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Décisions

Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 16-24.044

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Sémériva

Paris, du 24 juin 2016

24 juin 2016

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Délibéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans les mêmes conditions ;

Attendu que la société Baxter fait grief à l'arrêt de dire que M. Y... est l'inventeur du procédé objet du brevet [...] ainsi que de ses extensions, de dire, après avoir admis que l'invention de M. Y... est une invention de mission, qu'en application de la convention collective des industries pharmaceutiques applicable, elle ouvre droit à rémunération supplémentaire, d'ordonner une expertise et de la condamner à payer à M. Y... une provision sur le montant de la rémunération supplémentaire alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y... prétendait que son invention aurait été exploitée pour fabriquer l'émulsion lipidique à base d'huile d'olive contenue dans les produits Clinoleic, Olimel, Oliclinomel et Numeta et il n'était, par ailleurs, pas contesté que la société SIO était le fournisseur exclusif de l'huile d'olive purifiée entrant dans la composition de ces produits ; qu'après avoir constaté que la société SIO était le fournisseur exclusif des huiles purifiées entrant dans la composition des produits fabriqués par les sociétés Synthélabo puis Baxter, la cour d'appel a retenu, d'une part, que "la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo a exploité le brevet de M. Y..., ayant repris l'accord secret conclu entre les sociétés Synthélabo et SIO portant sur la fabrication de l'huile purifiée sur la base du brevet de M. Y..." et que l'invention présentait un intérêt exceptionnel dès lors qu'elle avait permis la réalisation d'une "émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja" ; qu'elle a néanmoins retenu, d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise afin de "déterminer l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur et/ou co-inventeur" ; qu'en retenant ainsi, tout à la fois, d'une part, qu'il était établi que la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo, exploitait l'invention de M. Y... pour la réalisation de l'émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive contenue dans ses produits et que cette invention présentait un intérêt exceptionnel, et d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise pour déterminer l'utilité industrielle et commerciale de cette invention et rechercher si les produits en cause procédaient de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la convention collective de l'industrie pharmaceutique subordonne l'octroi d'une rémunération supplémentaire au profit du salarié auteur d'une invention de mission à la condition que cette invention présente un "intérêt exceptionnel" pour l'entreprise ; qu'une invention, fût-elle novatrice sur le plan scientifique, présente un intérêt exceptionnel lorsqu'elle permet à l'entreprise de retirer des avantages économiques concrets présentant un caractère particulièrement substantiel, ce qui suppose, à tout le moins que son utilité industrielle et commerciale soit déterminée et que l'invention ait donné lieu à des applications commerciales concrètes ; qu'en retenant que l'invention couverte par le brevet [...] aurait "permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja" et que l'intérêt exceptionnel de l'invention serait ainsi caractérisé "quelles qu'en aient été les applications ultérieures", tout en admettant elle-même, au terme d'une motivation faisant apparaître qu'elle ne connaissait pas les conditions précises dans lesquelles l'invention litigieuse aurait été exploitée, qu'il était nécessaire de désigner un expert pour déterminer "l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions" et rechercher "si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions", ce dont il résultait qu'elle ne disposait pas de tous les éléments pour apprécier l'intérêt exceptionnel de l'invention litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 2 janvier 1968 dans sa version issue de la loi du 13 juillet 1978, ensemble l'article 48, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 ;

Mais attendu, d'une part, que l'intérêt exceptionnel pour l'entreprise d'une invention de mission, tel qu'exigé par la convention collective applicable, doit être apprécié au regard de l'ensemble des éléments de la cause ; qu'après avoir constaté qu'il résultait de l'attestation d'un ancien responsable du développement pharmaceutique de la société Synthélabo qu'à la différence de l'huile de soja, l'huile d'olive n'avait encore jamais été utilisée en nutrition parentérale et qu'afin de répondre aux exigences toxicologiques et éviter des effets cliniques indésirables, M. Y... avait mis au point un procédé de purification de l'huile d'olive afin de la rendre injectable en quantité importante, l'arrêt retient que l'invention en cause avait permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive constituant une innovation sur le marché de la nutrition parentérale et, en outre, qu'il n'était pas démontré que les essais cliniques ayant permis la mise au point du produit Clinoléic correspondant à cette innovation n'avaient pas été réalisés sur la base du brevet couvrant cette invention ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a pris en compte les facteurs pertinents pour l'examen d'un tel intérêt, a justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, qu'en retenant l'intérêt exceptionnel de l'invention, puis en ordonnant une expertise aux fins notamment d'examiner l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur ou coinventeur, la cour d'appel ne s'est pas contredite, mais a relevé, d'un côté, que la mise en oeuvre de l'invention avait permis la mise sur le marché d'un produit innovant caractérisant ainsi cet intérêt exceptionnel et, d'un autre côté, qu'il était cependant nécessaire de disposer de tous les éléments permettant de chiffrer la rémunération supplémentaire de l'inventeur salarié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Baxter aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit