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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 20 décembre 2012, n° 11/01899

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

M. Boinot, M. Le Roux

Avoué :

Selarl Patricia Matet-Combeaud

Avocats :

Me Bodet, Me Pejoine, Me Massoulier

TGI Bergerac, du 25 janv. 2011, n° 09/26…

25 janvier 2011

FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES :

Vu le jugement rendu le 25 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Bergerac, qui a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et dit n'y avoir lieu à ordonner la réouverture des débats, qui a condamné Mme C... veuve F..., sa fille Mme A... F... et M. G... F... solidairement à payer à M. I... L... et Mme E... K... son épouse la somme de 12 076,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2007, celle de 10 799,71 euros indexée sur l'indice BT01 sur la base de l'indice publié à la date du dépôt du rapport d'expertise, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et celle de 1 000 euros en réparation du préjudice de jouissance, qui a rejeté la demande de Mme C... veuve F... et de sa fille Mme A... F..., fondée sur les dispositions de l'article 1244-1 du code civil et qui a rejeté les chefs de demande fondés sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration d'appel interjeté par Mme C... veuve F... et Mme A... F... le 25 mars 2011 ;

Vu les dernières conclusions des appelantes, signifiées et déposées le 17 janvier 2012 ;

Vu les dernières conclusions de Mme E... L..., signifiées et déposées le 18 novembre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de I... L..., signifiées et déposées le 20 août 2012 ;

Vu le procès-verbal de recherches infructueuses du 20 juin 2011 dressé par un huissier de justice à la requête de Mme C... veuve F... et de Mme A... F..., qui a tenté de faire signifier à M. G... F... leur déclaration d'appel du 25 mars 2011 et leurs conclusions du 16 juin 2011 et de l'assigner à comparaître devant la présente cour d'appel, conformément aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile ;

Vu le procès-verbal de recherches infructueuses du 29 novembre 2011 dressé par un huissier de justice à la requête de Mme E... L..., qui a tenté de faire signifier à M. G... F... ses dernières conclusions du 18 novembre 2011 et de l'assigner à comparaître devant la présente cour d'appel, conformément aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile ;

Vu la non-comparution de M. G... F... ;

Vu l'ordonnance de clôture du 20 août 2011 ;

Au cours de l'année 2005, M. I... L... et Mme E... K..., son épouse, ont confié à M. D... F..., artisan maçon, la restauration d'un bâtiment, la construction d'un mur et des travaux de carrelage au lieudit Le Grand Bost à Montazeau (Dordogne). M. F... n'a pas produit son attestation d'assurance décennale. Les travaux ont été interrompus au mois d'octobre 2005, aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé et M. et Mme L... ont réglé la somme de 46 683,82 euros. Afin d'apprécier l'existence de désordres et de faire les comptes entre les parties, le président du tribunal de grande instance de Bergerac a, le 2 juin 2006, ordonné une expertise confiée à M. J..., qui a déposé un rapport daté du 22 février 2007. M. et Mme L... ont judiciairement demandé à M. D... F... paiement du coût de la reprise des désordres et remboursement du trop perçu. M. D... F... est décédé le 23 avril 2007, laissant, pour lui succéder, Mme C... H... veuve F..., Mme A... F... et M. G... F.... Seules Mme C... H... veuve F... et Mme A... F... (M... F...) ont constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère au jugement déféré qui en contient une relation précise et exacte.

MOTIFS :

Sur la régularité de la mise en cause des héritiers

Pour soutenir que le jugement doit être annulé, M... F... soutiennent que la mise en cause d'G... F... n'a pas été faite conformément aux dispositions du code de procédure civile, puisqu'il a été assigné au domicile de sa mère où il n'a jamais habité, que M. et Mme L... n'ont jamais justifié des diligences de l'huissier de justice pour tenter de délivrer l'acte à une adresse réelle, qu'il lui avait pourtant été précisé qu'il habitait en Angleterre et que sa famille n'avait pu communiquer une adresse précise puisqu'il ne prenait jamais contact avec sa famille.

Cependant, c'est par des motifs exacts, pertinents et complets que la cour adopte que le tribunal, après rappel des mentions portées par l'huissier de justice sur le procès-verbal de recherches et montrant que, malgré les diligences qu'il avait accomplies et qu'il a relatées dans ce procès-verbal, M. G... F... n'avait ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, a retenu qu'il n'y avait 'pas d'autre solution que d'assigner M. G... F... à sa dernière adresse connue', celle correspondant à la boîte aux lettres sur laquelle figure son nom. Ayant ensuite constaté que la procédure prévue à l'article 659 du code de procédure civile avait été respectée, le tribunal en a justement déduit que l'intéressé avait été régulièrement assigné par l'acte portant procès-verbal de recherches du 25 février 2009.

Sur l'application du régime matrimonial de M. et Mme F...

Mme C... veuve F... fait valoir qu'elle a été mariée en Angleterre au mois de juillet 1979 sous le régime matrimonial légal de la séparation de biens, et qu'en application des dispositions de l'article 4 de la convention internationale de La Haye du 14 mars 1978, elle reste soumise à la loi de son premier domicile matrimonial, ce dont elle déduit qu'elle ne peut être tenue au paiement de la créance de M. et Mme L....

