CA Versailles, 12e ch., 27 mai 2014, n° 13/00358
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Amscan (Sté), Madoux (SARL), La Corbusière (SNC)
Défendeur :
Dinge (SARL), APG France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mme Calot, Mme Orsini
Avocats :
Me Wagner, Me Baleux Renault, Me Guttin, Me Benayoun Orliange
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Statuant sur l'appel interjeté par les sociétés Amscan, Madoux et la SNC La Corbusière contrele jugement rendu le 20 novembre 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre, qui a:
- débouté les sociétés Dinge et APG, M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson de leur demande d'irrecevabilité de la société Madoux
- dit mal-fondées les demandes formulées par les sociétés Dinge, APG et M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson à l'encontre des sociétés Amscan et Madoux et les en a déboutés
-condamné la SNC La Corbusière à payer à la société Dinge la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts
- débouté la société Dinge de sa demande au titre du préjudice moral
- condamné la SNC La Corbusière à payer à la société APG la somme de 5.249,52 euros à titre de dommages et intérêts
-débouté la société APG de sa demande au titre du préjudice moral
- condamné la SNC La Corbusière à payer à M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson la somme de 9.810,19 euros à titre de dommages et intérêts
- débouté M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson de leur demande au titre du préjudice moral
-débouté la SNC La Corbusière de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 53.944,80 euros au titre des domiciliations
- débouté la SNC La Corbusière, les sociétés Amscan et Madoux de leur demande de nomination d'un mandataire ad hoc
- condamné la SNC La Corbusière à payer à la société Dinge, à la société APG et à M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson chacun la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire
- fait masse des dépens et dit qu'ils seront répartis à parts égales entre la SNC La Corbusière et les sociétés Amscan et Madoux
La SNC La Corbusière (ci-après désignée la SNC), constituée le 23 mai 2007 et immatriculée le 16 octobre 2008, ayant pour objet social l'acquisition de tous biens immobiliers en vue notamment de l'exploitation de résidences hôtelières et de tourisme, était propriétaire d'un immeuble sis [...] .
Les associés de la SNC étaient la société Amscan représentée par son gérant, M. Philippe Amsellem la société Madoux représentée par son gérant, M. Stéphane Madoux et la société Dinge représentée par les époux Guisson.
M. Philippe Amsellem a été désigné en qualité de nouveau gérant de la SNC par décision d'A.G en date du 20 août 2008 aux lieu et place de M. Piet Guisson.
Lors d'une A.G.E du 29 juillet 2009, l'ensemble des associés a décidé de vendre l'immeuble par lots séparés. Ils ont établi une grille de prix pour la cession des différents lots et décidé de rembourser les comptes courants d'associés au moyen du produit net tiré de la vente desdits lots.
A l'occasion de la vente du dernier lot, le notaire a viré le 27 octobre 2010, après apurement du passif, la somme de 171.162,94 euros sur le compte de la SNC au titre du solde lui revenant.
L'A.G de la SNC en date du 12 octobre 2010 décidait d'annuler toutes les résolutions adoptées lors de l'A.G du 23 juillet 2010 fixant la rémunération du gérant pour l'année 2010 à hauteur de 36.000 euros.
La société Dinge, associée détenant 25 % du capital social de la SNC, constatait que sur la somme précitée transmise par le notaire, il ne restait plus au crédit du compte courant de la société au 24 novembre 2010, qu'un solde de 6.668,09 euros. Elle constatait que deux chèques avaient été tirés le 29 octobre 2010 d'un montant respectif de 57.650 euros et 97.650 euros sans qu'elle en connaisse les bénéficiaires et sans qu'elle ait été avisée d'un remboursement de comptes courants.
La société Dinge faisait délivrer au gérant de la SNC sommation interpellative en date du 12 janvier 2011, d'avoir à communiquer les noms et coordonnées des bénéficiaires des chèques émis pour les montants précités constituant un total de 155. 300 euros ainsi que les titres justifiant ces paiements. Il était alors constaté que le lot 20 avait été cédé le 26 octobre 2010 au prix de 727.750 euros alors que l'assemblée s'était accordée sur un prix de 784.006 euros.
Par ordonnance de référé en date du 10 mars 2011, le président du tribunal de commerce de Nanterre à la requête de la société Dinge, désignait Me Carole Martinez en qualité de mandataire ad hoc, laquelle déposait son rapport de fin de mission le 30 juin 2011.
Les sociétés Dinge, APG et les époux Guisson ont engagé une procédure le 8 septembre 2011 contre les sociétés Madoux, Amscan et la SNC en réparation de préjudices financiers et moraux subis, sur la base de ce rapport.
Par jugement en date du 18 octobre 2011, le tribunal de commerce de Nanterre à la requête de la société Dinge, a annulé l'A.G ordinaire de la SNC du 23 juillet 2010 ainsi que le procès-verbal en résultant eu égard à la règle de l'unanimité prévue statutairement en matière de vote des associés, présents ou représentés, en particulier quant à la fixation de la rémunération du gérant.
