité d'inventeur et n'a fait aucune déclaration d'invention à son employeur ;
Que pour dénier toute activité inventive à Monsieur V. qui revendique, selon elle, depuis le début de la procédure la qualité d'inventeur du rotor en forme de « gouttes d'eau » dénommé Vorto, la société Kadant L. produit divers documents destinés à démontrer que ce rotor n'est que le résultat du post-développement de deux rotors déjà connus et commercialisés par l'entreprise (les rotors Vokes et Vorto Flyte), qu'afin de se démarquer de la concurrence sur le marché des pulpeurs la décision d'améliorer les performances de ce dernier a été prise lors d'une réunion tenue en mars 2000 à laquelle Monsieur V. n'assistait pas, que dans le cadre de ses fonctions techniques il a postérieurement joué un rôle marginal (en particulier dans les relations avec le fondeur) ou d'intermédiaire alors que les connaissances, le savoir-faire et les moyens de l'entreprise ont constitué des apports majeurs, en particulier celui, déterminant, de Monsieur L. prévoyant une rehausse des ailettes de pompage, Monsieur V. s'étant borné à s'assurer que le moule du rotor réalisé par la fonderie Anor était conforme, d'une part, à l'idée inventive de Monsieur L. et aux instructions données par celui-ci à Monsieur B. et, d'autre part, aux croquis et plan réalisés par Monsieur B. et elle-même ;
Que, seul interlocuteur du CPI bordelais, Monsieur V., soutient-t-elle, a trompé sa confiance et sa vigilance en s'arrogeant la qualité d'inventeur, lors du dépôt de la demande de brevet ;
Qu'enfin, pour qualifier d'inopérants les moyens qui lui sont opposés, elle analyse d'abord dans le détail le rotor en forme de « gouttes d'eau » que Monsieur V. déclare avoir inventé et fait valoir (en y consacrant des développements nourris) qu'il ne s'agit pas d'une réelle invention au sens d'une combinaison nouvelle de moyens connus mais d'une simple juxtaposition de moyens et que, pour l'homme du métier, l'invention découlait de manière évidente de l'état de la technique ; que, par ailleurs, il est à son sens indifférent qu'elle n'ait pas remis en cause la qualité de co-inventeur de Monsieur V. depuis la demande de dépôt de 2002 et devant la CNIS puisqu'elle s'appuie sur des investigations personnelles postérieurement menées ; qu'en outre et contrairement a ce qu'a observé le tribunal c'est sans contradiction, estime-t-elle, qu'elle se prévaut d'une mission générale d'étude dévolue à Monsieur V. et de son absence d'activité inventive dans le cas précis de l'invention brevetée ; qu'il est, enfin, sans conséquence sur le litige qu'aucun salarié (tels Messieurs L. et B. à ce jour retraités et rédacteurs d'attestations) ne revendique la qualité d'inventeur ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il importe peu, comme énoncé par le tribunal, que l'initiative de l'amélioration des performances des pulpeurs alors commercialisés par la société Kadant L. n'en revienne pas à Monsieur V. ou même que cette recherche s'inscrive dans une continuité propre à l'entreprise dès lors que l'intimée elle-même reconnaît à ce salarié des compétences techniques et un rôle, fût-ce pour affirmer qu'il fut marginal en la circonstance, au sein de l'équipe ayant permis la réalisation de l'invention brevetée ;
Qu'à cet égard, il ressort en particulier d'un « memo » à l'attention de Monsieur V. daté du 24 novembre 2000 qu'il lui a été demandé d'intervenir « en appui du courrier du 24/03/00 » évoquant un pulpeur doté d'une nouvelle génération de rotor (pièces 17 et 18 de l'intimée) ;
Que, contrairement à ce qu'affirme la société Kadant L., Monsieur V. revendique la qualité de co-inventeur du brevet FR 2 844 532 (qui comporte dix revendications) dans toutes ses caractéristiques parmi lesquelles le profil des pales n'est qu'un élément indissociable des autres ; qu'il fait justement valoir que l'activité inventive découle de l'ensemble de ces caractéristiques ayant justifié la délivrance de ce brevet - dont la validité n'a d'ailleurs jamais été remise en cause - dès lors que, dans l'invention dont s'agit, l'activité inventive s'apprécie en regard de la combinaison elle-même et non point des moyens combinés pris isolément ;
