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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 16 août 2018, n° 18/01810

LYON

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

TGI Villefranche-sur-Saône, du 22 févr. …

22 février 2018

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 13 octobre 2016, l'Association Culturelle des Caladois Turcs, dont le président est M. X, a été placée en liquidation judiciaire.

Par requête déposée le 26 décembre 2017, le ministère public a saisi le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône pour obtenir :

- la condamnation de M. X à supporter en totalité, et subsidiairement en partie, l'insuffisance d'actif,

- la communication des documents prévus par l'article L. 651-4 du code de commerce concernant M. X de la part des organismes cités par le même article,

- que soit ordonnée toute mesure conservatoire utile à l'égard de ses biens,

- le prononcé de la faillite personnelle ou à défaut d'une interdiction de gérer pendant 10 ans.

Par jugement du 22 février 2018, ce tribunal a :

- prononcé avec exécution provisoire la faillite personnelle de M. X pour une durée de 10 ans,

- rejeté la demande en paiement de l'insuffisance d'actif,

- condamné M. X aux dépens.

Par déclaration reçue le 8 mars 2018, M. X a relevé appel de ce jugement, visant uniquement dans l'objet de son recours sa condamnation avec exécution provisoire à une faillite personnelle de 10 années.

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 juin 2018 en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 23 avril 2018, fondées sur les articles L 653-5 et L 653-8 du code de commerce, M. X demande à la cour de :

- le recevoir en son appel partiel et le déclarer bien fondé en ses demandes,

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a prononcé sa faillite personnelle pour une durée de 10 ans,

- réformer le jugement et dire n'avoir lieu de prononcer à son encontre une faillite personnelle de 10 ans.

Dans ses conclusions déposées le 24 avril 2018, le ministère public demande la confirmation du jugement entrepris.

La clôture a été prononcée le 12 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour n'est saisie que d'un appel partiel sur la sanction de faillite personnelle prononcée à l'encontre de M. X, qui critique les premiers juges qui ont retenu sa responsabilité en expliquant qu'en sa qualité de président bénévole d'une petite association il a procédé à l'embauche de Mme V. en pensant que bénéficiant d'un contrat «aidé» les salaires seraient intégralement pris en charge par les aides des collectivités. Il précise que l'insuffisance d'actif correspond principalement aux dettes sociales et au salaire de cette salariée.

Il ajoute que toutes les pièces comptables étaient détenues par l'expert-comptable et qu'il a cru que ce professionnel avait la charge de les transmettre au liquidateur judiciaire.

Le ministère public lui a reproché dans sa requête de :

- n'avoir pas répondu aux premières convocations du liquidateur judiciaire et d'avoir attendu 4 mois après l'ouverture de la procédure collective pour prendre contact,

- n'avoir remis au liquidateur judiciaire qu'un tableau des charges sommaires de l'année 2015 et de n'avoir ainsi pas tenu de comptabilité même sommaire,

- n'avoir pas sollicité l'ouverture d'une procédure collective alors que l'association se trouvait en état de cessation des paiements depuis l'année 2015.

Il résulte de l'article L. 653-5 du code de commerce qu'une faillite personnelle peut être prononcée contre un dirigeant qui :

- a fait obstacle au bon déroulement de la liquidation judiciaire en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure,

- a fait disparaître des documents comptables, n'a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

L'article L. 653-8 prévoit la possibilité de prononcer une interdiction de gérer contre un dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements.

Il ne ressort pas des éléments du débat que l'absence de réponse de M. X aux premiers rendez-vous fixés par le liquidateur judiciaire a conduit à faire obstacle au bon déroulement de la procédure collective.

Le liquidateur judiciaire ne vise d'ailleurs pas ce comportement dans son rapport du 25 avril 2017 pour préconiser des poursuites , seules l'omission de déclarer un état de cessation des paiements dans les 45 jours et l'absence de tenue d'une comptabilité régulière y étant visées.

Cette faute n'est ainsi pas établie.

Les premiers juges n'ont pas plus relevé les obligations comptables exactes imparties à l'Association Culturelle des Caladois Turcs, ni précisé en quoi la seule fourniture d'un tableau sommaire pour une année d'exercice caractérisait la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète.

M. X justifiant maintenant de l'établissement de bilans pour les années 2013 à 2015, ce grief ne peut être retenu à son encontre.

Les premiers juges ont en revanche motivé avec pertinence que M. X ne pouvait ignorer la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône par un jugement contradictoire du 14 avril 2016 comme les voies d'exécution qui en ont été la suite.

Ses propres explications sur l'absence de faculté de prendre en charge l'intégralité des salaires de Mme V. et l'ouverture de la procédure collective sur l'assignation de cette salariée le 13 octobre 2016 établissent que M. X a sciemment omis de déclarer la cessation de paiement de l'association dont il était le président dans le délai de 45 jours.

Au regard de l'absence de caractérisation des griefs articulés par le ministère public sur le fondement de l'article L 653-5, et de la situation personnelle de l'appelant, exerçant la profession de technicien ascensoriste tout en assumant la présidence de l'association, il convient, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer une sanction proportionnée à la gravité du seul manquement ici retenu et d'interdire M. X de gérer toute entreprise pendant une durée de deux années.

Les dépens de cet appel doivent être laissés à la charge de M. X qui succombe en partie.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

Prononce à l'encontre de :

M.X né le [...] à [...] 

demeurant [...]

une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de deux années,

Condamne M. X aux dépens d'appel.