Vu les dernières écritures en date du 25 mars 2014 des sociétés Amscan, Madoux et de la SNC La Corbusière, appelantes ;
Vu les dernières écritures en date du 29 janvier 2014, des sociétés Dinge, APG France et des époux Guisson, intimés ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 mars 2014.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la 'radiation' de l'appel incident de la société Dinge
Considérant que les appelantes sollicitent la radiation de l'appel incident de la société Dinge au motif que cette dernière n'a pas exécuté le jugement entrepris au prorata de sa participation dans le capital de la SNC La Corbusière, soit 25 % ;
Mais considérant que la sanction de la radiation prévue à l'article 526 du code de procédure civile relève du conseiller de la mise en état ;
Qu'il convient d'écarter le moyen d'irrecevabilité de l'appel incident de la société Dinge;
- Sur la recevabilité de la défense et des demandes reconventionnelles de la société Madoux
Considérant que les appelantes font valoir que le siège social de la société Madoux a été sans discontinuation [...], alors que les intimées objectent que cette société dissimule son domicile en faisant observer que l'extrait Kbis au regard des constatations de l'huissier est insuffisant à rapporter la preuve de l'effectivité et de la réalité de ce domicile ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen d'irrecevabilité au visa de l'article 59-1 du code de procédure civile ;
- Sur l'irrecevabilité et le mal-fondé des demandes formulées à l'encontre des sociétés Amscan et Madoux
Considérant que les appelantes soutiennent à juste titre que les demandes de la société Dinge, qui se prévaut d'une créance en compte courant, sont irrecevables à l'encontre des associées, les sociétés Amscan et Madoux, faute de mise en demeure préalable demeurée sans effet conformément à l'article 10.1 des statuts de la SNC ;
Qu'en tout état de cause, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que seule la SNC étant redevable du remboursement des comptes courants d'associés en vertu des procès-verbaux d'A.G, les demandes formés par Dinge, APG et les époux Guisson à l'encontre des sociétés Amsca et Madoux doivent être déclarées mal-fondées ;
- Sur l'irrecevabilité de la demande de la société Dinge au titre de sa décharge de participation au passif constitué par les condamnations mises à la charge de la SNC
Considérant que la société Dinge, associée de la SNC, demande en cas de confirmation de la condamnation de la seule SNC, à être déchargée de toute participation au passif envers elle-même, la société APG et les époux Guisson, alors que les sociétés appelantes objectent à juste titre qu'il s'agit d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure ci vile qui contrevient à l'article 10.1 des statuts de la SNC prévoyant qu'entre associés, chacun d'eux n'est tenu des dettes sociales que proportionnellement au nombre de ses parts, ajoutant que les sociétés Amscan et Madoux ont réglé au prorata de leur quote-part dans le capital de la SNC, le montant du passif de la SNC mis à sa charge par le jugement, laquelle n'a plus d'activité ;
Que cette demande qui en tout état de cause est mal-fondée, sera déclarée irrecevable ;
- Sur les demandes de la société Dinge
Considérant que les appelantes font valoir qu'aucun fait fautif ne saurait être reproché à la SNC La Corbusière, celle-ci n'ayant pas procédé au remboursement du compte courant de la société Dinge dès lors que cette dernière est elle-même débitrice de la SNC ( domiciliation irrégulière à l'adresse de la SNC au titre des années 2008/2009 et 2010), de la somme de 800 euros par mois à ce titre, que les factures de domiciliation s'élèvent à 38.729,60 euros, cette somme devant se compenser à due concurrence avec le compte courant de la société Dinge, alors que cette dernière avait fait observer au mandataire ad hoc que les factures n'avaient été éditées que le 6 décembre 2010 et n'avaient été enregistrées dans les comptes de la SNC qu'à cette date alors qu'elles portaient sur des prestations prétendument réalisées en 2008, 2009 et 2010, que l'édition de ces factures avait été postérieure au remboursement par la SNC des comptes courants des associés Madoux et Amscan ;
Considérant qu'il est établi que la société Dinge n'a pas été remboursée selon les conditions fixées par l’A.G. E du 29 juillet 2009, soit la somme de 40.000 euros ainsi que le relève Me Carole Martinez dans son rapport de fin de mission ;
Considérant que la compensation est un mode de paiement et constitue une reconnaissance du droit du réclamant ;
Que la SNC ne démontre pas le caractère exigible de sa créance, de nature à permettre la compensation, les factures de domiciliation ne résultant d'aucun accord ou de contrat de domiciliation et n'ayant pas été évoquées lors de la signature du protocole d'accord transactionnel le 15 juillet 2009 ;
Que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la SNC à payer à la société Dinge la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts et rejeté à bon droit la demande de compensation au titre des factures de domiciliation, ainsi que la demande de préjudice moral formée par la société Dinge ;
- Sur les demandes de la société APG France
