CA Caen, 2e ch. civ. et com., 15 octobre 2015, n° 14/04073
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Noyau Immobilier (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briand
Conseillers :
Mme Beuve, Mme Boissel Dombreval
M. X, associé de la SNC Noyau-X a, suivant acte sous seing privé reçu le 20 juillet 2012 en l'étude de Maître Le B., notaire à Alençon, cédé à M. Laurent L., sous conditions suspensives notamment de l'agrément de celui-ci, 220 des 224 parts sociales qu'il détenait dans la société moyennant le prix de 440.000 euros.
L'assemblée générale de la SNC Noyau-X, réunie le 9 novembre 2012, a refusé d'agréer M. L. en qualité de nouvel associé.
La SNC Noyau-X a notifié le 8 février 2013 à M. X une offre d'acquisition des 224 parts sociales pour un prix de 180.000 euros.
Cette offre ayant été refusée par M. X, ce dernier et la SNC Noyau-X se sont, en application de l'article 1843-4 du code civil, accordés sur la désignation d'un expert qui, dans un rapport en date du 24 janvier 2014, a évalué les 224 parts sociales à 259.296 euros.
La SNC Noyau-X a, le 16 avril 2014, déclaré accepter cette valorisation.
M. X, faisant état de ce que les associés de la SNC Noyau-X désormais SNC Noyau Immobilier retardaient indûment le paiement du prix, l'a, par acte du 1er octobre 2014, fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Alençon.
Vu l'ordonnance de référé en date du 24 novembre 2014 qui a :
- condamné la SNC Noyau Immobilier à régler par provision à M. X la somme de 254.665,71 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 9 février 2013,
- fixé, dans les rapports des associés entre eux et à l'égard de la SNC Noyau-X, à la date du 9 février 2013, les effets de la cession des parts sociales,
- ordonné à la SNC Noyau Immobilier d'établir les actes de cession des parts sociales dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'ordonnance, sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour à compter de l'expiration du délai et limité cette astreinte à 60 jours.
Vu les conclusions déposées au greffe pour :
- la SNC Noyau Immobilier, appelante, le 9 décembre 2014
- M. X, intimé, le 9 février 2015
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 mai 2015.
Un rapport oral de l'affaire a été effectué à l'audience, avant les plaidoiries.
MOTIFS
La SNC Noyau Immobilier conteste les dispositions ayant fait droit aux demandes de M. X en faisant valoir que les conditions posées par les articles 872 et 873 du code de procédure civile ne sont pas réunies.
Si M. X vise, dans le dispositif de ses conclusions, les deux articles susvisés, il résulte des motifs que ses demandes sont fondées sur l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile.
L'urgence n'étant pas une condition d'application dudit texte, le moyen développé sur ce point par l'appelante est dépourvu d'intérêt.
En revanche, qu'il s'agisse d'ordonner le paiement d'une provision ou l'exécution d'une obligation de faire, le texte susvisé exige que l'existence de l'obligation ne soit pas sérieusement contestable.
La SNC Noyau Immobilier critique la décision déférée en ce que le premier juge, a dû, pour accorder la provision, interpréter les statuts dès lors que l'article 10 crée une ambiguïté en faisant à la fois référence à une annulation des parts sociales suivie d'une indemnisation de l'associé et à un rachat desdites parts.
L'article 10 des statuts intitulé Cession de parts entre vifs est ainsi libellé 'Les parts sociales ne peuvent être cédées, soit entre associés, soit à des tiers, qu'avec le consentement de tous les associés......En cas de refus d'agrément du nouvel associé, la société restera débitrice envers le cédant de la valeur de ses parts sociales, évaluées conformément aux dispositions de l'article 1868 al 5 du code civil. Elle disposera d'un délai de trois mois à compter de la notification de son refus, pour acquérir les parts du cédant'.
Il est clairement indiqué dans ledit article qu'en cas de refus d'agrément, la société doit acquérir les parts du cédant.
La mention selon laquelle elle est débitrice de la valeur des parts sociales n'est nullement en contradiction avec un rachat dès lors que la contrepartie du rachat est une dette de la société correspondant à la valeur des parts fixée conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil.
C'est donc à tort que la SNC Noyau Immobilier fait état de l'ambiguïté de l'article susvisé dont les termes sont clairs et exempts de contradiction.
Le moyen de l'appelante qui ne conteste pas au demeurant la licéité de l'article 10 des statuts, selon lequel la société ne peut être propriétaire de son capital social est inopérant, le rachat n'ayant pour but que la réduction du capital social par annulation des parts.
Par ailleurs, le risque d'illicéité présenté par le rachat des parts sociales est dépourvu de tout caractère sérieux.
S'il est exact que le capital social ne peut être réduit que par une décision collective prise à l'unanimité et que M. X qui conserve la détention de quatre parts sociales devra se prononcer sur cette réduction, il n'y a pas lieu d'envisager l'hypothèse d'un refus de sa part qui serait contraire à l'objet même de la présente instance.
Dès lors que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil relatives à la valorisation des parts sociales sont d'ordre public, l'obligation de la SNC Noyau Immobilier au paiement de la valeur des parts fixée en conformité avec l'avis de l'expert n'est pas sérieusement contestable.
C'est donc à juste titre que le premier juge a alloué à M. X une provision d'un montant de 254.665,71 euros outre les intérêts.
La SNC Noyau Immobilier conteste les dispositions l'ayant condamnée à régler les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 9 février 2013, le prix n'étant pas déterminé à cette date.
Les intérêts sur le montant de la provision allouée sont dûs, en application de l'article 1153 du code civil, à compter de l'assignation soit du 1er octobre 2014.
Il y a donc lieu à réformation sur ce point.
La SNC Noyau Immobilier soutient également que la fixation de la date des effets de la cession au 9 février 2013 se heurte à une contestation sérieuse dès lors qu'à cette date, le prix n'était pas déterminé et que M. X pouvait jusqu'à la détermination du prix renoncer à la cession.
La date du 9 février 2013 retenue par le premier juge est le terme du délai de trois mois impartis par les statuts à la société pour effectuer le rachat des parts sociales.
La SNC Noyau Immobilier a effectué, avant cette date, une offre d'acquisition pour un prix qui n'a pas été accepté par M. X.
Celui-ci a, par courrier du 27 février 2013, proposé, en application de l'article 1843-4 du code civil, le choix de plusieurs experts.
La SNC Noyau Immobilier a, par courrier du 6 mars 2013, fait choix de l'un des experts proposés.
Il est constant qu'à cette date, les parties étaient d'accord sur le principe du rachat des 220 parts sociales.
Si le prix n'était pas arrêté, il doit néanmoins être tenu pour fixé dès lors qu'en l'absence d'accord amiable, il devait être déterminé, en application des dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, à dire d'expert, l'avis de ce dernier s'imposant aux parties.
Par ailleurs, le droit de repentir du cédant n'est pas prévu par les statuts.
La date des effets de la cession des parts sociales dont la détermination ne se heurte à aucune contestation sérieuse est donc fixée au 6 mars 2013 tant à l'égard de la SNC Noyau Immobilier que des associés gérants eu égard à la nature de la société.
Il y a donc lieu à réformation de ce chef.
L'appelante conteste également les dispositions l'ayant condamné, sous astreinte, à établir les actes de cession.
Dès lors que les parties sont d'accord sur l'objet du rachat et sur le prix, la date des effets de la cession étant par ailleurs arrêtée, l'établissement des actes de cession qui doivent être établis par écrit ne se heurte à aucune difficulté sérieuse.
L'obstruction opposée par la SNC Noyau Immobilier justifie le prononcé d'une astreinte mais eu égard à l'existence de dispositions réformées, le point de départ de l'astreinte qui ne peut être que provisoire est fixé quinze jours après la notification du présent arrêt.
L'appel de la SNC Noyau Immobilier étant pour l'essentiel infondé, elle supporte les dépens d'appel et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle doit, en revanche, régler sur ce fondement à M. X qui a exposé des frais irrépétibles en cause d'appel, une indemnité complémentaire qu'il est équitable de fixer à la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement
Réforme partiellement la décision déférée
Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 254.665,71 euros courent à compter du 1er octobre 2014
Fixe la date des effets de la cession des parts sociales au 6 mars 2013 tant à l'égard de la SNC Noyau Immobilier que des associés gérants
Assortit l'obligation imposée à la SNC Noyau Immobilier d'établir les actes de cession d'une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour passé un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt
Confirme la décision déférée en ses autres dispositions non contraires à celles du présent arrêt
Y AJOUTANT
Condamne la SNC Noyau Immobilier à régler à M. X une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute la SNC Noyau Immobilier de sa demande présentée sur ce même fondement
Condamne la SNC Noyau Immobilier aux dépens d'appel.