Que, s'agissant du rôle actif joué par Monsieur V. que ne viennent pas contredire les attestations versées aux débats, selon l'appréciation pertinente sur elles portée par le tribunal, il ressort des pièces produites relatives aux plans ou à l'élaboration d'un prototype de rotor ou encore aux circonstances ayant entouré la rédaction du brevet qu'il a été rapidement associé aux recherches et qu'il est intervenu au stade de la formalisation, du développement technique et de la mise au point de l'invention, comme retenu par le tribunal ;
Que, par ailleurs, s'il n'est pas contesté que Monsieur V. n'a pas satisfait à l'exigence posée par l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle en s'abstenant d'informer l'employeur de l'invention conformément aux dispositions des articles R. 611-1 et suivants du même code, ce manquement n'est assorti d'aucune sanction ; qu'au surplus, l'employeur était, au cas particulier, désigné comme co-inventeur dans la demande de brevet français ;
Qu'enfin, plus de dix ans après le dépôt de la demande de brevet français (toujours en vigueur, ce qui suppose le versement d'annuités) suivi d'une demande de brevet européen, la société Kadant L. qui ne démontre ni ne prétend avoir introduit une action en revendication ni même contesté cette qualité antérieurement à l'introduction de l'instance judiciaire ne peut valablement prétendre qu'elle a été abusivement tenue dans l'ignorance de la désignation de Monsieur V. comme co-inventeur, ne ce serait-ce qu'en contemplation de la pièce 38 qu'elle produit elle-même, s'agissant d'une correspondance datée du 19 septembre 2002 que lui a adressée le CPI bordelais confirmant le dépôt de la demande de brevet « suite à (ses) instructions » en joignant un certificat d'utilité mentionnant (rubrique 7 et son annexe) Messieurs V. et L. comme co-inventeurs ;
Qu'il s'évince de tout ce qui précède qu'elle ne verse aucun élément de preuve permettant de renverser la présomption sus-évoquée et que le jugement qui en a ainsi jugé mérite confirmation ;
Sur le classement de l'invention
Considérant que pour contester le jugement qui l'a qualifiée d'invention de mission et la voir qualifiée d'invention hors mission attribuable, Monsieur V., faisant valoir que l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle doit être interprété strictement et qu'il appartient, en particulier, à l'employeur, en l'absence de toute disposition sur ce point dans le contrat de travail, de rapporter la preuve qu'il a explicitement confié à son employé une mission d'études et de recherches, reproche au tribunal qui avait pourtant justement énoncé que la qualification d'invention de salarié doit s'apprécier concrètement et ne se déduit pas du seul titre de ses fonctions de n'avoir pas tiré les conséquences qui, selon lui, s'imposaient en retenant qu'il était investi d'une mission inventive, ceci en la seule considération de sa lettre d'engagement de 1970, de ses bulletins de salaire à compter du 1er août 1997, des attestations de salariés et du contexte de la formation du groupe de travail de Mérignac pour répondre aux besoins spécifiques d'un client ;
Que, selon lui, les premiers juges ont omis de tenir compte de la dimension internationale du groupe Black Lawson (dont les machines étaient conçues par la maison-mère américaine qui pratiquait une politique de « Non Invented Here » en ne confiant aux salariés européens que la mise en oeuvre de leurs plans), ajoutant qu'est sans influence sur ce point la prise de contrôle par la société E&M L. dès lors qu'elle ne maîtrisait pas ces technologies et n'avait déposé de brevets que sur la technique de désencrage ; que le tribunal a méconnu l'article L 611-7 précité qui ne prévoit pas que la mission inventive puisse être implicite et reconnue du seul fait d'une position hiérarchique élevée et qu'il convenait de rechercher dans des documents émanant de la direction de l'entreprise la justification d'orientations et consignes données au salarié, préalablement à toute initiative de sa part ; qu'il considère que la preuve n'en est ici pas rapportée ;
Qu'il soutient enfin qu'est dénuée de sens l'affirmation selon laquelle il a contribué à l'invention sur ordre et mission préalable de son employeur dans la mesure où il travaillait dans un établissement qui n'avait plus d'atelier de fabrication depuis la cession partielle intervenue en 1997 et qui était livré à lui-même en totale autonomie ; qu'il s'occupait de gérer la sous-traitance confiée à 100 % à des entreprises extérieures pour fabriquer les machines vendues à ses clients avec lesquels il était en relation depuis 1970 et qu'il ne lui a jamais été confié la mission d'améliorer les performances de ces machines ; qu'il s'agit d'une initiative personnelle ;
Considérant, ceci étant rappelé, qu'il est constant que le contrat de travail de Monsieur V. ne lui confiait pas expressément une mission de recherche permanente ;
Que pour affirmer, à titre subsidiaire, que l'invention brevetée a été réalisée en exécution d'une mission inventive confiée à Monsieur V. et qu'il n'a pas eu un simple rôle de technicien avec des fonctions administratives, la société Kadant Lamor ne se borne toutefois pas à invoquer les qualifications retenues dans le contrat de travail et les bulletins de salaire de ce dernier desquels il ressort qu'il a durablement eu la qualité de directeur technique (bulletins de salaire de 1997 et de 2001- pièce 5) ;
Qu'elle verse, en outre, une note de service de laquelle il ressort qu' « à dater du 1er juillet 1985, (il) devient directeur ' réalisations industrielles (') et supervise notamment Engineering, Achats et Fabrication » (pièce 7), des organigrammes de 1995 à 2001 (pièce 6) qui le présentent comme « technical/technology manager », le compte rendu d'un groupe de travail du 22 septembre 2004 ayant pour objet : « point sur action R&D suivies par J. V. » (pièce 8) les attestations de Messieurs L. et B., dont le lien de subordination a été rompu du fait de leur départ à la retraite et qui, intervenant à leurs niveaux lors du processus inventif, précisent de quelle manière il a été fait appel aux compétences techniques de Monsieur V. (pièces 15 et 16) ;
Que si, pour écarter la qualification d'invention de mission, Monsieur V. s'attache à démontrer que ses fonctions effectives au sein de l'établissement de Mérignac excluaient toute mission inventive et qu'il s'agit, par conséquent, d'une invention hors mission réalisée dans le champ des activités de l'entreprise ouvrant droit au versement d'un juste prix, force est de considérer qu'il ne procède sur ce point que par affirmation (page 31/44 de ses conclusions) alors que, demandeur en paiement de ce juste prix en contrepartie d'une invention d'ores et déjà attribuée à l'entreprise, il lui appartient d'en faire la démonstration ;
Qu'en revanche, la société Kadant L., soutenant à juste titre que la référence aux pratiques en matière de brevets observées lorsque la société Black Clawson France était une filiale de Clawson Company avaient perdu leur actualité lors de la réalisation de l'invention brevetée, établit que l'unité de Mérignac dont dépendait Monsieur V. était devenu un établissement secondaire d' E&M L. en 2000, que cette société française déposait elle-même de longue date des brevets (pièce 50) et que les assertions de son salarié relatives à la situation de déshérence de l'établissement de Mérignac et du cantonnement de ses activités à des tâches administratives sont sans pertinence, la note sus-évoquée datée du 22 septembre 2004 et ayant pour objet : « point sur actions R&D suivies par J. V. (doc 8) permettant, en particulier, d'étayer sa démonstration ;
Qu'il suit que l'invention brevetée en cause doit recevoir la qualification d'invention de mission, comme en en a jugé le tribunal ;
Sur la rémunération supplémentaire prévue à l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle
Considérant qu'alors que le tribunal, mettant en balance les éléments factuels soumis à son appréciation, s'est attaché à préciser les critères qui l'ont conduit à fixer à la somme de 25.000 euros bruts le montant de cette rémunération, Monsieur V. qui en sollicite à titre subsidiaire la majoration pour la voir portée à 80.000 euros, s'abstient de l'évoquer pour y porter une appréciation circonstanciée ; qu'il fait seulement état de son rôle « essentiel » dans la mise au point de l'invention, des nombreux avantages et de l'importance économique « considérable » du rotor Vorto en stigmatisant le comportement méprisant de la société Kadant L. qui, sur appel incident et faisant fi des critères d'évaluation propres à chaque invention, poursuit une réduction de son montant à une somme symbolique n'excédant pas 500 euros ;
Qu'il y a lieu de considérer qu'en l'absence de dispositions légales ou réglementaires fixant les modalités de la rémunération due à un salarié pour une invention de mission non prévue par le contrat de travail ou une convention collective, il convient de s'attacher à l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce pour en évaluer le montant ;
Qu'au cas particulier, le tribunal, en procédant comme il l'a fait - à savoir en prenant en considération, à partir des pièces produites, le rôle non négligeable mais non point primordial ou prédominant de Monsieur V. dans l'invention, le rôle moteur du groupe de travail constitué en vue de l'objectif technique assigné par l'employeur, l'utilité industrielle et technique effective de l'invention (tenant, en particulier, aux économies sur la maintenance et à l'augmentation de la production) mais aussi les divers éléments qui conduisent à relativiser son importance économique pour l'employeur exploitant l'invention depuis 14 ans - a, par justes motifs que le cour fait siens, pris en considération de pertinents éléments d'appréciation ;
Que force est de considérer que ni l'appelant ni l'intimée ne viennent y ajouter utilement en cause d'appel, que ce soit pour voir majorer ou diminuer le montant retenu, étant relevé que la société Kadant L. ne fait que reprendre l'argumentation déjà évoquée sur la brevetabilité du rotor, pris isolément, et considéré qu'elle se contente d'affirmer que le rotor Vorto ne lui a pas permis d'augmenter son chiffre d'affaires ni d'entraver la concurrence ou encore que les hydropulpeurs commercialisés et intégrant ce rotor ne représentent qu'une de ses activités marginales sur un marché restreint sans pour autant s'appuyer sur une quelconque pièce ;
Que, dans ces conditions, la cour ne peut que débouter les parties de leurs demandes respectives en confirmant le quantum de la rémunération supplémentaire évalué par le tribunal ;
Sur les demandes indemnitaires de la société Kadant L.
Considérant que l'intimée reprend devant la cour sa demande tendant à voir indemniser les préjudices que lui a causés Monsieur V. ;
Qu'elle lui reproche d'abord d'avoir, par des manoeuvres destinées à tromper sa confiance et sa vigilance, soustrait l'invention, fruit de la collaboration de plusieurs salariés et des connaissances de l'entreprise, et soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, son action n'est pas prescrite puisqu'elle n'a découvert la faute de Monsieur V. qu'à la faveur des recherches entreprises lorsqu'elle a été attraite en justice ; qu'elle évoque le discrédit qui lui a été porté en la contraignant notamment à faire appel au témoignage d'anciens salariés et l'atteinte à son image ;
Qu'elle lui reproche, ensuite, d'avoir abusé de son droit d'agir en s'auto-proclamant inventeur alors qu'il ne pouvait se méprendre sur l'étendue de ses droits et en travestissant la vérité;
Mais considérant, sur la première demande, que les pièces versées aux débats et, en particulier la lettre du 22 septembre 2004 sus-évoquée (pièce 38) conduisent à considérer que la société Kadant L. savait ou aurait dû savoir que Monsieur V. était désigné comme co-inventeur dans la demande de brevet si bien qu'à juste titre le tribunal, visant l'article 2244 du code civil, a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui lui était opposée ;
Que, sur la seconde, la teneur du présent arrêt conduit à considérer que c'est sans abus que Monsieur V. a esté en justice afin qu'il soit fait application des dispositions des articles L. 611-6 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;
Que le jugement qui en dispose ainsi sera donc confirmé ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité conduit à condamner la société Kadant L. à verser à Monsieur V. une somme complémentaire globale de 6.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Kadant L. qui succombe supportera tous les dépens ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement et, y ajoutant ;
Condamne la société par actions simplifiée Kadant L. à verser à Monsieur Jacques V. une somme complémentaire globale de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.