Considérant que les appelantes font valoir que la société APG France, dont les époux Guisson sont co-gérants, était domiciliée au siège de la SNC, que celle-ci sollicite la somme de 53.944,80 euros au titre de la domiciliation (sur les années 2007, 2008 à 2010) qui devra se compenser avec la somme de 5.249,52 euros sollicitée par la société APG au titre de sa créance sociale, alors que celle-ci reprend la même argumentation que la société Dinge pour s'opposer à l'exception de compensation invoquée par la SNC ;
Considérant qu'il est établi que la société APG dispose d'une créance de 5. 249,52 euros contre la SNC ;
Considérant que la compensation est un mode de paiement et constitue une reconnaissance du droit du réclamant ;
Que la SNC ne démontre pas le caractère exigible de sa créance, de nature à permettre la compensation, les factures de domiciliation ne résultant d'aucun accord ou de contrat de domiciliation ;
Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la SNC à payer à APG la somme de 5.249,52 euros euros à titre de dommages et intérêts et rejeté à bon droit la demande de compensation au titre des factures de domiciliation, ainsi que la demande de préjudice moral formé par la société APG ;
-Sur les demandes des époux Guisson
Considérant que les appelantes soutiennent que la créance en compte courant invoquée par les époux Guisson à hauteur de 9.810,19 euros ne pourra intervenir qu'à l'issue de la clôture des comptes de la SNC, à l'occasion de sa dissolution ;
Considérant qu'il est établi que les époux Guisson disposent d'une créance de 9.810,19 euros contre la SNC ;
Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la SNC à payer aux époux Guisson la somme de 9.810,19 euros à titre de dommages et intérêts et rejeté la demande de préjudice moral formé par eux ;
- Sur l'abus de minorité de la société Dinge
Considérant que les appelantes font valoir que la société Dinge s'est opposée lors de l'A.G du 23 juillet 2010 à ce que M. Amsellem soit rémunéré de ses fonctions de gérant contrairement à ce qui est prévu à l'article 14.4 des statuts de la SNC, que le travail de M. Amsellem a particulièrement bénéficié à la SNC et par voie de conséquence à ses associés, dont la société Dinge, en particulier le suivi avec succès de la négociation des sept appartements qui ont tous été vendus, que M. Amsellem n'a perçu aucune contrepartie en rémunération du travail effectué au profit de la SNC à l'inverse des époux Guisson, M. Guisson ayant renoncé dans le cadre du protocole d'accord transactionnel signé le 15 juillet 2009 entre la société Dinge, la société Amscan et la société Madoux, à solliciter une rémunération au titre de ses fonctions de gérant en contrepartie de son occupation gratuite du plus bel appartement de la résidence pendant un an jusqu'à mi-octobre 2008, soit un avantage financier significatif équivalent à plus de 57.000 euros sur une année, que la SNC sollicite la désignation d'un mandataire ad hoc en présence d'un abus de minorité de la société Dinge afin de représenter cet associé minoritaire à une assemblée à venir et de voter en son nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social, toute résolution relative au montant de la rémunération statutairement prévue du gérant de la SNC et ce à compter du 20 août 2008, alors que le travail effectif de M. Amsellem au profit de la SNC est démontré;
Que la société Dinge réplique que M. Amsellem qui a continué à résider à Sceaux (92), n'a jamais participé d'une quelconque façon à la prospection et à la commercialisation des sept lots de copropriété ayant constitué la résidence La Corbusière à Cannes, alors que l'ex-gérant (M. Guisson) a participé activement à la réalisation des biens, que l'intérêt social au regard des pertes enregistrées, militait en faveur d'une absence de rémunération du gérant ;
Mais considérant que selon l'article 14.4 des statuts de la SNC, la rémunération prévue au profit du gérant doit être déterminée d'un commun accord entre les associés, conformément à la règle de l'unanimité prévue statutairement en matière de vote des associés, présents ou représentés par application de l'article 19-2 des statuts de la SNC La Corbusière ;
Qu'en l'espèce, il s'agit non d'une violation des statuts mais d'une divergence de vues entre associés qui ne justifie pas la désignation mandataire ad hoc ;
Que le jugement soit confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SNC tendant à la désignation mandataire ad hoc ;
- Sur le bien-fondé de l'appel incident des intimés
Considérant que les intimés seront déboutés de leur appel incident tendant à solliciter l'indemnisation de leur préjudice moral ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement qui a alloué une indemnité de procédure au profit de la société Dinge, de la société APG, de M. Piet Guisson et Mme Yannick Guisson ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
REJETTE le moyen d'irrecevabilité de l'appel incident de la société Dinge soulevée par les sociétés appelantes
DECLARE irrecevable la demande de la société Dinge au titre de sa décharge de participation au passif constituée par les condamnations mises à la charge de la SNC La Corbusière, tant envers la société APG, qu'envers les époux Guisson qu'à son profit
DEBOUTE les sociétés intimées de leur appel incident
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE in solidum la SNC La Corbusière et les sociétés Amscan et Madoux aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés par les avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.