Cependant, au décès de l'entrepreneur, ce sont les règles du droit successoral qui s'appliquent, nonobstant les stipulations du régime matrimonial ayant existé dans ses relations avec son épouse. La référence au régime matrimonial qui s'est appliqué entre M. et Mme F... est donc sans effet pour déterminer les droits et obligations de Mme C... veuve F... à l'égard de M. et Mme L.... Au surplus, cette référence ne concerne pas Mme A... F....

Sur le fondement de l'action de M. et Mme L...

Reprochant à M. et Mme L... 'de viser le seul article 1147 du code civil, fondement de la responsabilité contractuelle, comme seul motif juridique', M... F... affirment qu'elles ne peuvent se voir reprocher une responsabilité quelconque sur des malfaçons qu'aurait commises leur auteur puisque, celui-ci ayant exercé à titre individuel, 'le contrat souscrit avec les époux L... a donc été conclu intuitu personae' et que 'le décès de l'entrepreneur aurait dû entraîner l'anéantissement du contrat d'ouvrage et de ses conséquences' ; elles affirment ignorer sur quel fondement juridique les consorts F... ont été mis en cause pour leur faire supporter une dette successorale, 'alors qu'en l'espèce, il s'agit de ressortissants britanniques soumis, notamment en ce qui concerne le régime matrimonial, à celui de la séparation des biens'.

Cependant, alors que, selon l'article 1795 du code civil, le contrat de louage d'ouvrage est dissous par la mort de l'entrepreneur individuel, ses créances et dettes professionnelles ne disparaissent pas avec son décès mais, en application de la règle de l'universalité du patrimoine, rattachées à son patrimoine propre, elles font partie intégrante de sa succession à son ouverture. Ainsi, en application de cette règle successorale, M. et Mme L... sont recevables à solliciter des ayants droit de M. F..., les consorts F... qui ne contestent pas avoir accepté la succession de leur auteur, le remboursement des dettes afférant aux travaux qui lui avaient été confiés, sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Sur le rapport d'expertise

En premier lieu, M... F... contestent la minoration pratiquée sur le prix de vente et la restitution du surplus, affirment que l'évaluation faite par l'expert judiciaire est fantaisiste et que la minoration qu'il a pratiquée est arbitraire, puisqu'il donne aux travaux exécutés par M. F... une valeur du marché local sans rechercher la commune intention des parties, alors que M. L... a payé sans contestation la somme prévue. Cependant, M. et Mme L... qui ont engagé une instance contre les consorts F... contestent le montant des sommes réglées à M. F.... Et le tribunal, par des motifs exacts, pertinents et complets que la cour adopte, a retenu que l'expert avait constaté que tous les travaux n'avaient pas été exécutés conformément aux devis préalablement établis par M. F..., que l'examen des factures ne permettait pas de justifier les prestations réglées à hauteur de 46 683,82 euros et qu'il avait donc utilement procédé à une estimation des travaux effectivement exécutés, pour un total estimé à 34 607,08 euros. Il en a justement déduit que, compte non tenu du coût des reprises rendues nécessaires par les malfaçons constatées, il existait un trop-perçu par M. F..., chiffré à 12 076,74 euros. M. et Mme L... sont bien fondés à demander le remboursement de cette différence.

En deuxième lieu, M... F... contestent l'évaluation des malfaçons chiffrées par l'expert à la somme de 10 799,71 euros, qui, selon eux, ne résulterait d'aucun décompte sérieux, sans référence à des prix du marché local. Cependant, par cette argumentation, M... F... ne justifient d'aucune contestation sérieuse de l'évaluation proposée par l'expert.

En dernier lieu, M... F... affirment que la taxe à la valeur ajoutée n'a pas à être appliquée sur 'ces prix' puisque M. et Mme L... sont résidents étrangers, alors que les travaux ont été exécutés en France sans qu'aucun élément ne permette d'admettre l'exonération du système fiscal français.

En définitive, M... F... n'opposent aucun élément sérieux de contestation susceptible d'infirmer le jugement en ses diverses dispositions.

Sur l'évaluation du préjudice de jouissance de M. et Mme L...

Le jugement alloue à M. et Mme L... la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Mme L... sollicite, pour les malfaçons et l'absence d'achèvement du chantier comme devant le tribunal, la fixation de cette réparation à 4 000 euros. Cependant, elle n'apporte aucun élément susceptible de modifier sur ce point le jugement.

En conséquence, la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les autres chefs de demande

M... F... et M. G... F... qui succombent sont condamnés aux dépens. Ils sont également condamnés, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de la somme de 3 000 euros à Mme L... et de celle de 1 000 euros à M. L....

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement prononcé le 25 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Bergerac,

Condamne in solidum Mme C... H... veuve F..., Mme A... F... et M. G... F... à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros à Mme E... L... et celle de 1 000 euros à M. I... L....

Les condamne de même aux dépens et constate que Mme C... H... veuve F... bénéficie de l'aide juridictionnelle.